Grâce de Jacqueline Sauvage : Hollande se donne "le temps de la réflexion"

Faut-il gracier Jacqueline Sauvage? François Hollande, qui a reçu vendredi les filles et avocates de cette femme condamnée à dix ans de réclusion pour le meurtre de son mari violent, n'a pas tranché, se donnant "le temps de la réflexion" avant de prendre sa décision, a indiqué son entourage.

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Sylvie, Carole et Fabienne Marot, qui réclament une grâce présidentielle pour leur mère, âgée de 68 ans, ont rencontré le chef de l'Etat vendredi après-midi, pendant une heure, avec les deux avocates de Jacqueline Sauvage. A l'issue de l'entretien, l'entourage de François Hollande a indiqué que celui-ci se donnerait "le temps de la réflexion avant de prendre sa décision". Le président "a été particulièrement sensible à l'existence de circonstances exceptionnelles" dans cette affaire, a affirmé Me Nathalie Tomasini à la presse en sortant du Palais présidentiel. Selon Me Janine Bonaggiunta, il a indiqué qu'il rendrait sa décision "très prochainement""Il ne nous a pas dit oui, il ne nous a pas dit non" au sujet de la grâce mais "il nous vraiment écoutées", s'est félicité une des filles de Jacqueline Sauvage.

L'article 17 de la Constitution autorise le président de la République à exercer le droit de grâce (uniquement à titre individuel depuis 2008). Mais l'entourage de François Hollande avait rappelé récemment qu'il n'était par principe pas favorable à la grâce présidentielle. Il ne l'a d'ailleurs exercée qu'une fois en permettant la libération conditionnelle, en janvier 2014, du plus ancien détenu de France, Philippe El Shennawy, sans éteindre sa peine.

Une mobilisation croissante

Le 3 décembre, la cour d'assises du Loir-et-Cher a confirmé en appel la condamnation à 10 ans de réclusion de la mère de famille, reconnue coupable d'avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012, après 47 ans d'enfer conjugal. Le cas de Mme Sauvage suscite une mobilisation croissante. Un comité de soutien s'est constitué, réunissant notamment la maire PS de Paris Anne Hidalgo, l'écologiste Daniel Cohn-Bendit et le porte-voix du Parti de gauche
Jean-Luc Mélenchon. Ses signataires soulignent que la sexagénaire a été "victime ainsi que ses enfants de viols répétés et d'extrêmes violences conjugales depuis 47 ans" et font valoir que la société ne leur a pas apporté "la protection qu'elle leur doit".

Eva Darlan, comédienne et membre du comité de soutien, a renouvelé vendredi l'appel à une grâce présidentielle : "C'est trop douloureux, c'est trop dur, c'est trop grave, elle a trop souffert, elle a été enfermée toute sa vie (dans son couple, ndlr), elle est enfermée maintenant, chaque jour passé en prison est un jour de tabassage de plus", a-t-elle dit.

Une pétition de plus de 400 000 signatures

Le Parti radical de gauche a appelé vendredi M. Hollande "à dépasser sa frilosité républicaine concernant cette prérogative présidentielle et accorder la grâce" plaidant en faveur "d'une réponse humaine à une situation inhumaine".
Le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde et la nouvelle présidente (Les Républicains) de l'Ile-de-France Valérie Pécresse, ont également plaidé en ce sens. 

Vendredi, lors de la commission permanente du Conseil départemental du Loiret, dominé par la droite, les femmes élues ont interpellé leurs homologues masculins et ont fait adopter à l'unanimité des élus présents un voeu demandant la grâce présidentielle pour Jacqueline Sauvage, incarcérée dans le Loiret, au Centre de détention de Saran. La détenue a par ailleurs reçu la visite en prison des députées LR Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Boyer.

Entre 100 et 200 personnes ont défilé samedi dernier à Paris. Des militantes des Femen ont manifesté seins nus vendredi devant sa prison, à Saran (Loiret), tandis qu'une pétition appelant à la grâce présidentielle a recueilli 420.000 signatures sur le site Change.org.

Le recours à la grâce fait son chemin au sein du gouvernement

Au sein même du gouvernement, certains plaident la cause de Mme Sauvage. Jeudi, sur BFMTV, la ministre de la Culture Fleur Pellerin s'est dite "bouleversée" par les témoignages de ses filles. François Hollande "décidera s'il souhaite exercer son droit de grâce (...) on est en présence d'un cas exceptionnel", a-t-elle estimé. 

Droit régalien des anciens rois de France, supprimé par les révolutionnaires puis restauré par Napoléon Bonaparte et repris dans toutes les Constitutions depuis 1848, la grâce présidentielle s'apparente à une suppression ou à une réduction de la peine. La mesure doit être contresignée par le garde des Sceaux. La condamnation reste inscrite au casier judiciaire et diffère ainsi de l'amnistie.

Cette prérogative présidentielle rappelle "quand même une autre conception du pouvoir", avait dit M. Hollande lors de la campagne électorale de 2012. Indépendamment de la demande de grâce présidentielle, Me Nathalie Tomasini a indiqué lundi à l'AFP se préparer à demander dans les prochaines semaines un aménagement de peine devant le tribunal d'application des peines à Orléans.
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