Jusqu'au 5 juin, la Cour d'assises de l'Isère se penche sur une affaire de proxénétisme aggravé en bande organisée. Dix personnes sont sur le banc des accusés, dont trois champions de taekwondo.
Le procès des trois champions de taekwondo accusés d'avoir obligé des mineures à se prostituer s'est ouvert cette après-midi à huis clos à la Cour d'assises de l'Isère. Dix personnes sont impliquées, dont une ancienne prostituée qui aurait recruté d'autres filles.
L'affaire a éclaté au printemps 2012, lorsque la mère d'une des victimes porte plainte à la gendarmerie. Sa fille fugueuse et placée en famille d'accueil a non seulement été contrainte de se prostituer mais elle dit aussi avoir été violée par Amine Manai, champion de France et champion d'Europe de taekwondo. Ce dernier était à la tête du réseau de prostitution avec Sofiane Cherifi, lui aussi taekwondiste et déjà condamné pour des faits similaires. Des adolescentes de 14 à 17 ans en rupture familiale recrutées dans un foyer d'accueil près de Grenoble étaient obligées de se prostituer dans des chambres d'hôtel. Les proxénètes se servaient de sites internet d'annonces pour attirer des clients. Les faits se sont principalement déroulés en Isère, en Savoie et en Haute-Savoie.
Pour l'avocate de la partie civile, Me Alice Nallet, ces jeunes filles étaient "extrêmement fragiles" au moment des faits : "Ils ont agi comme de vrais patrons et elles se sont senties inféodées à ces hommes. Elles sont devenues des machines sexuelles à leur service."
Me Ronald Gallo, avocat de la défense, craint quant à lui que le nombre d'accusés donne davantage d'ampleur à l'affaire et influence les membres du jury. "Pour certains ils ont accompagné les jeunes filles vers les hôtels, d'autres ont réservé sur des annonces pour les clients. Le dossier que j'ai à l'esprit n'est pas un dossier de violence à l'égard des jeunes filles."
Amine Manai, placé en détention provisoire depuis novembre 2012, a récusé les accusations devant les gendarmes. Il déclare avoir seulement "rendu service".
L'enjeu du procès est de déterminer la part de responsabilité de chacun. Les accusés risquent vingt ans de prison et trois millions d'euros d'amende.
Reportage de Marion Feutry et Dominique Semet