Ce jeudi 3 janvier à 10h, au Tribunal de Commerce de Grenoble, la société Marèse (Marèse SAS) a été placée en redressement judiciaire. Elle compte 132 salariés.
Cette décision intervient un mois après un autre redressement judiciaire, celui de la holding 'Marèse développement' qui détient la société à 100%. Les deux sont liés, "c'est la holding qui a entraîné la société dans sa chute", explique Maître Jean-Luc Médina, avocat du Comité d'Entreprise de 'Marèse SAS'.
Le 4 décembre, la holding détenue à 60% par une banque, Alliance Entreprendre, et des fonds d'investissement, avait été placée en redressement judiciaire en raison de lourdes dettes estimées à environ 13 millions d'euros.
Effet domino, c'est cette fois 'Marèse SAS', c'est-à-dire l'outil de production (le site de conception des modèles à Grenoble, les 37 boutiques et les 4 magasins d'usine en France) qui est placé en redressement judiciaire par le Tribunal de Commerce de Grenoble.
D'après les salariés et le Comité d'Entreprise, la société est rentable. "Elle ne perdait pas d'argent jusqu'à cette année", explique Magali Dellova, responsable du bureau d'étude, et élue au CE.
Et pourtant, les plans sociaux se sont succédés : le premier en 2003 lors de la délocalisation de la production en Asie et en Afrique du Nord (40 licenciements), le deuxième en 2010 (une dizaine de licenciements), et un troisième en 2011 (27 licenciements). Depuis, la société cherche désespérément un investisseur. Un producteur de soie chinois, puis deux industriels se sont désistés, échaudés par les 13 Millions de perte de la holding.
Avec le redressement judiciaire, paradoxalement l'espoir renaît pour les salariés, celui de voir les dettes épurées. "On a l'espoir de continuer, d'une façon ou d'une autre", confie Christiane Azidane,l'une des modéliste de l'atelier grenoblois, chemin de la poterne. "Sinon on essaie de ne pas trop penser à l'avenir, il faut avancer, et venir travailler tous les jours".
De mauvais choix financiers en 2008 ?
Comment ce fleuron de la mode enfantine française en est-elle arrivée là ? Créée par une certaine Marie-Thérèse (le nom Marèse est la contraction de ce prénom) pendant la Seconde Guerre Mondiale, la marque a été rachetée par la famille Doolaeghe il y a 70 ans.
Dans les années 2000, Olivier Doolaeghe, l'héritier de la famille historique, fait fructifier la marque. Elle devient alors la concurrente de grands noms tels qu'IKKS ou encore Catimini. Fort de ce succès, la holding est créée. En 2008, le dirigeant décide de mettre en place un LBO (pour Leveraged buy-out). Il s'agit d'un montage financier très répandu à l'époque. Il consiste à céder des parts via une holding, pour devenir actionnaires de la société filiale, prendre son contrôle et gagner de l'argent. Une façon de se racheter la société à soi-même. Pour cela, Marèse a emprunté aux banques, une dette censée être remboursée par les bénéficies de l'entreprise. Sauf qu' entre temps, la crise est passée par là.
Des mauvais choix financiers ? Le président de Marèse SAS, Christope Loupias (qui est aussi actionnaire au sein de la holding), s'en défend : "on ne pouvait pas savoir qu'il y aurait une crise de consommation sans précédent, et une augmentation impressionnante de la matière première (le coton) en Chine... C'est difficile de faire face à tout cela en même temps. Aujourd'hui j'ai toute une époque qui réfléchit avec moi à un plan de continuation. Et j'espère que Marèse vivra encore 70 ans".
Selon lui, la reprise n'est pas la seule solution envisageable. Plusieurs investisseurs seraient intéressés. Avant cela, il faudra en passer par ce que le dirigeant appelle "une redimension" de l'entreprise. Ce qui pourrait sous-entendre des licenciements, à nouveau.