Dimanche 29 janvier, un incendie a ravagé un bâtiment agricole à Saint-Pierre-Eynac en Haute-Loire. 107 chèvres ont péri. L'éleveuse est dévastée. Une cagnotte et un appel aux dons ont été lancés pour lui venir en aide.
Le sujet est encore très sensible. Cela fait cinq jours maintenant que ses 107 chèvres sont mortes dans l’incendie du bâtiment. Et lorsqu’on lui pose une question -maladroite- sur la chèvre qui lui manque le plus, Alice Moreau fond en larmes. A l’autre bout du téléphone, on se retrouve avec un grand sentiment de culpabilité. On se confond en excuses, soi-même troublée. « Avec certaines chèvres, je n’avais pas d’affinité mais avec d’autres, c’est comme n’importe qui qui aurait un chat à la maison », confie-t-elle entre deux sanglots.
Dimanche 29 janvier, au petit matin, le tunnel de plastique qui abritait le troupeau de chèvres angora et de chèvres naines à Saint-Pierre-Eynac en Haute-Loire a pris feu. Lorsque les secours sont arrivés, il n’y avait plus rien à faire. Tout était déjà embrasé.
« C’est la pire claque que l’on puisse se prendre », explique l’éleveuse. « A part quelque chose qui arriverait à mes enfants, il n’y a pas pire. » La voix est pleine de tristesse. « Je mettrai du temps…c’est clair…je mettrai du temps… »
Depuis dimanche, les soutiens affluent. Le maire de la commune a lancé un appel aux dons et sur le site Leetchi, une cagnotte est en cours. Déjà plus de 12 000 euros récoltés.
« Cela me permet de me sentir soutenue, ça réconforte. Cela aide à aller de l’avant de savoir qu’il y a des gens qui donnent et qui y pensent. Car je reçois aussi des petits mots. Dans des moments comme ça, on se rend compte que ce sont des petits détails qui font du bien. Les gens qui me connaissent un minimum savent à quel point cela peut m’affecter. »
Car Alice Moreau le reconnaît, elle est passionnée. « Je bossais à 200 % pour mes animaux. Tout ce que j’ai construit ! Toute l’énergie que j’ai mise ! Nous ne prenions pas de vacances, tout mon temps était pour elles. »
Construire et se reconstruire
La voici qui repart presque à zéro. Avec une grande impression de vide au fond d’elle-même. Un deuil à faire. « L’exploitation existe toujours car nous avions quelques vaches et par chance, tout le monde n’avait pas pu être logé dans le bâtiment. J’ai encore 14 chevrettes naines et mes boucs nains aussi. Je me raccroche à eux. »
L’éleveuse de 36 ans peut aussi compter sur son conjoint. « Il veut repartir à fond, c’est un bâtisseur. Mais moi, j’ai tout cet affectif. J’ai trop donné. Mais c’est ce qui fait ma force aussi. »
Alice Moreau aujourd’hui veut prendre son temps. Pour reconstruire. Avec les indemnisations des assurances, elle réfléchit à un bâtiment en dur, plus grand pour être plus confortable. L’argent de la cagnotte devrait permettre de racheter des animaux. Mais petit à petit. « Les chèvres sont vulnérables aux maladies. Je veux reconstituer un troupeau mais le plus intelligemment possible sans aller chercher des chèvres à droite et à gauche et prendre le risque de ramener des chèvres malades. »
Celles qui ont disparu étaient en outre des animaux sélectionnés. Alice Moreau, passionnée de génétique, avait patiemment développé son cheptel. « Concernant les angora, c’étaient des chèvres à pedigree avec des index poussés sur la qualité du mohair. Quant aux naines, c’étaient des chèvres de couleurs avec une morphologie et un caractère recherchés. » Les premières étaient élevées pour leur laine que l’éleveuse faisait transformer en vêtements, les secondes étaient vendues en tant qu’animal de compagnie.
« Et c’est même plus pour ces chèvres naines que j’ai une affection excessive et débordante. Le soir, j’allais faire un tour. Comme leur dire bonne nuit avec des petites caresses avant d’aller me coucher. »
On n’a jamais osé redemander le nom de ces chèvres qu’elle aimait tant. Non, il y avait trop de peine. Il ne fallait pas insister.