La ferme d'Emmanuel Foulon est inondée depuis le 25 janvier. Très vite la solidarité s'est organisée pour mettre à l'abri son troupeau. Vaches, génisses et veaux ont été évacués chez des éleveurs à proximité. Une solution d'urgence en attendant la décrue.
Emmanuel Foulon a du mal à réaliser. En quelques jours, son exploitation laitière s'est métamorphosée en étang. Les prairies ressemblent à un lac. 80 centimètres à 1 mètre d'eau ont envahi les bâtiments.
Le matériel, la salle de traite comme les stocks de fourrage sont noyés.
Une situation inédite dans cette ferme située au bord de la Seiche où plusieurs générations d'agriculteurs se sont succédées. Emmanuel a pris la suite de sa mère il y a cinq ans. Tous les deux ont connu les inondations de 2001. Ni l'un ni l'autre n'avait vécu un phénomène d'une telle ampleur.
Dimanche, la montée des eaux a obligé Emmanuel à appeler à l'aide. Ses animaux baignaient dans l'eau froide. Avant que la crue ne soit plus forte, l'urgence était de les mettre à l'abri.
Dès lundi, 15 à 20 agriculteurs sont venus lui prêter main-forte pour évacuer le troupeau. Avec sept bétaillères et des tracteurs, ils ont multiplié les allers-retours pour sauver les 72 vaches des eaux. ll a fallu faire vite. Avant la nuit et avant la traite.
Depuis plusieurs jours, les paysans des alentours s'inquiétaient de la situation : "Chez Emmanuel, ça monte, il va falloir faire quelque chose pour les vaches."
"Heureusement qu'il y a eu du monde" se félicite Emmanuel Foulon "pour aller vite. Il y avait des risques pour les animaux".
L'armée à la rescousse
Lundi soir, 25 génisses et 8 veaux restaient encore à évacuer. L'opération s'est donc poursuivie mardi. Les pompiers sont intervenus à leur tour. Ils ont pu sauver plusieurs veaux avec les moyens du bord, dans une barge. Mais le niveau de l'eau qui ne cessait de monter ne leur a pas permis de transporter tous les animaux.
Mercredi c'est donc l'armée qui a apporté son aide. A l'appel du groupe d'agriculteurs qui bataillaient depuis 3 jours avec les inondations en cours. Les militaires du 2ème Régiment du matériel (RMAT) basés à Bruz ont sorti leur camion de dépannage pour emmener les derniers veaux chez des éleveurs solidaires et au sec.
C'est à la ferme des Prés Verts à Noyal-Châtillon-sur-Seiche, que les 72 vaches ont trouvé refuge, chez Bénédicte Clermont à 10 kilomètres de chez Emmanuel.
« On a un bâtiment plus grand que notre troupeau » raconte l’éleveuse, « c’est l’historique de la ferme qui veut ça. On a mis nos vaches d’un côté et on s’est dit que l’on pourrait abriter le troupeau d’Emmanuel de l’autre.»
Pour l'heure, Bénédicte partage sa salle de traite et son fourrage. Emmanuel vient matin et soir pour la traite de ses vaches. Un accord a été passé avec la laiterie qui collecte désormais le lait de 2 troupeaux au lieu d'un.
Dans l'urgence, on les nourrit avec nos stocks comme si c'étaient les nôtres
Bénédicte ClermontEleveuse à Noyal-Châtillon-sur-Seiche
"On assure une sorte de tampon de sécurité, on peut le faire pendant une semaine mais après nos vaches vont entrer en vêlage, ce sera plus compliqué" explique Bénédicte Clermont.
L'éleveuse espère que les assurances vont prendre la mesure de l'urgence de la situation. "On aura besoin de récupérer le fourrage dans les mois qui viennent" précise-t-elle.
À une douzaine de kilomètres de Bruz, Eric, Frédéric et Olivier Poulot éleveurs à Bourgbarré, ont, eux aussi, ouvert leurs portes aux génisses et aux veaux d'Emmanuel. Après avoir participé activement à l'évacuation.
"Tout s'est fait naturellement. On avait un peu de place. On a serré nos 120 vaches laitières. On a poussé un peu les murs" raconte Frédéric Poulot, " je ne sais pas combien de temps ça pourra durer".
"Le plus dur est devant nous"
La belle solidarité des éleveurs permet de surmonter les conséquences des crues à court terme. Beaucoup ont appelé pour proposer de la nourriture pour les animaux évacués. Chacun apporte ce qu'il peut. Quelques bottes de foin, de l'ensilage, l'idée est de tenir le temps de la crue. Et au delà.
Quand l'eau se sera retirée, il faudra établir un diagnostic des dégâts dans la ferme d'Emmanuel Foulon. 80 hectares ont été inondés. L'éleveur sait déjà que la remise en état prendra du temps.
"Pour l'instant, je suis bien accompagné. J'ai continué à travailler, à aller voir mes animaux. On verra après. À partir de la semaine prochaine, je m'attellerai au nettoyage, aux réparations"
Tous les agriculteurs qui l'ont déjà épaulé l'assurent, ils seront là après la décrue.
Emmanuel Foulon, qui se sait en zone inondable, avait voulu déménager à Laillé (35) il y a deux ans, selon Frédéric Poulot. Le projet avait été refusé. "Ce déménagement aurait évité une situation humaine difficile à sumonter, ça laisse un goût amer".