Hôpitaux et Ehpad sont mis à rude épreuve par la seconde vague épidémique en Haute-Savoie. Les soignants pointent un manque d'effectif criant quand les directeurs d'hôpitaux avancent des difficultés de recrutement.
"Dans les Ehpad, ça va être une hécatombe." Les soignants de Haute-Savoie ne cachent pas leur inquiétude alors que déferle la deuxième vague de Covid-19. Le virus frappe durement les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Et le recrutement de personnel soignant tarde à venir.Face à un "sous-effectif chronique" dans les établissements de soins, le collectif inter-hôpitaux d'Annecy monte au créneau. A l'heure où la direction du centre hospitalier Annecy Genevois (Change) annonce une large campagne de recrutement, les syndicats demeurent sceptiques.
"Recruter est une chose, garder le personnel en est une autre. Notre direction saura-t-elle offrir de bonnes conditions de rémunérations et de travail aux équipes de soins critiques actuelles ? Rien n’est moins sûr et une telle démarche ne pourra exister qu’avec un sursaut majeur", écrivent notamment FO et la CGT dans un communiqué commun. Selon eux, tous les ans depuis 2016, le taux de renouvellement annuel atteint 60%.
C'est ce manque de personnel qui, selon eux, est en cause dans la vague de coronavirus qui déferle dans les Ehpad. Parmi les établissements les plus durement touchés, la résidence Saint-François de Sales à Annecy où 66 résidents sur 73 ont été testés positifs, annonçait la direction du Change lundi 2 novembre. Huit en sont décédés, et quatre ont été transférés pour "soulager les personnels de l'Ehpad". Près de 60% des soignants ont été infectés par le virus, selon nos informations.
L'attrait de la Suisse
Alors que le Covid-19 continuait de se propager dans la résidence, le nombre d'aides-soignants a presque été divisé par deux - certains postes étant non pourvus tandis que des personnels faisaient l'objet d'arrêts de travail. Des renforts ont donc été appelés, soignants d'autres services ou étudiants infirmiers, pour venir en renfort. Trop peu, trop tard pour Angélique Neutens, secrétaire générale de la CGT au Change.
"Les étudiants sont de la chair à canon pendant cette crise sanitaire. Ils sont appelés en renfort et livrés à eux-mêmes alors qu'ils devraient être encadrés", dénonce-t-elle. Des soignants en formation appelés pour combler en urgence un manque d'effectif. Mais le personnel de cet Ehpad, comme d'autres en Haute-Savoie, alerte sur cette problématique depuis des mois.
"En Haute-Savoie, on a une difficulté de recrutement, reconnaissait le directeur général du centre hospitalier, Vincent Delivet, fin octobre. Ce n'est même pas une question de financement des structures, c'est vraiment un problème d'attractivité et de présence de conditions beaucoup plus favorables en Suisse, c'est une réalité."
Déjà épuisés après le passage de la première vague, les soignants se disent à bout de forces. "On nous traite comme des esclaves", reprend Angélique Neutens, infirmière de bloc opératoire au Change, expliquant voir de nombreux soignants en situation de burn-out. "Si les conditions étaient acceptables, les gens resteraient en France", répond-elle. Une soignante de la résidence Saint-François raconte avoir "vécu un enfer".
Campagnes de recrutement
En complément de la campagne de recrutement lancée par le centre hospitalier d'Annecy, le département de la Haute-Savoie a "lancé un recensement des besoins" dans les établissements recevant un public fragile. Le département promet de "mobiliser certains publics", les personnes en recherche d'emploi ou disponibles du fait du confinement, pour renforcer les équipes. Sur la base du volontariat, ils seront appelés en renfort dans les établissements médico-sociaux en sous-effectif.
"Être soignant, ça ne s'improvise pas, estime toutefois la déléguée syndicale. Ca peut être violent de se retrouver face à la déchéance humaine, face à la mort, ça peut causer un impact psychologique important." A la résidence Saint-François de Sales, les visites vont reprendre ce mardi et les résidents vont sortir de leur confinement en chambre après trois semaines d'isolement.
Mais le virus continue de toucher d'autres structures. C'est désormais l'Ehpad Baudelaire, à Saint-Julien-en-Genevois, qui fait face à la propagation du coronavirus parmi ses résidents. Une vingtaine ont été infectés et les visites suspendues le temps de maîtriser les contaminations.