La Haut-Savoyarde Marion Poitevin, première femme admise au Groupe militaire de haute montagne et première femme secouriste CRS montagne, revient sur son parcours dans une autobiographie, "Briser le plafond de glace".
Elle ne veut plus être une "exception", seule femme dans des univers très masculins. Pionnière dans ses carrières de militaire, d'alpiniste, puis de CRS secouriste en montagne, Marion Poitevin veut briser le "plafond de glace" qui entrave la carrière des femmes.
Rien ne prédisposait cette jeune femme aux longs cheveux bruns et à la silhouette sportive à publier son autobiographie, dès l'âge de 37 ans, dans l'espoir que son "parcours professionnel serve de modèle pour les générations suivantes" - Briser le plafond de glace, aux éditions Guérin.
Briser le plafond de glace
"A la base, je n'étais pas féministe et je ne voyais vraiment pas où était le problème", explique l'autrice.
Manque d'assurance et difficulté à inspirer la confiance ou à trouver des partenaires de grimpe, relations "de séduction" dans les cordées, remarques sur le physique, blagues douteuses et stéréotypes misogynes, voire harcèlement sexuel : ces écueils, tout au long de sa carrière de montagnarde, lui font cependant prendre peu à peu conscience que le problème du sexisme est "systémique et remonte à bien avant" elle.
"Ça bloque toujours. Depuis Catherine Destivelle qui a explosé le plafond de glace en alpinisme, il ne s'est pas passé grand-chose", regrette-t-elle, rendant hommage à son illustre aînée.
"Il a fallu trente ans pour faire les 15 premières femmes guides de haute montagne. Moi, je suis la 17e. Et il a fallu huit ans pour faire les quinze suivantes" alors que plus d'un millier d'hommes exercent actuellement le métier, s'agace-t-elle.
Pourtant, "l'alpinisme est un sport très complexe, il faut de l'expérience, de l'observation, de la technique, de la chance et du mental, des qualités absolument pas physiologiques et propres aux hommes donc c'est vraiment un des sports où on a toutes nos cartes à jouer", observe Marion Poitevin.
Avec Lead the climb, des filles revendiquent d’aimer être leader
Marion Poitevin
Ce constat la poussera à "s'emparer des réseaux sociaux" puis à fonder, avec la bénédiction de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM), un club féminin baptisé "Lead the Climb", "un espace pour prendre confiance en soi, développer son leadership et oser aller plus loin".
Le club compte actuellement quelque 300 membres pratiquant alpinisme, ski engagé ou cascade de glace. "Des filles désormais revendiquent d''aimer être leader', avant, c'était un peu trop ambitieux", se réjouit-elle.
L’envie de gravir tous les sommets de la Terre dès le plus jeune âge
Marion Poitevin a grandi à La Roche-sur-Foron, en Haute-Savoie, auprès de parents professeurs d'éducation physique et kayakiste, qui l'inscrivent dès 6 ans chez les Scouts de France et l'encouragent, même lorsqu'elle se livre à des sports extrêmes ou dangereux.
Elle pratique assidûment le ski et l'escalade et, à 15 ans, a déjà "envie de gravir tous les sommets de la Terre". A 17, elle passe un an dans une famille d'accueil à Boulder, au Colorado, et découvre les grandes parois de la vallée de Yosemite.
Faire bouger la société
Elle devient la première femme, et la seule à ce jour, à intégrer le Groupe militaire de haute montagne (GMHM), qui rassemble les meilleurs alpinistes de l'armée. Elle y passe trois ans et demi, participant au passage à de grandes expéditions dans l'Himalaya et le grand nord canadien, puis devient instructrice à l'école militaire de haute montagne (EMHM) à Chamonix, où elle forme des chasseurs alpins et côtoie presque exclusivement des hommes.
Malgré des "expériences fabuleuses" pendant ses années sous les drapeaux et l'appui de "beaucoup d'alliés hommes", elle se rend compte que "l'ambiance à l'armée lui pèse".
Elle décide alors de passer un concours qui lui permet de devenir en 2016 la toute première femme CRS montagne, l'équivalent dans la police du fameux peloton de gendarmerie de haute montagne. Elles sont aujourd'hui 4 sur un effectif de 200 et deux autres devraient les rejoindre prochainement.
Entre deux confinements, Marion Poitevin a aussi suivi le master EGAL'APS à l'université de Lyon, dédié à "l'égalité dans et par les activités physiques et sportives", un cursus qui lui a permis de "mettre des mots sur ce qu’elle avait ressenti et ce qui la mettait mal à l'aise." Au final, "la société bouge, mais il ne faut rien lâcher", conclut celle qui attend aujourd'hui son deuxième enfant.