Depuis 1924, la Fédération française de ski (FFS) œuvre pour le développement des sports d'hiver en France. Un siècle de projets, d'innovations et de performances sportives célébré ce mercredi 16 octobre à Poisy, en Haute-Savoie.
Voilà plus d'un siècle que son histoire continue de s'écrire. Une histoire née en 1924 quelques mois après l'organisation des premiers Jeux olympiques d'hiver à Chamonix, en Haute-Savoie. Le 15 octobre 1924, la Fédération française de ski (FFS) voit le jour.
Cent ans plus tard, son activité se poursuit au travers de ses plus grands champions mais aussi de ses actions en faveur de la démocratisation des sports d'hiver. Pour célébrer ce centenaire, le film "Il était une foi(s) le ski", réalisé par Gilles Chappaz, sera projeté ce mercredi 16 octobre à Poisy en Haute-Savoie lors d'une soirée de célébrations consacrée à la FFS.
La FFS née dans les traces du Club alpin français
En 1924, la naissance de la Fédération française de ski s'inscrit dans un paysage du ski géré et contrôlé par le Club alpin français (CAF). "Le CAF était pour un développement du ski de montagne, du ski découverte… loin du ski sportif. Il avait une vision assez élitiste de la pratique, raconte le journaliste et réalisateur Gilles Chappaz. Mais à cette époque, il y a notamment eu des Pyrénéens, des Vosgiens et des Jurassiens qui se sentaient oubliés par le CAF qui était très axé sur les massifs alpins. Ils ont alors décidé de prendre en main la destinée du ski."
Au lendemain du premier concours international de ski organisé par le CAF en 1907 à Montgenèvre, un engouement populaire donne naissance aux premières "sociétés de ski", notamment celles du Dauphiné et du Jura.
Ces premières esquisses de clubs se regroupent finalement dans des fédérations régionales. Ces dernières rassemblaient déjà plusieurs milliers de licenciés. Mais elles manquaient encore de structure. Pour y remédier, une association de loi 1901 est fondée le 15 octobre 1924, présidée par un membre du Club alpin français, Henri Cuenot.
Son développement n'est pas aussi rapide qu'espéré, mais il connaît un véritable essor dans les années 1930. Le comité directeur de la Fédération française de ski se reforme avec un objectif bien défini : promouvoir le ski alpin en France.
Car à l'époque, les sports d'hiver sont largement dominés par les sports de glace, comme en témoignent les premiers Jeux olympiques d'hiver organisés à Chamonix en 1924. Patinage, luge, bobsleigh sont les épreuves reines de cette olympiade. Le ski était, lui aussi, au rendez-vous mais uniquement les disciplines nordiques comme le ski de fond, le saut à ski, le combiné nordique ou encore la patrouille, l'ancêtre du biathlon.
Le pari du ski alpin
Une décennie plus tard, la FFS choisit de miser sur le ski alpin qui se développe dans les Alpes grâce à la pente offerte par les massifs. Un pari qui s'avère gagnant dans les années 1930. "L'apparition des remontées mécaniques avec 'la révolution du câble' a permis de pratiquer beaucoup plus le ski de descente. La fédération avait l’intime conviction que cela allait devenir la pratique populaire et démocratique", explique Gilles Chappaz.
En 1933, la commune de Megève ouvre la voie aux stations en aménageant le premier téléphérique pour les skieurs. Les industriels comme Rossignol ou encore Pomagalski (désormais Poma) emboîtent le pas et choisissent aussi le choix de capitaliser sur l'essor de cette discipline.
Cette stratégie, menée par la Fédération française de ski, repose notamment sur la nouvelle technique de ski d'un champion haut-savoyard. En 1937, Emile Allais révèle au grand public sa méthode du virage skis parallèles, en devenant champion du monde du combiné alpin après avoir remporté le slalom et la descente à Chamonix.
Dans cette voie, la FFS "crée une équipe de France qui sera la vitrine et le porte-étendard de ce nouveau sport", ajoute le réalisateur avant de poursuivre : "Dans les années 1930 et 1940, la fédération a été la première à former des moniteurs, à pousser son développement."
La formation au cœur de ses préoccupations
Au fil des années, la Fédération française de ski a élargi le champ de ses fonctions et de ses actions pour répondre aux problématiques d’enseignement, de compétitions et de représentations internationales.
Au lendemain de la guerre, la discipline continue de grandir mais la FFS perd ses compétences en matière d'enseignement au profit de l'Etat. La fédération poursuit son engagement auprès de cadres bénévoles. En 1933, déjà, elle avait organisé le premier stage de formation de moniteurs, sanctionné par un brevet. Douze ans plus tard, le 13 novembre 1945, est créé le syndicat national des moniteurs du ski français.
Vient ensuite la mise en place du Plan Neige entre 1964 et 1977. Un moment déterminant pour l'industrie du ski et la FFS. "Cela a permis la naissance des stations de 3e génération comme Avoriaz, Flaine ou encore La Plagne, qui sont, dans les années 1960, la marque de fabrique du ski en France. La fédération accompagne ainsi le mouvement avec ses comités régionaux et ses clubs. Elle aidait les jeunes à faire du ski en permettant l’accès au plus grand nombre et en formant de grands skieurs."
Les premiers systèmes de ski-études voient le jour comme à Villard-de-Lans, à Saint-Jean-de-Maurienne ou encore à Bourg-Saint-Maurice. Allier sport de haut niveau et enseignements universitaires ouvre alors le champ des possibles pour les jeunes amateurs de glisse.
Une équipe de France en forme olympique
En parallèle, l'équipe de France de ski alpin connaît son apogée au cours de cette décennie. En 1966, elle décroche 16 médailles sur 24 possibles lors des Championnats du monde de Portillo, au Chili. Des performances historiques sur lesquelles la délégation tricolore continue de surfer deux ans plus tard aux JO d'hiver de Grenoble.
Lors de cette Xe olympiade hivernale, la seconde en France, tout un pays découvre Jean-Claude Killy. Le Savoyard s'offre trois titres olympiques sur le slalom, le slalom géant et la descente. "L’équipe de France de ski alpin gagne comme elle ne le fera peut-être jamais plus. Et le ski est retransmis à ce moment-là à la télévision", s'enthousiasme Gilles Chappaz.
Sur cette dynamique, la FFS engrange des milliers de nouveaux licenciés dans ses clubs. Elle rayonne à l'échelle nationale mais également internationale avant de connaître une crise de croissance dans les années 1970.
L'affaire des bannis de Val d'Isère
Au cours de cette décennie, l'industrie du ski se mondialise. Les stations françaises deviennent parmi les plus prisées et la fédération s'interroge sur quelle direction prendre. "La FFS vit de hauts et de bas", confie Gilles Chappaz en faisant notamment référence aux bannis de Val d'Isère.
En décembre 1973, six leaders de l'équipe de France sont exclus. En plein critérium de la Première Neige, Patrick Russel, Henri Duvillard, Ingrid et Britt Lafforgue, Roger Rossat-Mignod et Jean-Noël Augert sont contraints à une retraite sportive.
Cette décision de la FFS, qui avait fait grand bruit à l'époque, intervient dans un contexte marqué par l'arrivée du professionnalisme. Ce divorce justifié au nom de la "rénovation" et du "rajeunissement" des équipes de France a secoué le monde du ski alpin.
En réponse à cette affaire vécue comme un traumatisme par les six jeunes skieurs concernés, un collectif d’anciennes légendes françaises de la discipline dont Jean-Claude Killy, Emile Allais ou encore Francine Bréaud, a fondé l’Association des Internationaux du Ski Français (AISF).
Aujourd'hui présidée par Florence Masnada, l'association regroupe plusieurs centaines de skieurs français ayant participé aux plus grandes compétitions internationales. Plusieurs de ses membres siègent à la FFS pour veiller aux intérêts des sportifs.
100 000 licenciés et 900 clubs fédérés
Malgré ces périodes de crise, la Fédération française de ski poursuit son développement en incluant toutes les disciplines du ski à l'image de l'avènement en France du snowboard ou encore du monoski dans les années 1980.
Puis, la fédération retrouvera de son éclat lors des Jeux olympiques d'Albertville en 1992. La XVIe olympiade d'hiver rapporte à la France 9 médailles dont 3 en or, remportées en combiné nordique, en ski acrobatique et en biathlon.
Des performances sportives résultant d'un vivier conséquent. Même si cela reste loin des chiffres affichés dans les années 1960, la FFS fédère aujourd'hui près de 100 000 licenciés dans 900 clubs en France. "Elle a un rôle moteur et de leader moral sur le développement du ski. [...] Le ski est un sport cher, et elle essaye encore de le démocratiser et de l’ouvrir au plus grand nombre par des sorties collectives", témoigne le réalisateur et journaliste Gilles Chappaz.
Mais son avenir est menacé. L'or blanc, cette ressource si précieuse pour l'industrie du ski, tend à disparaître, du moins à se raréfier en raison du réchauffement climatique. "Des stations vont disparaître, des gens vont abandonner le ski. Aujourd’hui, ce qui pilote les décisions, c’est la nature. Cela a toujours été un peu le cas, mais aujourd’hui plus que jamais", livre Gilles Chappaz.
Pour célébrer son centenaire et échanger sur les prochains défis à relever notamment celui des Jeux olympiques 2030, la Fédération française de ski organise ce mercredi 16 octobre une soirée de festivités à Poisy, en Haute-Savoie. Plusieurs dizaines de légendes du ski français telles que Jean-Luc Crétier, Franck Piccard ou encore Carole Montillet seront présentes pour l'événement.