À deux mois de l'ouverture annuelle des pistes, la question de la transition des stations de ski était sur toutes les lèvres lors du 40e congrès de l'Association nationale des élus de la montagne (ANEM), réunis dans la station de Superdévoluy entre Gap et Grenoble.
Deux fermetures annoncées en quelques jours tandis qu'un troisième site, l'Alpe du Grand Serre, se bat pour survivre : la transition des stations de ski est en cours mais ne se fait pas sans douleur, reconnaissent les élus de montagne.
Réunis dans la station de Superdévoluy pour leur 40ème congrès du 10 au 11 octobre, ils ont longuement évoqué l’avenir des stations de moyenne altitude. Si Superdévoluy, situé entre 1500 et 2500 mètres tire son épingle du jeu, ce n'est pas le cas de plusieurs de ses voisins alpins, comme Notre-Dame-du-Pré (Savoie) et Seyne-les-Alpes (Alpes-de-Haute-Provence), qui viennent tous deux d'annoncer leur fermeture imminente.
Beaucoup de sujets abordés au cours de cette 2ème table-ronde : mobilités, logement, services publics, développement économique, préservation de la biodiversité, … avec lucidité. Autant d'éclairages pour accompagner la transition et les changements en cours de la montagne. pic.twitter.com/58sj6B6UCp
— AnemMontagne (@AnemMontagne) October 10, 2024
Un cas d'école
Plus proche encore, la station iséroise de l'Alpe du Grand Serre pourrait elle aussi mettre la clé sous la porte après 85 ans d'existence, la communauté de communes locale ayant décidé la semaine dernière de lui retirer ses subventions. Les déficits de la station s'accumulent chaque année en raison des problèmes d'enneigement sur le bas du domaine, et maintenir les aides locales impliquait de renoncer à d'autres projets, ont justifié les élus.
"Un cas d'école", déplore la députée locale, Marie-Noëlle Battistel, qui s'active tous azimuts pour trouver d'autres financements afin de permettre à la station d'ouvrir encore cette année, de quoi "passer un cap" avant la mise en place d'un nouveau modèle économique. Les cagnottes ouvertes en ce but ont déjà collecté "100.000 euros en trois jours, ce qui est énorme", souligne l'élue socialiste, pleine d'espoir.
Trop de "ski bashing" ?
Pour autant, "les mauvaises nouvelles risquent de s'enchaîner et les Hautes-Alpes sont aux premières loges de ces catastrophes", s'inquiète son homologue haut-alpine Marie-José Allemand. "À l'heure où les détracteurs nous disent qu'il faut tout arrêter dans l'instant, que la neige n'a plus aucun avenir, je pense qu'il est bien plus raisonnable de s'engager dans une voie de transition", poursuit-elle, en plaidant pour une réponse "courageuse" qui ne se contente pas de "demi-mesures".
Côté élus, beaucoup s'indignent d'un "ski bashing et d'un tourisme bashing très prégnants cette année" et critiquent à mots plus ou moins couverts le rapport rendu public en février par la Cour des comptes, qui alertait sur un modèle économique "à bout de souffle".
À l’inverse, ils se réjouissent également de la présence de "six montagnards" dans le nouveau gouvernement dont les Savoyards Michel Barnier, Premier ministre, et la ministre déléguée chargée de l'Économie du tourisme Marina Ferrari, garantie selon eux que "la montagne ne sera pas oubliée".
Cette dernière, présente au congrès, évoque l'ampleur des "enjeux, car les massifs sont les premiers exposés au réchauffement climatique". "On doit s'adapter vite", souligne-t-elle, sans faire mystère des "temps budgétaires difficiles" que traverse le pays.
Personne ne peut douter du soutien de l’État à l’économie de la montagne.
— Marina Ferrari (@Marina_Ferrari) October 10, 2024
Nous y sommes profondément attachés avec @MichelBarnier et @antoine_armand.
Nous l’avons montré, par le passé, avec une réponse puissante face à la crise sanitaire puis des investissements pour œuvrer à… pic.twitter.com/poLrNf8Aw3
Si les stations de ski ont tout au long de leur existence dû faire face à des facteurs de changement, c'est leur "interaction" qui constitue aujourd'hui la nouveauté et fait "qu'un certain nombre de stations sont dans des situations difficiles", a souligné Emmanuelle George, chercheuse en économie territoriale à l'INRAE, lors d'un débat devant ces élus.
Il est évident que les stations de basse altitude sont condamnées.
Chantal Eymeoud, deuxième vice-présidente de la région PACA, chargée du plan montagne.
"Il n'y a pas de référentiel de transition. On sort d'un modèle où on sait faire les stations. Les transitions, on ne sait pas les faire", souligne-t-elle, appelant à partager les "diagnostics et déconstruire les positions très tranchées entre ceux qui veulent fermer et ceux qui veulent réinvestir".
"Le ski n'est pas foutu !", lance Chantal Eymeoud, deuxième vice-présidente de la région PACA, chargée du plan montagne. "Il est évident que les stations de basse altitude sont condamnées. Je pense que ça ne fait pas l'ombre d'un doute, pour absolument personne. Pour autant, l'activité ski n'est pas condamnée", souligne-t-elle.
180 stations fermées en 50 ans
L'outil de prévision scientifique ClimSnow, qui permet de projeter l'état futur du manteau neigeux, "nous donne une visibilité sur les massifs sur lesquels on peut engager des fonds publics. Et évidemment, elle éclaire aussi sur ce qu'on ne peut pas faire", souligne-t-elle, estimant à "une dizaine" le nombre de stations françaises condamnées à fermer dans les prochaines années.
Plus de 180 domaines skiables ont été fermés en France depuis les années 1970, en grande majorité des micro-stations familiales ou communales de moyenne montagne, selon le décompte du géographe Pierre-Alexandre Metral.