L’association Animal Cross a diffusé une vidéo dans laquelle un lieutenant de louveterie, mandaté par le Préfet pour réguler la population de loups, aurait illégalement tenté d’appâter les prédateurs en laissant un troupeau de chèvres sans surveillance. La Préfecture dément "toute irrégularité" et assure que la règlementation a été respectée.
En Haute-Savoie, le sujet du loup continue de diviser. Après l’action choc des éleveurs le 7 juillet, qui ont déposé un cadavre de génisse dévorée par un loup devant la Préfecture, c’est au tour des associations de protection animale de contre-attaquer.
Le 11 juillet, l’organisme Animal Cross a publié une vidéo dans laquelle un lieutenant de louveterie serait pris "en flagrant délit" de non-respect de la règlementation des tirs de défense. Ce professionnel, mandaté par la Préfecture pour réguler la population des loups dans des situations bien précises, est accusé d’avoir utilisé un troupeau de chèvres "laissé sans protection", pour tenter d’appâter les prédateurs.
Que voit-on dans la vidéo ?
La scène se passe le 30 juin à Novel, en Haute-Savoie. Dans la vidéo ci-dessus, on voit un lieutenant de louveterie, équipé d’un sac à dos et d’un fusil, marcher derrière un troupeau de chèvres sur un sentier d’alpage. Au fil de la vidéo, la lumière plus sombre laisse penser que le tournage s’est poursuivi jusqu’en fin de journée. Le louvetier a revêtu une cape de camouflage et porte son arme à la main.
Selon Animal Cross, ces images prouvent que le lieutenant de louveterie a contrevenu à plusieurs reprises à la règlementation concernant les tirs de défense renforcés. "La météo orageuse était favorable aux attaques. Le troupeau qu’il a ainsi laissé tout près du col de Neuvaz, totalement isolé, n’était pas protégé. Aucun enclos nocturne n’avait été posé. Cela constitue une violation caractérisée de l’arrêté préfectoral, car toute pratique consistant à attirer les loups à proximité du ou des tireurs est formellement interdite" précise l’association dans un communiqué, co-signé avec France Nature Environnement et la Ligue de Protection des Oiseaux
Animal Cross fait ainsi référence à l’arrêté préfectoral émis le 24 juin 2022, qui autorise l’éleveur de Novel à faire appel à un lieutenant de louveterie pour protéger son troupeau. Dans le document, que nous nous sommes procuré, il est bien précisé qu’il est interdit d’utiliser des moyens "visant intentionnellement à attirer les loups à proximité des tireurs ou à les contraindre à se rapprocher des tireurs". De même, il est interdit de "provoquer des réactions chez les loups de nature à faciliter leur détection par les tireurs".
Les images qui nous sont parvenues montrent ainsi ce que des rumeurs insistantes suggèrent depuis longtemps : la volonté de détruire un maximum de loups a pris le pas sur le strict respect de la réglementation, certains lieutenants de louveterie agissent de façon illégale.
Animal Cross
La Préfecture dément
Contactée, la Préfecture de Haute-Savoie assure que le louvetier a bien respecté les conditions de mises en œuvre d’un tir de défense. "Il ne conduisait pas un troupeau de chèvres, mais se trouvait au milieu de celui-ci, sur un chemin comme fréquemment cette situation se rencontre l’été dans les alpages. Enfin, on constate qu’il n'était pas à l’affût, ni posté, et qu’il n'était pas en position de tir, sa carabine n’étant pas chargée. En outre, le troupeau de chèvres n’apparaît aucunement contraint sur la vidéo, et n’a pas servi d’appât pour attirer le loup" se défend-elle dans un communiqué.
"Alors que fait le lieutenant en montagne ce jour-là ? Il se promenait tout seul avec sa carabine ?" raille un représentant de l’association de protection animale, qui préfère garder l’anonymat par crainte de représailles.
Une autre entorse au règlement ?
Outre la question du piégeage des loups, Animal Cross reproche à la Préfecture d’avoir accordé un tir de défense sans s’assurer que tous les critères soient réunis.
Selon la règlementation en vigueur, l’éleveur doit remplir deux conditions pour demander des mesures de tir sur son exploitation :
- Son troupeau doit avoir subi au moins 3 attaques successives dans les 12 mois précédents (selon nos informations, le troupeau en question a subi 4 attaques depuis le début de l'année, la dernière datant du 26 juin).
- Il doit avoir mis en place des mesures de protection contre les prédateurs (clôture, chien de garde, berger etc.).
Et c'est ce dernier point qui fait tiquer les défenseurs du loup.
De son côté, la Préfecture assure que deux moyens de protection étaient mis en œuvre sur l’alpage : "un parc électrifié de regroupement nocturne et le gardiennage d’un berger en journée".
Les services de l’État démentent donc toute irrégularité dans cette intervention et réaffirment qu'ils se conforment strictement au cadre réglementaire pour mettre en œuvre les tirs et intervenir sur la population de loups.
Préfecture de Haute-Savoie
Hors l’association assure que ces membres n’ont constaté" aucun moyen de protection lors d’une visite la veille en journée". "La nuit, il n’y a qu’un parc électrifié pour protéger le troupeau, et le jour, il doit y avoir un berger mais il n’est pas présent tout le temps. Et il n’y a pas de chien de protection" regrette le porte-parole d’Animal Cross.
Ce jour-là, le lieutenant de louveterie n’a effectué aucun tir et aucun loup n’a été "détruit" sur cet alpage, conclut la Préfecture dans le communiqué.
Peu convaincus par ces arguments, les associations Animal Cross, France Nature Environnement et la Ligue de Protection des Oiseaux songent à déposer un recours. Leur objectif : dénoncer "un grand sentiment d’impunité" qui "règne parmi les opposants au loup".
Selon la DREAL Auvergne-Rhône-Alpes, 3 093 animaux d’élevage ont été tués par les canidés en 2020 dans les trois départements des Alpes.