La dessinatrice de presse Corinne Rey, dite Coco, était de retour dans l'école de son enfance le 1er décembre à Annemasse. Caricaturiste pour Libération, rescapée de l’attentat de Charlie Hebdo, elle a présenté son métier à des élèves de CM2.
"Ça a commencé ici, en CP, se rappelle Coco en marchant dans les couloirs du groupe scolaire Marianne-Cohn, à Annemasse (Haute-Savoie). Quand la maîtresse avait demandé ce que je voulais faire plus tard, j'avais mis dessinatrice. Le dessin était déjà là et il n'est pas parti."
De retour dans l’école de son enfance, la dessinatrice vient transmettre aux élèves qui lui succèdent tout l’art de forcer le trait. À commencer par une esquisse de la Première ministre : "Elisabeth Borne, qu’est-ce qui fait qu’on la reconnaît", demande-t-elle à des élèves de CM2.
"Elle a des gros yeux", répond un écolier tandis que la dessinatrice acquiesce, ébauchant des yeux tombants, surplombés de larges lunettes. "Elle a une singularité dans le regard, des yeux un peu tristes", décrit-elle en donnant vie à plusieurs politiques en quelques coups de crayon. "C’est trop beau", s'exclament des élèves admiratifs.
Je viens transmettre un peu de ma passion pour éventuellement, dans le meilleur des cas, susciter une vocation ou deux. (...) Leur faire comprendre ce qu’on fait, parler du monde qui nous entoure, s’exprimer, se sentir libre, ce sont des choses qu’ils peuvent comprendre.
Corinne Rey, dessinatrice de presseà France 3 Alpes
Cette intervention s'est déroulée vendredi 1er décembre, dans le cadre du dispositif "Un artiste à l'école", destiné à faire venir des personnalités de la culture sur les bancs de l’école. Dessinatrice attitrée au journal Libération, Coco est la première femme caricaturiste d’un grand quotidien français. Mouvements sociaux, actualité politique : rien ne lui échappe, mais cette liberté a un prix.
"Ils ont tué des gens pour des dessins"
Dans son roman graphique Dessiner Encore (Les Arènes, 2021), Corinne Rey revient avec pudeur sur l’attentat dont elle a été victime avec ses anciens collègues du journal satirique Charlie Hebdo. Elle y raconte l'effroi et ses souvenirs parfois flous de l'attentat terroriste du 7 janvier 2015 qui a fait 12 morts, dont huit membres de la rédaction.
Un épisode sinistre que la dessinatrice a choisi d'évoquer devant les élèves de CM2. "Des dessinateurs qui faisaient leur métier ont été attaqués. (...) On a tout à fait le droit de faire des dessins sur tous les sujets en France. Seulement, des terroristes ont dit que non et ils ont tué des gens pour des dessins. Ça, c'est insupportable", explique sobrement Coco.
"Je trouve ça choquant parce qu'on a le droit d’exprimer tout ce qu’on veut, même s'il y en a qui ne sont pas d’accord", réagit Anna, une élève. "Moi, je pense que c’est leur droit de dessiner ce qu’ils veulent", ajoute Farhann après l'intervention de la dessinatrice.
Coco n’en dira pas plus, terminant la séance avec un autoportrait tout en dérision. La dessinatrice de presse, figure de la liberté, a prêté son coup de crayon pour décorer les murs d'un collège voisin. Une grande fresque qu'elle a souhaité dédier à ses anciens professeurs.