Le Français Mathieu Blanchard s'apprête à prendre le départ de la 20e édition de l'Ultra-trail du Mont-Blanc, ce vendredi 1er août, parmi les favoris. Après sa deuxième place en 2022, ce traileur passionné espère de nouveau pouvoir jouer les premiers rôles malgré une courte préparation.
Troisième en 2021, puis deuxième en 2022... Et si cette édition 2023 était la bonne pour Mathieu Blanchard ? Le traileur prendra le départ, ce vendredi 1er août, de son troisième UTMB avec un statut de favori. Juste avant le grand départ, le Français revient sur sa vision de la course, sa préparation et sur l'évolution de cet événement devenu majeur.
"France 3 Alpes : Avec votre condition physique actuelle, votre niveau de préparation, pensez-vous pouvoir réitérer la même performance que l'année dernière (2e en 19h54min ; deuxième meilleur temps de l'histoire de la course, NDLR) ?
C'est la question à un million. C'est difficile de répondre. Ce qui est certain, c'est que j'ai de super sensations, notamment à l'entraînement ces dernières semaines. C'est le meilleur indicateur que je puisse avoir.
L'année dernière, j'avais déjà de très bonnes sensations. Est-ce qu'elles étaient meilleures ou pas ? C'est dur de savoir, c'est assez subjectif. J'ai fait de grosses semaines d'entraînement en août. Mon corps a très bien réagi. J'étais motivé. Je me levais tous les matins sans trop de douleurs et prêt à repartir. Ces indicateurs me laissent penser que je peux reproduire ce que j'ai fait l'année dernière.
Votre préparation était-elle spécifique à l'UTMB cette année ?
Pas du tout. Ma préparation a commencé le 1er août. Elle est assez récente. Mon objectif principal de l'année était la Western States (7e en 15h37min). J'avais tout dédié à ça. Pour la petite anecdote, je n'avais pas touché à mes bâtons de trail depuis l'UTMB 2022. Quand je les ai ressortis de mon armoire début août, ils étaient un peu poussiéreux.
C'est pour dire à quel point j'étais concentré sur un autre type de course avec la Western. L'UTMB n'était pas un objectif unique. En fait, mon véritable objectif de saison était de combiner la Western States et l'UTMB. J'avais envie de voir comment mon corps réagissait sur deux ultras de 160 kilomètres à deux mois d'intervalle. Ce sont des courses complètement différentes... Ça m'excite un peu de voir comment cette expérimentation va se passer. Ça peut très bien aller, comme ça peut mal se dérouler.
D'autres athlètes comme Courtney Dauwalter (double vainqueure de l'UTMB) ou encore Tom Evans (vainqueur de la Western States cette année) combinent également plusieurs courses d'ultra-trail dans la même saison. Est-ce devenu le nouvel objectif pour les coureurs élites ?
Oui, mais ce n'est pas forcément la course à celui qui en fait le plus. Je pense que ça permet à certains athlètes de découvrir jusqu'où leur corps peut aller. Nous nous sommes tous mis beaucoup trop de barrières dans nos têtes sur nos capacités physiques et physiologiques.
Je ne sais pas d'où viennent ces barrières, peut-être de notre éducation... Mais aujourd'hui, certains humains sont rêveurs et veulent casser ces barrières. Je pense à Eliud Kipchoge, qui veut casser la barrière des deux heures sur le marathon. On peut aussi penser ça des ultra-traileurs, qui s'entraînent énormément et qui veulent courir deux voire trois "100 Miles" (l'équivalent de 160 km) en l'espace de quelques mois. Tout ça nécessite beaucoup de réflexion et de préparation, mais ça permet de découvrir les limites du corps humain.
C'est votre troisième participation de suite sur l'UTMB. Pourquoi cette course vous attire autant ?
Il y a énormément de raisons. C'est un événement qui me plaît. Je le vois un peu comme un repas de Noël avec sa famille. C'est un moment de douceur, de convivialité que j'aime beaucoup. Comme une sorte de rendez-vous. C'est le seul moment de l'année où je me retrouve avec mon papa, ma maman, ma compagne, mes amis, mes proches et toute la communauté que j'ai bâti sur les réseaux sociaux.
Puis, c'est aussi un cadre. Le mont Blanc nous domine. C'est un symbole, le toit de l'Europe occidental. Je suis très sensible à cette énergie de la nature. Mais il y a aussi la course : le niveau est énorme. On ne le retrouve sur aucune autre course. J'aime bien me challenger avec les meilleurs, ça me permet de me dépasser. Quand on est seul à l'entraînement, on ne se dépasse jamais autant qu'avec les meilleurs coureurs du monde.
Encore cette année, le plateau est très relevé malgré quelques absences. À quelle bataille vous attendez-vous ?
Bien sûr, il y a des absents. On pense à Kilian Jornet et François D'Haene (tous les deux quadruplues vainqueurs de l'UTMB, mais en convalescence, ndlr), qui sont des légendes de notre sport. Mais aujourd'hui, le niveau est incroyable. Parfois, j'ai plus peur des outsiders qui ont tout à gagner plutôt que des légendes qui subissent une pression à cause de leur statut de favori. Tout peut arriver à l'UTMB.
À quels outsiders pensez-vous en particulier ?
Je pense notamment à Petter Engdahl, qui a fait un record sur la CCC (9h53min) l'année dernière. C'est incroyable ce qu'il a fait ! Il a géré la course de bout en bout, en sprint tout le temps.
Personne n'est capable de pronostiquer ce qu'il va se passer.
Mathieu Blanchard.
Je discutais avec lui tout à l'heure. C'est son premier "100 Miles", il n'a jamais fait une nuit complète dehors... Une nuit en course, ça te rentre dedans. Est-ce qu'il va pouvoir gérer ça ? Je ne sais pas, c'est difficile. Dans les autres outsiders, je pense aussi à mon ami Baptiste Chassagne (champion de France 2023 de trail long, ndlr), qui est un gros travailleur et un passionné. Tout le monde à sa chance ici. Personne n'est capable de prédire ce qu'il va se passer.
Vous allez courir la 20e édition de cette course. Comment expliquez-vous le succès de cette épreuve depuis ses débuts ?
Je pense que le mont Blanc, qui nous regarde de là-haut, est à l'origine de ce succès. Il est là, il nous domine. Il est mythique. C'est là que se sont produits les premiers grands exploits de l'alpinisme. C'est la capitale de l'alpinisme avec des glaciers partout autour. Il nous fait penser à quelque chose d'extrême, à de l'aventure. Ça nourrit le mythe.
Puis certaines personnes ont su prendre les rênes du commerce et du marketing pour faire grossir cet événement. Mais à l'origine, c'est le mont Blanc qui a fait le succès de cette course.
Est-ce que, selon vous, cette course a participé à l'évolution du trail en France ?
Oui, complètement. La médiatisation de cet événement fait connaître ce sport. L'année dernière, nous avons eu une diffusion en direct de la course à la télévision. Ça devait être une première dans l'histoire du trail. Les gens ont pu regarder, en prenant leur café un samedi matin, des athlètes courir 160 km autour du mont Blanc. Ils ont pu voir à quel point ce sport était beau. Il y avait de l'adrénaline, des vibrations et des beaux paysages. Tant mieux. Le bonheur que je retrouve là-dedans, j'aimerais bien que tout le monde l'ait aussi."