PORTRAIT. UTMB 2023 : performances hors norme, hallucinations et dentifrice... Qui est Courtney Dauwalter, l'ovni de l'ultra-trail ?

L'Américaine Courtney Dauwalter va prendre le départ de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc 2023, ce vendredi 1er septembre. En cas de succès, la grande favorite, coureuse aussi iconique que singulière, réaliserait un triplé historique dans le monde de l'ultra-trail.

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Un léopard dans un hamac, un cowboy lasso en main, des centaines de chatons... Pendant une course de plus de 24 heures, lorsqu'elle n'a pas dormi de la nuit, il arrive à Courtney Dauwalter, icône et phénomène de l'ultra-trail, d'avoir des hallucinations. "Je me fais de nouveaux amis", dit-elle en éclatant de rire.

Âgée de 38 ans, l'Américaine au large sourire est arrivée tard sur le devant de la scène, il y a une dizaine d'années. Depuis, elle domine totalement son sport, repousse les limites, et devance les meilleurs athlètes masculins sur des distances dépassant les 100, voire les 200 km.

Ce vendredi, elle prendra le départ de l'UTMB, aux côtés des plus grands favoris. En cas de succès, elle deviendrait la première ultra-traileuse à remporter trois des quatre monuments de l'ultra-trail en moins d'une année (Western States, Hardrock 100 et UTMB).

455 km en 68 heures

Son palmarès compte des victoires dans plus d'une quinzaine d'épreuves majeures. Elle est notamment la seule femme à avoir remporté les quatre ultra-trails les plus prestigieux du monde : l'UTMB (2019 et 2021), la Diagonale des Fous (2022, à un souffle du podium scratch - hommes et femmes confondus), la Western States (2018 et 2023) et la Hardrock (2022 et 2023). En 2023, elle a déjà remporté la Transgrancanaria (128 km en 14h40) avec près de deux heures d'avance sur sa dauphine.

Elle détient aussi le record féminin du Big Dog Backyard Ultra, une boucle vallonnée de 6,7 km à parcourir en une heure maximum jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul concurrent. En 2020, elle avait tenu 68 heures, presque trois jours, couvrant 455 km.

Ovni

"J'ai tellement de raison d'aimer ça", assure-t-elle avec enthousiasme. "J'aime le côté exploration, j'aime aller là où je ne suis jamais allée, courir sur un sentier et ne pas savoir ce qu'il y a derrière le prochain virage, ou comment je vais atteindre tel ou tel sommet."

Son approche de la compétition fait d'elle un ovni dans un siècle où les sportifs de haut niveau ne jurent plus que par la préparation "scientifique". Elle avale sans mauvaise conscience pizzas, burgers et sucreries, court en short large de basketteuse, sa signature, "parce que c'est confortable" et prend régulièrement le temps de se laver les dents lors des ravitaillements : "Ça te donne un coup de fouet."

Ces courses de 100 ou 200 miles, c'est comme des montagnes russes.

Courtney Dauwalter

La traileuse n'a pas d'entraîneur : "Je préfère assembler moi-même les pièces du puzzle" et affirme ne même pas suivre de programme d'entraînement : "Je me fie au ressenti de mon corps, de mon cerveau, je vois où j'en suis émotionnellement, et c'est ça qui détermine si je force, ou si j'ai une journée plus calme", explique-t-elle.

La championne a découvert la longue distance à l'âge de 25 ans, lorsqu'elle a couru son premier marathon. "J'avais trop peur que mes jambes lâchent, et de me liquéfier sur le bord de la route, sourit-elle. Mais quand j'ai vu que je n'étais pas morte, et que mes jambes tenaient bon, j'ai commencé à me demander ce que je pouvais faire dans ce domaine."

"Grotte de la douleur"

Très vite, l'ultra l'a fait rêver. "On y vit une aventure. Après la course, tout le monde restait pour discuter et se raconter sa journée, peu importe le classement et le chrono", se souvient-elle. Après ses premières victoires, Dauwalter a abandonné son boulot de prof de sciences, pour devenir professionnelle à plein temps. Ses sponsors lui permettent désormais de courir le monde pour aller participer aux plus prestigieux ultra-trails, dans des endroits féériques.

L'impression de facilité qu'elle donne, lorsqu'on la voit s'entraîner autour de chez elle, dans les sentiers de montagne de Leadville, au Colorado, est trompeuse. "Ces courses de 100 ou 200 miles, témoigne-t-elle, c'est comme des montagnes russes. Tu ne sais jamais exactement quand les moments difficiles vont arriver".

Parfois, lorsque la souffrance devient trop forte, elle entre dans ce qu'elle appelle la "pain cave" (la grotte de la souffrance). "C'est une image que j'ai créée dans mon cerveau, d'une grotte où j'entre avec un burin pour agrandir la cavité. Chaque fois que je cours, j'espère atteindre cet état. C'est là que les choses sérieuses commencent."

Tomber d'une falaise

Ses limites, elle les a touchées plusieurs fois, comme ce jour où, après avoir couru plus de 24 heures, elle a perdu la vue à 20 km de l'arrivée. "C'était un coup à s'affaler sur le ventre, une situation tout sauf idéale", se souvient-elle. Heureusement, elle connaissait bien la piste et, bien que trébuchant sur les cailloux et les racines, elle a rejoint l'arrivée en sachant qu'elle n'allait pas tomber du haut d'une falaise.

Selon elle, l'ultra-trail est l'un des sports où les femmes peuvent se mesurer aux hommes, parce que les capacités musculaires ou cardio sont moins importantes que la résistance à la fatigue et la résistance mentale. "Au fil des années, ce sport m'a appris quelle force pouvait avoir notre cerveau, et comment il peut en fait continuer à vous pousser en avant au moment où votre corps veut abandonner", dit-elle.

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