C’est un nouvel exploit réalisé en plein hiver. Le duo de cordée, Benjamin Védrines et Léo Billon, vient de réaliser l’ascension de la face nord des Grandes Jorasses (Mont-Blanc) par la voie Gousseault-Desmaison en 15 heures seulement. Récit de cette journée historique par les deux alpinistes.
C’est un nouvel exploit réalisé dans les Grandes Jorasses (Mont-Blanc) ce mercredi 15 février. Deux jours après l’ascension du trio par la voie la plus directe pour atteindre la pointe Walker, c’est le duo Benjamin Védrines et Léo Billon qui s’est attaqué à l’ascension par la face nord et cette fois-ci par la voie Gousseault-Desmaison. Une première en hiver réalisée en seulement un jour alors que la voie avait été ouverte 52 ans plus tôt par le duo Gousseault-Desmaison en 342 heures, soit près de 15 jours. Le jeune guide Serge Gousseault y avait perdu la vie, alors que son compagnon de cordée avait été sauvé in extremis après avoir passé 342 heures dans les Grandes Jorasses.
En réalisant cette ascension, le duo Billon-Védrines inscrit son nom dans l’histoire de l’alpinisme français. Récit d’une journée historique avec les deux alpinistes.
Départ 1h30 du matin de Chamonix
Chamonix, mercredi 15 février, 1h30 du matin. Les deux copains, Léo Billon et Benjamin Védrines, 30 ans tous les deux, prennent le départ, ski aux pieds. Un projet de longue date : "Cette voie mythique n'a jamais été gravie en hiver à la journée et j'avais comme projet cet hiver de le faire. Habituellement, nous dormons au pied de la face. Mais Léo m'a proposé de partir de Chamonix à ski et d'enchaîner jusqu'au sommet ! J'ai tout de suite été séduit par l'idée," raconte Benjamin.
Sans bivouac avec très peu d’équipement
Il faudra donc arriver au sommet avant la nuit. Car le duo voyage léger. Au pied de la paroi, ils déposent leurs skis et changent de chaussures avant d’entamer l’ascension : "C’est là que j’ai eu un coup de mou au pied de la paroi, confie Léo, on avait dormi seulement 2 heures. Juste avant d’entamer l’ascension, il fallait faire fondre de la neige pour avoir de l’eau. J’ai pu alors me reposer pendant 45 minutes." "Sans bivouac, avec un équipement minimaliste, nous n'avons pas le droit à l'erreur, ajoute Benjamin, et notre sécurité était dépendante de notre vitesse de progression. Dans la voie, nous étions équipés très light. 2 petits sacs ultra légers avec le strict minimum : un thermos pour deux, pas de réchaud 4,5L d'eau pour deux, une doudoune chacun, 2 paires de gants et une petite pharmacie."
Record battu
Pari réussi, après un voyage de 15h, 3 000 m de dénivelé et 1 200 m d'escalade mixte (roche et glace), les compagnons de cordée atteignent le sommet à 4 802 mètres d’altitude à 16h30 avec trois heures d’avance sur l’horaire prévu : "Nous ne sommes pas partis dans le but de faire un record. On voulait le faire à la journée dans des conditions où l’on s’assurait correctement. À aucun moment, nous avons rogné sur la sécurité", explique Léo.
"Nous n'avions pas du tout misé sur cet horaire, ajoute Benjamin, cette année la voie n'est pas en conditions excellentes (il manque beaucoup de glace). Pour la voie en elle-même, nous avons grimpé 9h10. C'est une magnifique voie très variée avec des styles différents : des rampes glacées, des dévers rocheux, du rocher brisé délicat."
Voie historique
Un exploit réalisé par les deux compagnons, car jusqu’à présent, les cordées grimpaient cette voie en deux jours et demi depuis le pied de la paroi : "En remontant cet itinéraire mythique, nous avons eu beaucoup de respect pour les ouvreurs, notamment dans la partie supérieure qui propose des parties surplombantes, impressionnantes pour l'époque ! Et puis c'est aussi dans cette voie que Serge Gousseault a perdu la vie. C'est vrai que ça m'a fait quelque chose d'imaginer le lieu, d'imaginer sa souffrance dans cette tempête dramatique."
Les Grandes Jorasses restent indéniablement un mythe auquel les alpinistes du monde entier rêvent de se frotter. Lundi dernier, c'est le trio, Charles Dubouloz, Symon Welfringer et Clovis Paulin, qui est entré dans l'histoire en réalisant l'ascension des Grandes Jorasses de jour par la voie la plus directe.