L'altitude du mont Blanc, c'est 4 807 mètres. Or, ce chiffre a une histoire... Et n'est plus d'actualité car l'altitude du géant alpin évolue chaque année. Depuis une vingtaine d'années, la mesure du mont Blanc est régulièrement remise à jour par des géomètres experts.
Première publication de l'article le 16/06/2024
Parvenir à mesurer les montagnes avec précision est une obsession technique et scientifique qui a occupé les hommes depuis longtemps. Aujourd’hui, ces chiffres nous semblent être des évidences, mais ce fut un véritable casse-tête mathématique et physique pour nos aïeux ! Il faut savoir que la première mesure fiable de l’altitude du mont Blanc a été validée par le travail des géomètres-experts seulement en 2001, lors de leur première campagne. D'autres ont suivi depuis, et il s'avère que l'altitude du mont Blanc varie beaucoup, dans un sens ou un autre.
Pourtant, tout écolier l'a appris par cœur sur les bancs de l’école : l’altitude du mont Blanc, c'est 4 807 mètres ! Une vérité indéniable pour des générations d’élèves... Mais ce chiffre, finalement erroné, est le fruit d'une longue histoire.
Au XVIIIᵉ siècle, celui des Lumières, où les chercheurs et scientifiques se tournent vers la nature avec pour ambition nouvelle de l’analyser et de l'inventorier pour la comprendre, un champ d’investigation presque vierge se présente. Comment mesurer une altitude verticale ? Comment passer de l’observation de géants encore inaccessibles à un chiffre qui en donne la dimension ?
À l’époque, le système métrique n’est pas encore imposé. On parle en toise pour définir une hauteur, et si elle s’applique facilement pour mesurer une façade de bâtiment ou un arbre, c'est plus compliqué pour le mont Blanc… Dès 1685, des mathématiciens genevois se sont penchés sur cette énigme. Par méthode trigonométrique (basée sur le calcul d’angles), ils ont obtenu une approximation de 2000 toises au-dessus du lac Léman, soit… 3 900 mètres ! On est loin du compte.
Les méthodes d'investigation se sont ensuite succédées, et le célèbre savant Horace Bénédicte de Saussure sera le premier à donner un chiffre quasiment exact. Il fut à l’origine de la première ascension du mont Blanc en 1786. C’est lui qui avait offert une forte récompense à ceux qui trouveraient la route du sommet. Grâce à cette impulsion, les deux Chamoniards Jacques Balmat et Michel Gabriel Paccard réussirent cette première le 7 août 1786, et purent emmener le savant l’année suivante, avec sa caravane de dizaines de porteurs, pour monter ses instruments de mesure. Parmi ces outils : un immense baromètre, qui permettra de déterminer l’altitude. L’ancêtre de nos montres altimètres barométriques, en quelque sorte. Il donna un chiffre pas si loin de la vérité actuelle : 4 775 m. Puis, au XIXᵉ siècle, des missions d'état-major relèvent la fameuse altitude de 4 807 mètres qui restera gravée dans la mémoire collective pour longtemps.
Une aventure technologique et scientifique
Depuis une vingtaine d'années, les mesures du mont Blanc sont réalisées régulièrement. En 2023, les géomètres-experts de Haute-Savoie ont donc réalisé une nouvelle campagne. Avec deux ascensions : l’une au printemps, l’autre à l’automne. Ces expéditions scientifiques sont désormais un projet phare pour cet ordre professionnel.
"À chaque session, nous utilisons des prototypes exceptionnels, qui repoussent les limites de la précision, de la solidité et de la compacité", explique Farouk Kadded, l’ingénieur géomètre qui accompagne chaque aventure depuis 20 ans. "Sans cette aventure extrême renouvelée depuis 20 ans, jamais, nous n’aurions réussi de telles avancées matérielles et d’ingénierie !"
La mesure du mont Blanc permet donc d’annoncer à chaque campagne la nouvelle altitude du géant des Alpes. C’est ce chiffre symbolique que l’on retient.
A-t-il augmenté, diminué ? Pour cette mesure-là, il sera de 4 805,59 mètres. Mais on l'a vu varier à 4 809, voire 4 810 mètres. Ça dépend des mouvements de la calotte glaciaire, et du vent, qui accumule plus ou moins de neige à son sommet.
Mais ce chiffre n’est que la partie immergée de l’iceberg. Le travail réalisé sur la calotte glaciaire la plus haute de notre continent ne se borne pas à cette mesure. Grâce aux technologies récentes, c’est finalement une modélisation complète en trois dimensions qui est réalisée lors des nouvelles campagnes. Une combinaison de relevés satellites sur plusieurs points positionnés tout autour du sommet permet de dessiner un plan 3D de toute la calotte. Et ainsi, de comprendre ses évolutions et ses mouvements. Le travail des géomètres permet ainsi de voir littéralement la forme de la glace évoluer. C’est une première historique, qui n’en est qu’à ses balbutiements, mais qui compile des données précieuses pour les générations à venir…
Une aventure humaine et sportive
Serge Bazin est guide de haute montagne à Chamonix depuis 25 ans. Mais avant de réussir le difficile diplôme, il fut d’abord topographe. L’idée originale de mesurer le mont Blanc est la sienne. "Mesurer le mont Blanc avec une infinie précision est aujourd’hui possible. Et le mont Blanc est notre jardin, ici à Chamonix. C’est à nous d’y aller, c’est à nous qu’appartient ce travail d’expert !", confie l’alpiniste professionnel. "Mais deux ascensions du mont Blanc, sur une seule année, avec une batterie d’instruments lourds, fragiles et coûteux, constituent une aventure d’alpinisme de premier ordre", explique-t-il.
Rien n’est acquis à chaque nouvelle campagne, certaines ont d’ailleurs été de véritables expéditions extrêmes dans la tempête, où la réussite n’est advenue qu’au prix d’efforts démesurés. Une bonne façon aussi de tordre le cou à cette idée bien installée que l’ascension du mont Blanc est une entreprise facile.
▶️ "Mont Blanc, mesures et démesure" un magazine de 26 minutes présenté par Laurent Guillaume, réalisé par Bruno Peyronnet, diffusé le dimanche 16 juin à 12H50 dans "Chroniques d'en Haut" sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, à revoir en REPLAY sur france.tv