Témoignage. "Cette déception est d'une violence incroyable", Aurélien Ducroz revanchard après son abandon au milieu de l'Atlantique

Publié le Écrit par Antonin Blanc

Cinq jours après le départ de la Transat CIC à Lorient, le skipper Aurélien Ducroz a dû abandonner cette course à la voile à la suite de deux avaries. L'ancien champion de ski freeride originaire de Chamonix n'a pas pu atteindre son rêve : traverser l'Atlantique en solitaire. Mais il veut rapidement rebondir. Récit d'une aventure inachevée.

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"C’est le cœur lourd que j’ai officiellement signifié mon abandon à la direction de course." C'étaient les premiers mots d'Aurélien Ducroz le 1er mai dernier, quelques heures après sa prise de décision. Le skipper originaire de Chamonix a renoncé à rejoindre New York sur la Transat CIC en raison de deux avaries survenues sur son monocoque.

Partis de Lorient le dimanche 28 avril, 48 bateaux se sont engagés pour une dizaine de jours en mer. Une transatlantique en solitaire de plus de 3 500 miles pour rejoindre New York. Au programme des skippers d'Imoca, de Class40 et vintage : la face nord de l'Atlantique, un parcours très exigeant avec notamment des vents de face.

Deux avaries en deux jours

Sous un faible vent, Aurélien Ducroz prend un bon départ à bord de son Class40 avant de se frotter aux premiers aléas que réserve l'Atlantique. "J'ai très bien navigué le lundi. Je suis revenu à cinq miles de la tête de course. Je me sentais hyper bien, j'étais en train de sortir de cette première dépression", raconte le skipper haut-savoyard.

Mais après le passage de cette première dépression, une seconde s'est présentée à la proue de son bateau. Avec un vent d'une trentaine de nœuds et des rafales jusqu'à 40 nœuds, l'océan offre des conditions musclées aux monocoques. Les skippers doivent affronter une mer déchaînée, des vagues de trois à cinq mètres.

En fin de nuit du mercredi 1er mai, l'ancien skieur freeride est confronté à une première avarie à l'avant de son bateau. La cosse-coeur du câble de la trinquette (petite voile située à l'avant du monocoque, NDLR) casse. "La situation était gérable mais il ne fallait pas que ça empire. Franchement, il y a beaucoup de mer et beaucoup d’air et on se sent vraiment tout petit au milieu de tout ça", explique Aurélien Ducroz. 

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Aurélien Ducroz raconte ses quatre premiers jours de courses. ©Crosscall Sailing Team

Malgré la perte de cette voile, pièce maîtresse pour engranger de la vitesse, Aurélien Ducroz choisit de maintenir le cap vers New York. Mais le lendemain matin, alors qu'il regarde l'avant de son bateau, le skipper doit faire face à une nouvelle mésaventure.

"C'est un petit miracle que le mat ne soit pas tombé"

Alors 9e au classement des Class40, l'ancien champion de ski freeride subit une autre rupture. L'étai de son J1, la plus grande voile, se casse à son tour. "En déroulant le J1, le câble a explosé" se remémore Aurélien Ducroz. Il poursuit : "C'est un petit miracle que le mât ne soit pas tombé par terre. Si j'avais dormi rien qu’une demi-heure, il serait tombé. Heureusement, j'ai eu le temps de le voir et de réagir."

Après avoir frôlé le démâtage, le skipper informe l'ensemble de son équipe de sa situation. Un dilemme s'offre alors à lui. Évoluant au milieu de l'Atlantique, à 630 miles du port de Lorient, et à plus de 2 500 de New York, le Chamoniard doit choisir son cap.

"À ce moment-là, on se sent seul, même s'il y a toute une équipe derrière qui te conseille. À un moment, j'ai coupé la communication. J'avais besoin de me poser " confie le naufragé. Après plusieurs heures de réflexion, Aurélien Ducroz prend sa décision. Il renonce à la Transat CIC.

Après avoir déjà démâté lors de sa première transatlantique en solitaire sur la Route du Rhum 2022, le marin fait le choix de la raison : "La décision à prendre pour faire demi-tour est dure. J’ai mis la journée à la prendre. Mais le risque de perdre le mat était beaucoup trop gros."

Un prudent retour à Lorient

Aurélien Ducroz ne verra donc pas New York cette année. Il change ainsi son cap pour le port d'attache de son bateau et retourne au point de départ de la Transat CIC : Lorient. Il reste au skipper plus de 600 miles à parcourir avant de toucher terre.

Le Chamoniard est contraint de faire ce voyage retour sans ses deux étais. "Plusieurs jours de navigation où j’ai dû faire attention car le mât était fragilisé", relate-t-il. Après de longues heures de prudence, Aurélien Ducroz arrive à bon port dans la matinée du lundi 6 mai.

Malgré la fatigue de ces huit jours de navigation, le skipper souhaite étudier son bateau sans perdre de temps. Le monocoque est rapidement mis hors de l'eau et conduit à l'atelier : "Nous avons tout démonté pour essayer de comprendre ce qui s’est passé. Pourquoi les étais des J1 et J2 ont cassé ? C’est hyper étonnant car on a beaucoup de sécurité là-dessus."

"J'ai un petit goût d'inachevé"

Les équipes techniques s'attellent aux réparations du Class40 et à un "check-up complet", indique la Crosscall Sailing Team dans un communiqué. Le diagnostic est en cours "avec les architectes et les fournisseurs".

De son côté, Aurélien Ducroz compte repartir à l'attaque après cet abandon forcé : "Des déceptions en ski, en saut à ski, j'en ai eu plein mais celle-là est d'une violence incroyable. Mais je vais me remettre en selle."

Le double champion du monde de ski freeride entend repartir sur les mers le plus vite possible et respecter son programme de la saison. Le 30 juin prochain, le Chamoniard doit prendre le départ de la Transat Québec-Saint-Malo. L'avancée des réparations de son bateau conditionnera sa participation à cette course en équipage. Il ne s'interdit pas de "revoir" ses ambitions notamment au profit d'un programme en Méditerrannée.

"Le jour où je réussirais à traverser cet Atlantique en solo, ce sera merveilleux !"

Aurélien Ducroz, skipper

À 42 ans, le Haut-savoyard rêve toujours de traverser l'Atlantique en solitaire : "C'est comme lorsque j'étais sur les skis : on tombe, on se relève et on apprend !" Déterminé, Aurélien Ducroz a inscrit dans son calendrier un rendez-vous incontournable : le Vendée Globe. 

"Quand j’ai découvert la voile, il y a une douzaine d’années, c’était avec la victoire de Desjoyaux. C’est une course qui a marqué ma passion pour ce sport. C'est un peu comme l'Xtreme de Verbier." Le quadruple vainqueur de cette course de ski freeride espère figurer sur la ligne de départ aux Sables-d'Olonne en 2028.

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