Doté de qualités exceptionnelles, Kilian Jornet bouscule le monde traditionnel de la montagne à coups d'exploits hallucinants. L'Espagnol, au départ de l'Ultra Trail du Mont-Blanc (UTMB) ce vendredi 1er septembre 2017, fascine, dérange et agace.
Il court. Dans la montagne, avec une paire de baskets et une gourde d'eau. Kilian Jornet se paie les plus grands sommets de la planète, sans oxygène et sans assistance avec des temps records. En mai, il a conquis l'Everest (8.848 m) en 26 heures, quand il faut trois jours pour un alpiniste équipé et chevronné.
Kilian Jornet, 29 ans, est devenu une légende en seulement dix ans, avec une nouvelle approche de la montagne.
"Kilian a changé l'univers de l'ultra trail, c'est un gros influenceur. Il a choqué la pratique et il a changé la pratique", relève l'un de ses émules, le Français Sébastien Camus.
Un avant et un après Kilian Jornet
Il y a une quinzaine d'années, l'ultra trail était l'apanage de vétérans de la course d'endurance. Désormais, avec l'ère Jornet, c'est une discipline à part entière, en plein essor, qui séduit les jeunes et qui se professionnalise.
"Il y a un avant et un après Kilian Jornet. Autant pour les équipementiers que pour l'ultra trail. C'est un pionnier. Maintenant, on court léger. C'est quelqu'un que j'admire, un visionnaire, qui a une capacité physique au-dessus de la moyenne", souligne le Suisse Diego Pazos, qui a quitté le foot pour l'ultra trail, inspiré par Jornet.
Le Catalan, qui est né et a grandi au coeur de la montagne, n'est en effet pas un individu lambda. Comme les plus grands sportifs de l'histoire, il a des qualités hors-normes.
"Il doit avoir un gène spécial, certains disent qu'il a un troisième poumon !", dit Catherine Poletti, organisatrice depuis quatorze ans de l'UTMB, et qui tient à rappeler que c'est "un grand trailer mais aussi clairement un alpiniste".
Exit les crampons et les cordées
Jornet a incité un nombre incalculable d'athlètes à suivre sa voie. Exit les crampons et les cordées. Mais n'est pas un phénomène qui veut. Des imprudents - ou des inconscients - ont payé le prix fort leur tentatives: deux trailers sans équipement sont ainsi morts sur les pentes du Mont-Blanc ces dernières semaines.
Des décès qui ont ravivé la colère des élus de la région et de certains guides de haute montagne qui prennent Jornet pour cible.
"Les pionniers agacent. Et Kilian, c'est le parfait bouc émissaire. Ce que Kilian fait, tout le monde ne peut pas le faire. Il faut savoir rester humble par rapport à la montagne. Moi je ne suis pas un alpiniste, je suis un ultra trailer, il y a une grosse différence. Je ne vais jamais faire des choses comme ça", explique Diego Pazos, qui stigmatise au passage "le gros business de la montagne".
Pour Dawa Sherpa, vainqueur de la première édition de l'UTMB en 2003, le problème est avant tout "le manque de conscience des personnes qui essaient de partir léger". "Certains disent que c'est à cause de Kilian mais moi non. Les gens sont majeurs".
"Il faut éduquer"
Jornet, qui réagit à chaud aux attaques avec des messages humoristiques mais provocants sur les réseaux sociaux, plaide à tête reposée pour une éducation de la population des trailers.
"Il faut éduquer. Il y a des sensations de fausse sécurité. La réalité c'est qu'il y a des dangers en montagne et ce n'est pas parce que tu te sens en forme que tu peux y aller", se défend-il.