Crash mortel du Ruitor : le pilote français décrit comme "négligent et irresponsable" par le juge italien

Depuis sa condamnation à 6 ans et 8 mois de prison en janvier, de nouveaux éléments mettent en lumière la responsabilité du pilote français Philippe Michel dans le crash du Ruitor. Il était parti de Megève le 25 janvier 2019 pour un vol "fantôme" qui a causé la mort de sept personnes.

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Depuis le procès de janvier, on ne connaissait pas encore les raisons qui avaient poussé le juge Paladino à prononcer une peine de 6 ans et 8 mois de prison ferme à l'encontre de Philippe Michel. Le pilote français est à l'origine d'une collision avec un hélicoptère italien le 25 janvier 2019 dans le Val d'Aoste (Italie). S'il en a réchappé miraculeusement, sept personnes sont mortes ce jour-là. D'abord communiquées aux avocats des familles des victimes, les conclusions de la justice viennent d’être révélées à la presse.

Pour étayer sa démonstration, le juge d’Aoste commence par revenir sur les circonstances du drame. Il parle de la "surprise" des secouristes arrivant sur le glacier du Ruitor. Surprise que les débris proviennent non seulement de l’hélicoptère de la société d’héliski de Courmayeur, qui a donné l’alerte, mais aussi d’un autre appareil. Leur étonnement est grand également de trouver un nombre aussi élevé de morts sur le lieu de l’accident.

Or, seule la présence de l’hélicoptère italien "était connue des autorités compétentes", les procédures prévues par la loi valdôtaine sur l’héliski ayant été parfaitement respectées. Tout le contraire, du Jodel D-140 parti de Megève (Haute-Savoie) et piloté par Philippe Michel, dont la présence au-dessus du glacier du Ruitor "n’était connue que des membres de l’équipage, et de quelques membres de l’aéroclub de Megève".

Une constatation qui vient battre en brèche la thèse des défenseurs du pilote français, arguant d’une "dramatique fatalité" causée "par un moment de distraction". Pour le juge italien, au contraire, "le facteur humain" est déterminant dans ce drame.

 

"Conduite négligente et inexcusable"

Philippe Michel, le pilote francais de l'avion "fantôme", a été, toujours d’après le juge du tribunal d’Aoste, "négligent et inexcusable". Et si la "négligence" est coupable pour un pilote et instructeur de 65 ans doté d’une solide expérience, elle est "inexcusable" car Philippe Michel était parfaitement au courant des devoirs qui incombent à tout pilote seul maître à bord et donc parfaitement conscient des conséquences dramatiques que peut avoir toute infraction à ces devoirs.

Le juge Paladino indique également que les enquêtes ont démontré que le pilote français n’a effectué aucun appel pour signaler sa présence sur sa zone de destination avant d’arriver sur le glacier du Ruitor, où Philippe Michel était en train d’atterrir lorsque le crash entre les deux appareils a eu lieu.

 

La responsabilité de l'aéroclub de Megève engagée ?

Le juge italien souligne au passage que l’accident, qui s’est déroulé à 2 730 mètres d’altitude, n’aurait certainement pas eu lieu sans une pratique habituelle de vols non autorisés et organisés par l’aéroclub de Megève.

C’est pourquoi il délègue aux autorités compétentes de vérifier non seulement les possibles responsabilités pénales de l’aéroclub dans l’accident pour lequel Philippe Michel est condamné, mais également sa responsabilité administrative, en tant que club gestionnaire de vol.

 

L’attitude du pilote également condamnée

Le juge a également rappelé qu’il ne pouvait rien être reproché au pilote italien de l’hélicoptère, Maurizio Scapelli, décédé lors du drame. "Il était presque impossible au pauvre pilote de voir l’autre appareil s’approcher avant l’impact. Il avait la vue complètement bouchée et ne pouvait entendre l’avion au-dessus de lui ; le bruit du rotor de son hélicoptère couvrant largement celui de l’avion", précise-t-il. Le juge a voulu également pointer du doigt l’attitude du pilote français. Pendant la phase d’enquête, aussi bien que lors de la préparation du procès. Celui-ci a refusé d’être interrogé, repoussant toutes les accusations.

Quant à sa stratégie de défense, soutenant lors du procès qu’au moment de l’impact, c’était l’un de ses élèves, Arnaud Goffin, qui était aux commandes, les paroles du juge sont sans appel : "Cette stratégie défensive ne peut qu’être jugée de façon négative et particulièrement peu élégante, pour un instructeur professionnel tel que Philippe Michel. Surtout quand on sait que son élève est mort dans l’accident."

 

Pourvoi en appel au début de l'année prochaine

"Ce que les familles des victimes ont très mal vécu, ce sont les excuses publiques de Philippe Michel qui ne sont jamais venues", ajoute Angelo Cassone, l’avocat de la mère et de la sœur du pilote italien mort dans l’accident. Exprimées pourtant en tête-à-tête, lors d’un entretien avec le pilote français organisé en marge du procès de janvier, les excuses n’ont pas été renouvelées publiquement lors de l’audience.

"Il aurait peut-être pu, grâce à des excuses publiques, bénéficier de davantage de clémence de la part de la justice. Les familles lui avaient presque pardonné. Elles savent très bien qu’il n’avait pas l’intention de provoquer un drame même si je pense, moi en tant qu’avocat, que la peine de prison n’est pas particulièrement élevée... Il y a tout de même eu sept morts", conclut l’avocat, inscrit au barreau de Catania en Sicile.

"Mon client a bien sûr exprimé des regrets pendant le procès, se défend Jacques Fosson, l’un des deux avocats du Français.  Il a bel et bien exprimé que cet accident lui laissait un goût très amer dans la bouche. Car il ne faut pas oublier que lui aussi a perdu des amis dans ce drame. Quant à sa communication défaillante sur son plan de vol, il a bel et bien prévenu de son arrivée sur le canal privé habituel. Mais il n’existe aucun enregistrement de l’appel qu’il a lancé ; tout simplement parce que ce canal n’est jamais enregistré."

"Quoiqu’il en soit, nous sommes moi et mon confrère Alessio Iannone, toujours confiants dans notre stratégie de défense. Nous resterons, d’ailleurs, sur la même ligne lors du procès en appel. Mais si le juge a prononcé une peine inférieure à 10 ans de réclusion, c’est bien que la culpabilité de notre client n’est pas si claire", conclut l’avocat valdôtain.

Pour l’heure, Philippe Michel est toujours assigné à domicile, quelque part en vallée d’Aoste depuis qu’il a quitté l’hôpital à la suite de l’accident. Le juge lui fait interdiction de retourner en France pour l’instant. Son procès en appel devrait avoir lieu à Turin au début de l’année prochaine. Il pourrait ensuite demander à purger sa peine en France.

Outre la peine de 6 ans et 8 mois de prison ferme prononcée par le juge italien, il a établi à plus de 5 millions d’euros le montant des dommages et intérêt à verser aux familles des sept victimes de l’accident, dont les petites filles de 8 et 10 ans de Maurizio Scapelli. Le pilote de l’hélicoptère italien était âgé de 52 ans au moment de l’accident.

 

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