Départementales 2021 en Haute-Savoie : ce qu'il faut retenir du débat diffusé sur France 3 Alpes

A six jours du premier tour des élections départementales, les représentants des principales listes se sont confrontés lundi 14 juin sur le plateau de France 3 Alpes : Virginie Duby-Muller (LR), Charlène Cardoso (DG), Vincent Lecaillon (RN), et Nicolas Rubin (DVD). Voici ce qu'il faut en retenir.

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Fief et bastion historique de la Droite

La Haute Savoie est un département atypique, dans la Région mais aussi en France. C'est l'un des trois seuls départements (avec les Yvelines et le Var) qui n'a aucun élu de gauche dans l’assemblée départementale.

" Il y en a eu sous d'autres mandatures, mais ils se comptaient sur les doigts d'une main" se souvient  Dominique Cheul, notre confrère du Dauphiné Libéré, qui brosse en quelques traits le portrait d'une "Haute-Savoie, fief de la droite depuis au moins... 1945, une droite plutôt modérée qui a réuni, LR, UDI, Divers Droite.  Lors des séances publiques, il n'y a donc pas de bataille projet contre projet, ni passe d'armes entre élus, au point, dit-il un peu taquin, "que les journalistes, il faut l'avouer,  s'y ennuient parfois un peu (...) En Haute-Savoie, on règle les affaires en famille, on gère le département en père de famille."

Et il pointe une autre singularité, plutôt conservatrice : "le département a longtemps traîné des pieds en faveur de la mixité. En 2015, il n'y avait qu'une seule femme élue, sur les 34 postes de conseillers". Bref, du retard à rattraper. En tout cas, sur le plateau ce lundi 14 juin, le débat est... paritaire.

 

Les participants au débat

Sur le plateau du débat animé par Jordan Guéant et Dominique Cheul du Dauphiné Libéré :

  • Virginie Duby-Muller, candidate sur le canton de Saint-Julien-en-Genevois. Conseillère départementale sortante, présidente du groupe majoritaire, et députée Les Républicains.
  • Charlène Cardoso, candidate divers gauche sans étiquette sur le canton d’Annecy-4. Représente la nouvelle majorité municipale d’Annecy
  • Vincent Lecaillon, candidat Rassemblement national sur le même canton Annecy-4. .Déjà candidat aux Municipales de l’an dernier. Dirige le RN de Haute-Savoie.
  • Nicolas Rubin, candidat divers droite sur le canton d’Evian-les-Bains. Maire de Châtel, conseiller départemental sortant, co-président de Savoie-Mont-Blanc Tourisme. 

N.B Pour des raisons d’équité des temps de parole, et ne pas pénaliser leurs  adversaires directs, le débat ne doit pas aborder les cantons respectifs mais s'attacher à l’ensemble du département.

 

Un paysage politique chamboulé

Une certitude : le prochain scrutin départemental promet de nouveaux visages. La moitié des conseillers sortants, y compris le président, ne se représente pas cette année. Les candidats sont nombreux, 74 binômes sur les 17 cantons (contre 68 sur 19 cantons en Savoie).

Le RN présente des candidats dans toutes les circonscriptions. Le Parti LRM n'a pas présenté de candidats mais est disposé à d'éventuels soutiens, au cas par cas. La droite part pour le moins divisée et la gauche s'est unie dans quelques cantons.

La nouveauté surtout, c'est la présidence du département, remise en jeu. Christian Monteil (DVD), en fonction depuis 2008, a cette année jeté l'éponge. 

Qui pour prendre la relève ? C'est bien là l'un des principaux enjeux du scrutin.

Les bruits courent que Nicolas Rubin aurait des vélléités de briguer le siège de président, mais quand Jordan Guéant lui pose la question très directement : "pourquoi ne pas être dans ce groupe majoritaire présidé par Virginie Duby-Muller ? Vous étiez encore LR il y a peu... Etes-vous officiellement candidat à la présidence du département ?", celui-ci "tourne autour du pot" : "On siège dans la même pièce c'est vrai, ça se saurait si je m'étais opposé à un projet, mais moi je ne suis pas pour l'autosatisfaction, c'était mon premier mandat, je préfère observer avant de juger, je pense qu'il faut laisser avec respect se dérouler le 1er tour de scrutin, voir qui se retrouve autour de la table, je veux faire les choses dans l'ordre, aller pas à pas."

Alors Virginie Duby-Muller est-elle l'héritière revendiquée du président sortant ? Sa réponse est sans ambiguité : "oui, je serai candidate, je connais bien la maison, qui a besoin de rajeunissement et de féminisation, j'ai les qualités et l'expérience pour, après la crise que nous venons de traverser, je pense qu'il faut quelqu'un d'expérience et opérationnel."

Loin de cet enjeu, Charlène Cardoso revendique sa jeunesse, et plaide pour la diversité politique. Elle "veut surtout que le consensus inerte cesse, qu'il y ait enfin débat". Elle espère "porter une voix alternative, et surtout une meilleure représentativité des sensibilités des citoyens de gauche, sans étiquette comme moi, ou écologistes."

Quant à Vincent Lecaillon, il promet "un renversement de table complet. Ce sont des élus mais ce sont des techniciens. Il n'y a pas de vision. Je rigole un peu, on peut bien rigoler, je sais pas s'il y a trop de consensus ou pas assez, en tout cail y a des listes assez incroyables, l'entente cordiale je veux bien, mais les couteaux sont déjà tirés, et les règlements de compte sont en route."

 

"Fusion des Savoie.... ou pas ?

Pour en finir avec la clarification des positions purement politiques, comme lors du débat du 1er tour de Savoie, chacun des candidats est invité à se prononcer :  

Nicolas Rubin est le premier à prendre la question au bond. Co-président de Savoie-Mont-Blanc Tourisme, il en vante les mérites et prêche pour sa paroisse : "Ce Conseil fonctionne très bien, la fusion, c'est une idée jetée en l'air depuis des années, mais entre élus, on a jamais commencé le début d'une discussion sur le sujet, moi je suis très prudent, je suis pas sûr que ces grands regroupements n'éloignent pas les élus des citoyens, j'en vois pas bien les avantages.

Charlène Cardoso n'est pas emballée : "On dépense déjà près de 25 millions d'euros pour Savoie-Mont-Blanc, on a déjà un poids politique dans la Région, et franchement, avec la crise sanitaire qui sévit, et le réchauffement climatique, c'est absolument pas une priorité d'en parler."

Virginie Duby-Muller estime aussi le Conseil Mont-Blanc bien suffisant, "avec la Savoie, nous n'avons pas les mêmes visions, les mêmes dynamiques, les mêmes problématiques, la même dépendance au tourisme, une nouvelle structure me semble inutile, sauf si on récupérait des compétences supplémentaires."

Vincent Lecaillon en revanche décoche sa flèche favorite du jour et s'enflamme "ça illustre bien ce que je dis, ce sont des techniciens, de bons techniciens ok, mais des techniciens sans vision, bien sûr qu'il faut la faire, cette fusion, c'est même plus que ça, ce serait la réunification des Savoie, la restauration de notre éclat, notre enracinement, notre identité profonde, c'est le sens de l'Histoire ! ". Mais quand Jordan Guéant lui fait remarquer que lundi dernier à la même table, Brice Renard pour le RN se prononçait formellement... contre, son enthousiasme s'émousse et il se montre surpris : "ah bon, eh bien ça m'étonne, on en rediscutera plus tard."

 

Dans un département riche, comment réduire les inégalités sociales ?

Entre lacs et montagne, la Haute-Savoie a tout de la carte postale. Elle est le premier département le plus attractif de France et a un rayonnement international. Revers de la médaille de son succès : des transports saturés, des loyers très élevés, des logements sociaux insuffisants, et un niveau de vie difficile d'accès aux populations les moins aisées.

Le département attire chaque année près de 10 000 nouveaux habitants. Si le taux de chômage est l'un des moins élevés de France, comme le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, les écarts en revanche y sont les plus creusés. (Le rapport entre niveau de vie des 10% les plus riches et 10% les plus pauvres atteint 4.3 contre 3.5 dans le Rhône et 3.4 en moyenne régionale).

Virginie Duby-Muller défend un bilan "dont on a pas à rougir" et qu'elle assume du coup à son propre compte : "les écarts sont importants, c'est vrai, le département joue son rôle majeur de cohésion sociale, on dépense déjà 400 millions d'euros pour le social, le coût de la vie est élevé, proche de Paris ou de la côte d'Azur, notre priorité c'est le logement. On a construit plus de 1500 logements sociaux, on intervient pour garantir les emprunts, il faut aller plus loin, on a beaucoup de personnes éligibles, je pense aux fonctionnaires, au personnel soignant, aux gendarmes."

Comment aller plus loin ? Charlène Cardoso est catégorique : "on connaît bien ce problème à Annecy, l'accès au logement c'est un sujet prioritaire, il faut faire un choix politique, aider les petites communes pour qu'elles achètent des terrains, et développer le bail solidaire. Certaines n'ont pas les moyens, il faut les aider et les accompagner".

Virginie Duby-Muller lâche en retour une remarque : "on le fait déjà avec le plan Etat-Région, on a prévu de le développer dans le prochain mandat".

Pour Nicolas Rubin, comptable lui aussi du bilan de la mandature passée, sans le mettre pour autant en avant : "les problèmes de riches ne sont pas si faciles à régler, le décor a été posé, avec un département très attractif, on a une zone frontalière sous tension, il faut s'en préoccuper avec les intercommunalités, je pense aussi aux agents territoriaux, ou aux fonctionnaires, on n'arrive pas à les garder, la vie est trop chère, il faut prendre les choses en mains, on en a les capacités mais il faut trouver le bon filon."

Quant à Vincent Lecaillon, son analyse et sa solution visent une autre cible : "il faut faire du logement social, même si les caisses me semblent vides, et je constate pour ma part ici comme ailleurs, que ce sont les nombreux mineurs migrants non accompagnés que l'Etat prend automatiquement en charge, qui puisent dans le fonds social du département, qui coûtent très cher, et il y en a de plus en plus. La caisse sociale doit être réservée aux Français, aux Haut-Savoyards (...) et dans le privé, il faut aussi protéger les bailleurs, plus que les locataires, beaucoup ont peur de louer à l'année, et se rabattent sur la location touristique."

Autour de la table, l'argument du candidat RN ne fait guère réagir. Dominique Cheul interpelle le candidat : "vous trouvez que le département ne peut pas faire preuve d'un peu de solidarité ? "Je crois qu'il y a une hiérarchie des solidarités, qu'il faut aider d'abord les classes moyennes, ce sont elles qui souffrent, d'autant que vos mineurs, ils sont pas vraiment mineurs, on le sait."

"On n'est pas naïfs, on sait qu'il y a derrière parfois des organisations mafieuses, mais on va pas commencer à opposer les solidarités, on essaie de renforcer les contrôles, l'encadrement, et on va le faire encore plus, parce que c'est vrai que ce problème devient pénible pour tout le monde", fait remarquer un peu mollement Nicolas Rubin.

La candidate de gauche Charlène Cardoso, ne commente pas. Elle revient à la charge sur le logement social : "La réalité, et  je suis contente qu'on partage le même constat dans ce domaine, c'est qu'on récolte les graines qu'on a semées, et ce constat est sans appel, la droite n'a pas su répondre. Il y a 2 ans d'attente pour obtenir un logement social en ce moment, il faut y mettre plus de moyens et d'effectifs pour l'accompagnement, et réembaucher des équipes spécialisées dans l'accompagnement social".

 

Quelles solutions en matière de transports ?

Tous les candidats partagent le même diagnostic en matière de transports : le "tout voiture" a longtemps régné exclusivement, et la Haute-Savoie peine à réguler le trafic et les flux de circulation.

Virginie Duby-Muller l'admet : "On a développé les routes, on accompagne le Léman Express, le tram, le bus, mais en matière de mobilité pour les cyclistes je le reconnais, nous sommes sur ce point en retard, on a tout de même fait un plan vélo, avec des voies vertes. On doit financer à hauteur de 30 millions d'euros le désenclavement ferroviaire avec l'Etat et la région".

Nicolas Rubin lui, semble un peu perplexe : "quand je fais la route de ma mairie de Châtel à Annecy, c'est fatiguant et dangereux, il faut plus jouer sur le multimodal. Mais il n'y a pas de solution magique, ça ne se fait pas en un jour, on avait proposé le percement d'un tunnel, sous le Semnoz, mais le territoire n'en veut pas. Quand on refuse des projets, il faut en proposer d'autres."

Charlène Cardoso joue en attaque : "moi je retiens le mot attendre, insuffisant, retard. Il n'y a jamais eu ni concertation ni débat, avec les citoyens. Il faut absolument développer le multimodal". 

 

Et l'aéroport d'Annecy ?

C'est l'un des dossiers qui a alimenté les dernières municipales, le destin de l'aéroport d'Annecy. La candidate de gauche le juge inutile : "on peut imaginer plein de solutions, comme le transformer en zone de maraîchage, en zone naturelle, ou de construction maîtrisée de logements" suggère-t-elle . "Ah oui, ça c'est votre vision bobo", ironise Virginie Duby-Muller qui rappelle que "même s'il n'y a pas de lignes régulières, il y a quelques vols d'affaires, il abrite aussi le Dragon 74  de la Sécurité Civile, et des secours en montagne". Elle assure "qu'un projet de formation à l'aéronautique est dans l'air, et que c'est le Département, propriétaire, qui seul peut décider de son sort".

Vincent Lecaillon, lui aussi, estime que l'aéroport d'Annecy peut être utile pour l'aviation d'affaires. En revanche c'est au sujet de l'aéroport suisse qu'il monte au créneau : "on nous vend Genève, très bien, on est à 30 kms d'un aéroport international, que l'on sous-exploite complètement, parce que depuis des années, les modes de transports pour s'y rendre sont minables, alors forcément, quand les Hauts-Savoyards s'y rendent, comment ils font ? Ils prennent leur voiture ! Depuis 40 ans, il n'y a pas un élu de droite qui a été fichu de proposer une infrastructure digne de ce nom, ça ne sert à rien, comme certains écolos, d'aller à la casse et à la chasse à la voiture, si on ne peut rien proposer de mieux".

 

Comment concilier tourisme et environnement?

Sur cette dernière thématique, chacun s'accorde sur le diagnostic. La fermeture des remontées mécaniques a montré combien il était important de développer un tourisme quatre saisons. Le réchauffement climatique n'est pas une illusion : "Il suffit de se rendre sur la mer de Glace à Chamonix" pour réaliser l'accélération du phénomène commente Virginie Duby-Muller.

En revanche, les points de vue divergent sur le rythme et le type de dispositions à prendre.

"On ne va tout de même pas s'excuser d'être le département le plus attractif, et la première destination prisée dans le monde pour le ski alpin" s'agace Nicolas Rubin. "C'est compliqué le ski, cela représente de nombreux emplois, il y a forcément des choses à revoir, à la marge, malgré le manque de neige, on a les capacités à s'adapter, les Hauts-Savoyards sont des courageux, on doit prochainement, à Savoie Mont-Blanc, plancher sur l'après, et le développement quatre saisons".

Même tonalité dans le propos de la conseillère sortante : "il faut repenser l'été, les acteurs de la montagne ont déjà entamé le changement et leur réflexion, et il s'agit de préserver notre patrimoine environnemental, on a déjà créé des espaces naturels protégés, on va continuer" .

Le candidat du RN est du même avis : "ce n'est pas facile, mais je pense qu'il va falloir prendre le temps, repenser notre modèle sur certains points, en prenant aussi en compte les zones rurales, il faut le faire tranquillement, et ne pas tout bouleverser d'un coup comme demandent les écolos."

Un pavé dans la mare de Charlène Caroso qui plaide justement pour "un changement radical et immédiat du modèle économique touristique, gourmand en eau, en énergie, et en fonds publics. Imaginé avant tout pour une clientèle riche, et étrangère. Il faut l'inverser, et rendre le territoire accessible à ceux qui y vivent, dans une logique de développement durable, qui contrairement à ce que l'on dit, est pourvoyeur d'emplois".

De quoi alimenter le mot de la fin de Dominique Cheul  : "Finalement, on dit souvent qu'il n'y a plus de clivage entre droite et gauche, ce n'est pas le cas ce soir, on a vu de vraies différences entre les quatre candidats sur le plateau, à l'exception de quelques points d'accord". 

Et il conclut : "les problématiques abordées font partie des préoccupations quotidiennes et à moyen terme des Hauts-Savoyards. L'inquiétude de dimanche reste une inconnue : le taux de participation, qui ne cesse de baisser, au fil des élections."

 

*Vous pouvez retrouver toutes les informations sur les Elections dans nos JT de campagne, et les éditions quotidiennes du Dauphiné libéré.

 

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