Le domaine skiable de Morzine-Avoriaz, en Haute-Savoie, prévoit la construction, dans les prochains mois, d'une retenue collinaire destinée à assurer l'enneigement du secteur de Super-Morzine. Un collectif citoyen s'y oppose et dénonce une "grave atteinte à la biodiversité locale".
Après celui de La Clusaz, un nouveau projet de retenue collinaire en Haute-Savoie fait l'objet de vives oppositions. Le collectif Citoyen en Vallée d'Aulps a appelé, début avril, à une "mobilisation citoyenne" et a lancé une pétition contre la retenue collinaire de Super-Morzine, souhaitée par l'exploitant du domaine skiable de Morzine-Avoriaz, la Serma (Société d'exploitation des remontées mécaniques de Morzine-Avoriaz).
Le choix de la localisation s'est porté sur le secteur de Proclou, à 1 690 mètres d'altitude. Plus précisément au lieu-dit du Creux de la Joux. Le plan prévoit une retenue collinaire d'une capacité de stockage de 92 500 mètres cubes d'eau. Soit l'équivalent de 37 piscines olympiques sur une surface de 3,29 hectares.
Ce projet, estimé à près de 8 millions d'euros, inquiète d'autant plus le collectif qu'il nécessitera la destruction de 1,9 hectare de forêt. Le tout pour la construction de cette retenue collinaire, mais aussi des enneigeurs, des canalisations et d'une digue de contention de 13 mètres de haut.
"Ce projet porterait gravement atteinte à la biodiversité locale. La zone d’implantation se trouve à proximité immédiate d’un site Natura 2000 et est répertoriée comme un espace important pour la conservation des oiseaux. Quarante-deux espèces ont été identifiées sur le site du projet, dont 35 protégées au niveau national", indique le collectif dans un communiqué.
Plus que cela, il mettrait en danger le gypaète barbu, espèce protégée qui se serait récemment installée dans le secteur, selon Sandra du collectif Citoyen en Vallée d'Aulps. La militante n'exclut pas la possibilité d'un recours en justice pour protéger l'espèce, "car sa présence n'avait pas encore été indiquée dans les études d'impact".
La fin du tout-ski ?
Mais au-delà de la menace sur ce rapace, Sandra regrette le manque de communication autour de ce projet et l'accaparement des ressources en eau "à des fins commerciales". D'autant plus que, selon elle, cette retenue collinaire ne garantirait en rien l'enneigement de la station. "Cette année par exemple, il a beaucoup plu en dessous de 1 800 mètres. Ce sont des conditions qui ne permettent pas la création de neige. Il faut avoir des températures inférieures à 0, voire entre -3 et -6 °C, pour faire tourner les enneigeurs. Cet hiver, il y a eu juste une fenêtre de trois jours pour créer de la neige artificielle à cette altitude. Et ça ne va pas aller en s'arrangeant avec les effets du réchauffement climatique", explique Sandra.
"Il faut faire le deuil de cette économie du tout-ski. Ce deuil devra se faire, alors autant utiliser cet argent pour mener à bien cette transition, poursuit-elle. Construire des retenues collinaires ne permet pas de voir sur le long terme. Ça ne va pas dans le bon sens."
Cette position reste "très idéologique", selon Thomas Faucheur, directeur général de la Serma, qui concède que "les retenues collinaires ne sont pas un sujet simple".
"Tout est en ordre"
"Ce projet permettra l'enneigement du dernier secteur qui peut relier Avoriaz et Morzine, actuellement sous-doté en ce qui concerne les enneigeurs. C'est un espace débutant avec, pour l'instant, de petites installations de neige de culture. C'est donc un lieu important et stratégique. Les études ont permis de montrer que le besoin est présent et avéré", appuie Thomas Faucheur.
Selon lui, la station de Morzine continue de se reposer en grande partie sur le ski : "C'est dommage de ne pas arriver à faire fonctionner cette économie. Personne ne peut pas prévoir à quelle échéance le ski devra s'arrêter, alors pourquoi vouloir tout arrêter dès maintenant ? Enterrer le ski est un peu prématuré, alors que d'après une étude de Climsnow, le ski peut encore fonctionner jusqu'en 2050 à cette altitude." Une étude contestée par le collectif Citoyen en vallée d'Aulps.
Quant à la zone Natura 2000 située à proximité, il dément fortement : "La retenue collinaire est au milieu du domaine skiable. La zone Natura 2000 se trouve à quelques kilomètres à vol d'oiseau. Mais à partir de là, tout le domaine skiable se trouve à côté de cette zone, située de l'autre côté de la vallée. La retenue collinaire, elle, est à côté d'une route en partie sur les déblais d'un parking."
D'après la Serma, ce projet, vieux de 8 ans, verra bien le jour. "Nous avons toutes les autorisations nécessaires. Les études et l'enquête publique ont déjà été réalisées. L'autorisation préfectorale nous a été donnée depuis janvier 2023. Tout est en ordre", indique Thomas Faucheur. Les premiers travaux pourraient débuter en novembre prochain.