En Haute-Savoie, Karine a partagé la vie d'un homme qui la maltraitait pendant plusieurs années. Pas de coups, mais de la torture psychologique. Elle s'en est sortie grâce à l'association Espace Femmes, un cocon où elle a trouvé des oreilles attentives à son mal-être.
Son quotidien était fait de torture psychologique et de manipulations. Un passé qui hante encore Karine, une habitante de la Haute-Savoie qui a vécu avec un conjoint violent. Pas des violences physiques, mais verbales : "Il me disait que je devais tout le temps le regarder, l'écouter", raconte-t-elle. Une violence insidieuse qu'elle pensait normale pendant tant d'années.
Aujourd'hui, la jeune femme a franchi un cap. Elle parvient à s'exprimer et raconter ces années d'enfer, surtout ce fameux soir où elle a craqué : "Un soir, je ne sais pas pourquoi mais j'ai eu très peur et j'ai hurlé, mes enfants sont descendus puis j'ai appelé les gendarmes, se rappelle-t-elle. Mais ils ont écouté mon ex-conjoint qui a dit que c'était un coup de chaud, que c'était la première fois. Et c'est vrai, c'était la première fois, il ne m'a jamais frappée. Ce n'est pas de la violence physique, j'ai vécu de la violence psychologique, de la violence verbale. Ce que j'ai appris ici, c'est que les conséquences sont les mêmes. J'ai subi des violences invisibles donc j'ai des preuves invisibles à fournir."
Si Karine parvient à mettre des mots sur son traumatisme, c'est en partie grâce à l'association Espace Femmes qui accompagne des femmes en souffrance depuis plus de 20 ans. A La Roche-sur-Foron, l'endroit est convivial, un cocon sous les toits, un appartement qui sent bon le café. Au milieu de la pièce, le canapé sert à recueillir les tristesses mais surtout à réconforter. Karine y vient depuis un an, comme un "pilier de la semaine" où elle est accompagnée dans sa reconstruction.
Deux féminicides depuis janvier
"Ce qui est difficile, c'est de repérer que les femmes sont toutes différentes. Elles ont des besoins différents et on a une obligation à respecter : leur choix et leur rythme, explique Anne Van Den Eshof, directrice de l'association. Ici, on ne fait jamais d'injonction aux femmes, on ne leur dit jamais ce qu'elles doivent faire, on est leur boite à outils. Plus les femmes vont décider, plus elles se dégageront des violences."
Comme Karine, elles sont 473 dans le département à être suivies, écoutées et guidées depuis le début de l'année. Un chiffre en nette augmentation en 2019 avec 21% de cas supplémentaires par rapport à l'année passée et 45% de plus qu'en 2015. Deux féminicides ont eu lieu en Haute-Savoie depuis le mois de janvier.
"Tous les milieux sociaux sont concernés : il n'y a pas plus de violences chez les pauvres ou chez les riches. Simplement, c'est plus difficile de le dénoncer dans certains milieux, nuance Véronique Denizot, procureure de la République d'Annecy. Mais il n'y a pas de typologie non plus sur l'âge, on a des jeunes hommes violents et des hommes âgés qui sont violents aussi. On a une réalité multiforme et des réponses à individualiser en fonction de chaque cas."
Le gouvernement a ouvert ce mardi un Grenelle des violences conjugales. En Haute-Savoie, pour des mesures concrètes, préfet et professionnels se sont réunis. Diminuer le délai des procédures a été l'une des priorités énoncées. Mais aussi et surtout la nécessite d'une action perenne, plus qu'un ultime grand débat.