L'Ecole Nationale de Ski et d'Alpinisme est une véritable institution de la montagne. Basée à Chamonix, elle forme chaque année pas moins de 4000 stagiaires, dont 300 guides de haute-montagne.
Ingrid Pernet et Serge Worreth ont rencontré Vérane, Julia, et les autres aspirants-guides en cours d'évaluation à l'ENSA, cette prestigieuse école de la montagne.
durée de la vidéo : 00h02mn04s
Intervenants : Julia Virat\
Stagiaire aspirant guide 3, Alexis Mallon\
Responsable de la formation guides de haute montagne et pisteurs à l'ENSA, Vérane Bonneuil\
Stagiaire aspirant guide 3
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©INA
Le temps des pionniers
Dès l’hiver 1932-1933, la fédération Française de ski, toute jeune encore, organise pour la première fois des cours de formation de moniteurs. C'est l'époque des GIGNOUX, ALLAIS, BLANCHON, DIEBOLD, le temps des innovations décisives. Quelques années plus tard, la Fédération crée une Ecole Supérieure de formation de moniteurs qui, sous la direction d’Edouard FRENDO, animateur et théoricien, va fonctionner successivement au Col de Voza, à Val d’Isère, à Chamonix.
La même volonté de progrès semble animer l’alpinisme puisque le premier stage de préparation des futurs guides a lieu, l’été 1936, à Chamonix, à l’instigation de Roger FRISON ROCHE et d’Armand CHARLET.
L’E.N.S.A. est en germe dans ces ébauches d’action, qui ne vont pas tarder à subir le contrecoup de la guerre et de la défaite. Mais l’élan n’est pas brisé, comme en témoigne l’œuvre si méritoire de « Jeunesse et Montagne » qui, dans ses divers centres, multiplie les stages d’apprentissage alpin, formant des équipes d’instructeurs que l’on retrouvera nombreux par la suite aux postes de responsabilité.
Une gestation pleine de péripéties
En 42-43, l’Ecole Supérieure de Ski de la Fédération s’installe à Chamonix dans l’Hôtel des Allobroges. Aux côtés de FRENDO, directeur, Raymond BERTHET en qualité de moniteur-chef. Pour l’équipe d’enseignants qui se forme alors, la hiérarchie formelle a moins d’importance qu’une adhésion volontaire à un certain style de travail.
1943, est l’année décisive, le Commissariat aux Sports de Vichy, qui déjà soutenait et finançait l’Ecole Fédérale, lui confère un caractère officiel. Désormais, selon la tradition française, la formation des élites du ski devient affaire d’Etat. Notons que s’il ne s’agit encore que d’une annexe de l’Institut National des Sports, l’indépendance viendra bientôt.
L’Ecole nouvelle émigre à l’Alpe d’Huez, pendant l’hiver 43-44, pour des raisons d’opportunité. C’est un modeste établissement, coupé en deux ou trois morceaux, dont l’appareil administratif reste rudimentaire. Le directeur est un militaire, comme il est de règle à l’époque, mais un vétéran des luttes sportives, René BECKERT, fait son entrée comme directeur adjoint. FRENDO conférencier et BERTHET, moniteur-chef, assurent la continuité. Malgré les difficultés de l’époque et notamment les défaillances des remontées mécaniques, un programme de travail consistant est établi et sera fidèlement exécuté.
Comme l’Alpe d’Huez offre des ressources insuffisantes à l’Alpinisme, l’Ecole, le printemps venu, se transporte à la Grave – avec d’autant plus de facilité que ses bagages sont réduits à l’extrême.
Chacun sent que le dénouement est proche et se prépare aux changements qui s’annoncent. On est installé en pleine dissidence, sous l’œil d’un maquis bienveillant et complice. Le plan de travail s’accomplit tant bien que mal. C’est d’abord un stage de guides-skieurs – première et sans doute seule tentative de résoudre un problème longtemps débattu. Puis viennent des stages de chefs de cordées ; jusqu’au jour où l’attaque de l’Oisans par les Allemands, puis le débarquement de Provence, provoquent la dispersion des cadres que l’on retrouvera, pour la plupart, au combat.
Libération mais pas émancipation
A la Libération, le sort de l’Ecole est de plus en plus incertain. Seul rescapé de ce qui semble être un naufrage, BECKERT va faire patiemment le siège d’une Administration qui se réforme. Les hostilités n’étant pas terminées, l’E.N.S.A. va revivre en s’insérant tant bien que mal dans l’effort de guerre par un accord de circonstance avec l’E.H.M. C’est de nouveau, l’Alpe d’Huez, pendant l’hiver 44-45, cette fois dans un confort relatif et sans souci d’intendance.
La paix et l’été revenus, l’E.N.S.A., affranchie de ses devoirs militaires et en voie de stabilisation administrative, se retrouve à Chamonix, au service de l’Alpinisme. Elle va, pour un temps, s’installer dans un nomadisme dont s’accommode sa simplicité. L’hiver, on est à Val d’Isère, ou plus tard, à Méribel. L’été ramène obligatoirement à Chamonix. On utilise des locaux de fortune. Avec le temps, le noyau administratif s’étoffe et se structure.
Les années 1948-49 sont, dans la vie de l’Ecole, des étapes importantes. Non qu’il y ait des changements sensibles dans le rôle qui lui est assigné mais elle l’exerce avec plus d’assurance et d’autorité après la fusion avec le Collège National d’Alpinisme et de Ski dont elle prend la suite dans l’immeuble des Praz de Chamonix. Après des années d’errance, elle trouve enfin dans la vallée de Chamonix son siège définitif.
Chronique d'un succès incertain
Les commodités offertes par la maison des Praz devenant insuffisantes pour l’accueil d’élèves de plus en plus nombreux, la Direction Générale des sports fait l’acquisition, à Chamonix même, du vénérable Hôtel des Allobroges. Le transfert a lieu en 1954. Ainsi, l’Ecole dispose de locaux plus adéquats qui vont d’ailleurs s’améliorer et s’augmenter au fil des ans. Sa mission s’élargit progressivement et au-delà de la formation de cadres professionnels, tend à satisfaire les besoins plus variés des associations.
Quand, en octobre 1957, Jean FRANCO, qui a naguère dirigé le Collège des Praz, prend la tête de l’établissement, après ses succès himalayens, commence pour l’E.N.S.A. la période de l’accomplissement.
(D'après le texte de René Truc)