Il y a 51 ans, un éboulement tuait 71 personnes dans un sanatorium d'enfants à Passy en Haute-Savoie. Pourtant, la catastrophe du Roc des Fiz est tombée dans l'oubli. L'écrivaine haut-savoyarde Perrine Lamy-Quique revient sur cette tragédie avec son livre "Dans leur nuit".
La catastrophe est survenue dans la nuit du 15 au 16 avril 1970. Sur le plateau d'Assy, en Haute-Savoie, un éboulement a provoqué la mort de 71 personnes dont 56 enfants dans un sanatorium. Ce glissement de terrain deviendra l'un des plus meurtriers du XXᵉ siècle en France.
Cette histoire, l'écrivaine Perrine Lamy-Quique ne la découvre qu'en 2014, en passant devant une stèle discrète au bord d'un chemin. "C'est l'une des catastrophes les plus meurtrières de France et on n'en parle pas. Il n'y a pas de reconnaissance de cette histoire, personne n'en parlait", constate-t-elle.
Pendant 7 ans, elle a recueilli des dizaines de témoignages de rescapées, familles de victimes, ou employés du Roc des Fiz, l'établissement médical spécialisé dans le traitement de la tuberculose qui a été touché par l'éboulement. Son livre Dans leur nuit (Seuil, septembre 2021) revient sur cette histoire pour libérer enfin la parole. Mauricette Vernay, la fille d'un ancien employé du Roc des Fiz, n'a pas hésité à se livrer 50 ans plus tard. Elle était âgée de 13 ans au moment de la catastrophe.
"Je pense que tout le monde avait besoin de revenir là-dessus. C'était important parce qu'il y a eu la souffrance, mais tout le monde s'est tu. On n'avait pas le droit d'en parler. La mairie ne voulait pas qu'on en parle trop parce qu'il fallait continuer à vivre. Je peux l'entendre. Mais à l'époque, il n'y avait pas les cellules psychologiques. On s'est tous débrouillé comme on pouvait", explique Mauricette.
Questionner la version officielle
"Ces gens ont été murés dans le silence, aussi parce que la tuberculose se soignait à l'époque avec des cures de silence, ajoute Perrine Lamy-Quique. C'était des adolescents, des gens qui avaient souffert, à qui on avait appris à se taire et qui, en plus, avaient été traumatisés par une catastrophe. C'était des gens qui ne pensaient pas avoir le droit de s'exprimer."
Sortir cette histoire de l'oubli, c'était aussi questionner la version officielle, celle d'une catastrophe imprévisible. Une semaine plus tôt pourtant, un premier glissement de terrain s'était déjà produit. Des fissures avaient été constatées sur certains bâtiments, autour du dortoir des enfants, mais aucune mesure n'a été prise.
"C'est pour cela qu'en 1970, les gens ont accusé le docteur Couve qui n'avait pas évacué les enfants suite à cette première coulée. Il me semblait qu'il y avait aussi d'autres strates. Ce qui m'intéressait, c'était de creuser dans le passé, remonter encore plus loin, aller voir s'il n'y avait pas d'autres responsabilités. Les architectes, les docteurs qui veulent construire le sanatorium pour des raisons financières, pour faire concurrence aux Suisses", explique l'écrivaine.
Après son livre, Perrine Lamy-Quique prépare maintenant un documentaire sur cet événement qui commence doucement à sortir de l'oubli.