Ce vendredi 6 septembre, un an après le quadruple meurtre de Chevaline, les enquêteurs français et britanniques tenaient une conférence de presse commune à Annecy. Peu de révélations mais des confirmations. Au moins 2 pistes sont suivies, le conflit autour d'un héritage et l'espionnage industriel.
Eric Maillaud, le procureur de la République d'Annecy a d'abord "replanté le décor" de ce drame dans la Combe d'Ire. Forcément "un lieu de promenade pour la famille al-Hilli" et non un lieu de rendez-vous, comme évoqué à de multiples reprises. Puis, 21 coups de feu ont été tirés avec "un Luger P06". Un scénario signé d'un "tireur aguerri" selon le procureur. Une arme qui ne ressort aujourd'hui dans aucun fichier, "elle est intraçable."
On connaît la suite, quatre morts: Saad al-Hilli, Britannique d'origine irakienne de 50 ans, sa femme, sa belle-mère et un cycliste de la région, "victime collatérale" confirme une fois de plus le procureur. Et puis, il y a les deux filles du couple al-Hilli, des rescapées aujourd'hui prises en charge par leur famille. Elucider les faits leur permettra "de recouvrer une totale santé mentale", selon le procureur.
La piste du frère
Des moyens importants sont toujours mobilisés. 100 gendarmes ont travaillé au début, ils sont aujourd'hui encore 40 en France sans parler des britanniques. "On a l'impression de faire et d'avoir fait le maximum", explique Eric Maillaud qui détaille deux pistes. D'abord, celle du conflit entre Saad et son frère Zaïd autour de l'héritage parternel. Cet héritage, de trois à cinq millions d'euros, n'était "pas colossal" mais "on sait que des gens sont capables de tuer pour beaucoup moins que ça", a souligné M. Maillaud. Mais le procureur insiste, "Zaïd est suspect, pour le moment pas coupable."
En prenant la parole sur "le cas" Zaïd, Eric Maillaud a aussi voulu mettre un terme aux critiques à l'égard des services judiciaires britanniques qui ont relâché ce suspect. Au regard des preuves en leur possession, il n'aurait pas fait mieux si le suspect était en France.
La piste de l'espionnage industriel et la piste iraquienne
"Saad al-Hilli était un ingénieur brillant" qui travaillait pour une entreprise anglaise spécialisée dans les satellites civils (météo, surveillance des cultures), a rappelé Eric Maillaud. "Son entreprise travaillait pour de nombreux États étrangers (...). Qui dit États étrangers et espionnage industriel peut aussi indiquer l'intervention de services secrets", a-t-il ajouté.
"C'est un pan de l'enquête extrêmement complexe, qui va demander énormément de temps, qui n'aboutira peut-être pas mais l'enquête est loin d'être close sur ce sujet", a estimé le procureur.
M. Maillaud a mis cette piste sur le même plan que les deux autres pistes principales: le conflit entre Saad et son frère, au sujet de l'héritage paternel, et la piste iraquienne. Cette dernière se révèle totalement vierge pour l'instant, l'Irak n'ayant pas donné suite à la commission rogatoire adressée en novembre 2012. Et pourtant, la famille al-Hilli avait des biens en Irak. Que sont-ils devenus? A qui ont-ils profité?
Un an d'enquête supplémentaire
"Nous avons estimé qu'en termes d'investigation, nous en avions encore au moins pour une année", a justifié le lieutenant-colonel Benoit Vinnemann, commandant de la section de recherches de Chambéry.
Parmi les monceaux de données à examiner, les enquêteurs doivent éplucher les énormes données informatiques de Saad al-Hilli. Ce dernier, qualifié d'"obsessionnel", enregistrait pratiquement toutes ses conversations et avait emporté en vacances ses disques durs et plusieurs ordinateurs contenant notamment des documents sur le conflit "violent" qui l'opposait à son frère aîné à propos de l'héritage paternel.
L'enquête en chiffres
Depuis un an, policiers britanniques et gendarmes français ont procédé à plus de 1.300 auditions de témoins. En Angleterre, le dossier compte 1.600 pièces et 1.300 rapports de police et une "quantité énorme de travail est en cours", a souligné Nick May, commissaire de la police du Surrey et du Sussex.Les gendarmes tentent eux d'identifier les auteurs de 4.000 appels téléphoniques passés par des relais proches de la scène de crime. Comme il s'agit souvent d'étrangers, quelque 80 commissions rogatoires internationales (CRI) ont été adressées à une vingtaine de pays.