A la frontière entre la Suisse et la France, le projet du Cern fait craindre des conséquences écologiques et énergétiques monstres. Association écologiste, élus et habitants ont interpellé l'organisation européenne pour la recherche nucléaire sur cet accélérateur de particules géant.
Pas de mur en prévision à la frontière franco-suisse, mais un immense scanner enfoui à 200 mètres de profondeur. Le Cern, l'organisation européenne pour la recherche nucléaire envisage de construire un accélérateur de particules avec un tunnel de 91 kilomètres de circonférence à cheval entre la France et la Suisse. Et le projet inquiète les acteurs de ce territoire.
Des premières investigations prochainement menées
Situé sur le tracé de ce collisionneur circulaire, la commune de Marlioz en Haute-Savoie s'apprête à subir quelques investigations géologiques. Plusieurs propriétaires ont reçu un courrier de la préfecture les informant de prochaines opérations.
"Une réalisation de forages, de carottage, d'installations de piézomètres et l'emploi de réfractions sismiques par dispositif pyrotechniques" sont prévus sur leur terrain. Alors le couple a décidé de contester cette décision en déposant un recours auprès de la préfecture.
"Nous n'avons aucune information déjà sur les conséquences de ces forages. Et ensuite, ces forages, c'est un avant-goût d'un projet qui est assez pharaonique et qui nous inquiète énormément", confie Chantal Domenge, propriétaire à Marlioz.
Les élus et associations écologistes interpellent le Cern
En Haute-Savoie, les propriétaires ne sont pas les seuls à s'alarmer face à ce projet de grande ampleur. Plusieurs élus de communes concernées par le tracé s'interrogent sur les conséquences des travaux et de l'installation à court terme mais aussi à moyen voire long terme.
L'ensemble des 25 maires de la communauté de communes d'Usses et Rhône ont co-signé une lettre adressée à la direction du Cern. "Nous ne sommes pas contre la recherche et le projet lui-même mais je suis vraiment inquiet de son impact et de ce qu'il va se passer sur notre territoire." raconte le maire (SE) de Minzier.
Le tunnel de ce collisionneur devrait être construit sous cette commune, mais aucune installation extérieure n'est prévue à Minzier. Malgré cela, l'édile craint un impact indirect : "On se pose beaucoup de questions notamment sur la phase de chantier. Cela va représenter près de 9 millions de mètres cube de terre à excaver donc beaucoup de camions sur les routes et beaucoup d'émissions de CO2...."
Ce manque d'information sur les tenants et les aboutissants de ce projet monstrueux qui attend la frontière franco-suisse, inquiète également les associations écologistes. L'AERE, association pour les énergies renouvelables et l'écologie, a mené une opération de tractage pour protester contre l'installation de l'accélérateur de particules jugé hors-sol.
"Alors que l'étude de faisabilité a commencé il y a dix ans, le public n'a été informé ni en Suisse ni en France. [...] C'est assez inquiétant car on a l'impression que les scientifiques ont tout à fait conscience de la catastrophe écologique, mais malgré cela ils continuent la recherche jusqu'au bout avec les conséquences que ce projet va impliquer", précise Sophie Rappallini, présidente de l'AERE.
Début des travaux envisagé en 2033
Le projet pourrait en effet consommer l'équivalent d'une ville de 700 000 habitants. Mais le Cern veut connaître la faisabilité de celui-ci afin de répondre aux grandes questions de l'univers et passer la vitesse supérieure.
"On comprend bien qu'un grand projet suscite des préoccupations. On veut faire cela dans le plus grand respect à la fois du territoire mais aussi des populations. C'est pour cela que l'on souhaite échanger sur le sujet et expliquer ce que l'on fait. Mais on n'en est pas encore à creuser un grand tunnel", se défend Arnaud Marsollier, responsable relations presse du Cern.
Le début des travaux est envisagé en 2033 pour une mise en service de l'accélérateur de particules géant dans les années 2050.