Ce mercredi 17 décembre au matin, le 115 est en grève. Les écoutants ne mâchent pas leurs mots: "Le droit fondamental de toute personne à être hébergée ainsi que les principes d'inconditionnalité et de continuité de l'hébergement d'urgence sont bafoués en Isère et tout particulièrement à Grenoble."
Ils ont annoncé leur mobilisation dans une lettre ouverte adressée notamment aux élus et au ministre du Logement. Selon les écoutants du 115, "le nombre total de places disponibles chaque jour sur le département est dérisoire par rapport au nombre de demandes d'hébergement. Le taux de refus est de 98% depuis huit mois faute de places disponibles."
Ainsi, en novembre, sur 271 demandes en moyenne chaque jour, le 115 n'a pu donner une suite favorable qu'à 5 dossiers!
Reportage de Jordan Guéant, Yves-Marie Glo, Thao Huynh et Linh-Lan Dao
Des critères "très restrictifs"
Pire. Les écoutants expliquent que le système pousserait à "des discriminations graves" lors de l'attribution de places pérennes. A titre d'exemple, "la structure qui héberge en urgence sur l'intercommunalité observe des quotas en fonction du statut administratif des personnes, voire parfois en fonction de la nationalité."Concernant le dispositif hivernal, des critères "très restrictifs" sont aussi dénoncés. "L'accès à l'urgence est arbitrairement hiérarchisé" en fonction de la santé, mais aussi de l'âge des adultes et des enfants, la composition familiale des ménages. Les écoutants du 115 sont donc amenés à poser des questions intimes et d'ordre strictement privé. "Cela crée une situation de malaise et de non-respect des personnes qui ne demandent qu'à être hébergées", témoigne l'un d'eux. Autre critère, celui de l'adulte isolé avec un ou des enfant(s) de moins de 3 ans. Des familles restent ainsi à la rue depuis plusieurs mois voire plus, car la composition familiale de leur ménage ou l'âge des enfants ne correspondent pas au critère demandé! "Nous sommes obligés de demander à des personnes seules ou ayant des enfants de faire une demande d'hébergement chaque matin, au cas où une place viendrait à se libérer. Des personnes à la rue nous appellent donc tous les jours depuis plus d'un an dans l'espoir qu'il y ait de la place."
Impuissants, les acteurs du 115 estiment être à la tête "d'un observatoire de la misère". "Il y a une perte de sens", expliquent-ils.
En attendant que les décideurs bougent, le 115 de l'Isère s'est mis en grève ce mercredi 17 décembre entre 7 heures et midi. Une tranche horaire cruciale puisque c'est le moment où les sans abris les plus obstinés appellent pour savoir s'ils ont une chance d'avoir un toit le soir venu.