Au Népal, les premiers témoins de l'avalanche meurtrière ont notamment parlé au correspondant de l'Agence France Presse.
Enroulés dans leur sac de couchage, les alpinistes n'étaient plus qu'à quelques heures de la conquête du sommet du Manaslu, surnommé la "montagne tueuse" au Népal, lorsque leur camp a été emporté par une avalanche, transformant les lieux en "zone de guerre".
"J'ai été réveillé par un énorme rugissement. Puis l'avalanche a déferlé et a écrasé nos tentes. On a été emporté à 100 m en contrebas avec nos tentes, d'autres ont dévalé 300 m", a confié Andreas Reiter, un survivant allemand de 26 ans, qui s'est fracturé la colonne vertébrale.
"Je n'ai pas été englouti, j'ai été emporté par l'avalanche. Mais je ne pouvais ni bouger ni aider ceux qui criaient à l'aide et étaient en train de mourir", dit-il sur son lit d'hôpital à Katmandou.
Ce rescapé faisait partie d'un groupe d'occidentaux qui s'apprêtaient à atteindre le sommet du Manaslu culminant à 8.156 m, le huitième plus haut pic du monde et l'un des plus dangereux. Mais à 04H00 dimanche (22H15 GMT samedi), une marée blanche a déferlé sur le camp N°3, à 6.800 m d'altitude.
Selon M. Reiter, qui se rendait pour la première fois au Népal et voulait se mettre au défi de gravir un tel sommet, son groupe avait prévu de se replier au camp de base situé en contrebas du leur à cause du mauvais temps et des risques d'avalanche.
"Je sais à présent que c'était trop risqué de gravir une telle montagne, mais je ne pense pas que le timing était mauvais", juge-t-il.
Un autre témoin
Un autre Allemand était soigné dans le même hôpital pour des engelures.
Triple champion du monde de ski libre (freestyle), Glen Plake, un Californien de 48 ans, décrivait le lieu de l'avalanche comme une "zone de guerre".
"C'était un énorme, énorme accident (...). Il y avait 25 tentes au camp numéro trois et toutes ont été détruites", a-t-il témoigné auprès d'Epic TV, spécialisée dans les aventures sportives.
M. Plake était en train de lire dans sa tente lorsque lui et son camarade de chambrée ont entendu un rugissement.
"Greg m'a regardé en disant que c'était une énorme rafale de vent, et la seconde d'après, non, c'était une avalanche. L'avalanche est ensuite arrivée sur nous. J'ai été emporté et ai dévalé la montagne sur 300 m et quand ça c'est arrêté, j'étais toujours dans mon sac de couchage, toujours dans la tente, avec ma lampe frontale".
Témoignages de deux italiens
Deux alpinistes italiens ayant survécu témoigne "d'une vision d'horreur" peu après l'accident.
Christian Gobbi, 42 ans, a raconté qu'il parlait avec son ami Silvio Mondinelli, 54 ans, lorsque soudain leurs voix ont été "couvertes par un énorme vrombissement, avant que la tente dans laquelle ils se reposaient ne soit arrachée du sol et emportée".
"ça n'a duré que quelques secondes et nous ne savions pas ce qui se produisait mais nous avons glissé sur plus de 200 mètres avant de nous arrêter", a déclaré à l'Agence France Presse Christian Gobbi qui se remettait dans un hôtel de Katmandou.
Gobbi et Mondinelli ont rapidement pu se dégager et sortir de leur tente disloquée mais ils "ne pouvaient rien voir dans la nuit".
"Ce n'est que plus tard, lorsque le jour s'est levé", qu'ils devaient découvrir les corps de leur guide népalais et de leur camarade, également italien, Alberto Mariano, ainsi que ceux d'autres compagnons de cordée gisant dans un amas de tentes détruites.
"Nous étions terrifiés, nous ne savions pas quoi faire", a dit Mondinelli qui est considéré par ses pairs comme l'un des alpinistes les plus expérimentés au monde.
Il était notamment devenu en 2007 la sixième personne à avoir gravi sans oxygène la totalité des 14 sommets de la planète culminant à plus de 8.000 mètres.
Le groupe de 20 alpinistes auquel appartenait Mondinelli, et qui se trouvait au camp n°3 érigé non loin du sommet du Manaslu, a été, selon lui, "littéralement frappé par un mur de neige".
Les secours ont rapidement pu évacuer vers les hôpitaux de Katmandou treize survivants du site métamorphosé, selon eux, en "zone de guerre".
"Nous étions sans nos bottes et sans nos gants - à quelque 7.000 mètres d'altitude -, nous n'avions que nos sacs de couchage et c'est seulement quand le soleil s'est levé que nous avons pu récupérer des chaussures". "Il y avait près de nous un Américain qui criait et demandait de l'aide mais nous ne pouvions rien faire pour lui", a encore raconté Gobbi.
Gobbi et Mondinelli ont tout de suite vu qu'ils n'étaient pas blessés et pouvaient descendre vers un autre camp situé en contrebas, tout en apportant en chemin quelques soins rudimentaires à des blessés.
"Nous cherchions à savoir qui était vivant et qui ne l'était pas. J'ai personnellement dénombré sept corps sans vie, dont celui de mon guide, étendu dans la neige", a poursuivi Gobbi.