Sur les écrans ce mercredi, un film inspiré de l'affaire Flactif, fait divers tragique au Grand Bornand en 2003
Le réalisateur Eric Guirado a repris tous les ingrédients du fait divers : comment la convoitise et l'envie poussent un jeune couple à tuer toute une famille.
Crever de haine et d'envie à en tuer
Crever de haine et d'envie, non pas à en mourir mais à en tuer : un jeune couple en quête d'une vie meilleure dans une riche station des Alpes découvre la convoitise et la frustration, vénéneuses jusqu'au crime dans "Possessions", d'Eric Guirado.
Librement inspiré d'un célèbre fait divers des années 2000, "l'Affaire Flactif", le film est habité par Jérémie Rénier, l'acteur multidimensionnel épaissi de 18 kilos pour ce rôle, avant sa réincarnation filiforme, imminente et attendue, en "Cloclo" (le 14 mars).
Le couple qu'il forme ici avec Julie Depardieu - Bruno et Marilyne - quitte avec sa fillette le nord sans horizon pour les cimes enneigées, où tous deux trouvent rapidement à s'employer tandis qu'ils emménagent dans un joli chalet que leur loue la famille Caron (Alexandra Lamy et Patrick Castang).
Mais plus leur quotidien s'embellit, plus la vie leur sourit, plus Marilyne jalouse ce couple riche, heureux, un peu louche parfois mais tellement chaleureux. Une bouteille de parfum rare, la lingerie fine des tiroirs qui la font d'abord rêver bientôt la renvoient du mauvais côté de la chance: elle ne possède rien de tout ça, même pas les codes pour les acheter ou les porter.
La coupe au bol, l'oeil trop fardé, la Maryline de pacotille qui rêvasse sur ses ritournelles pour ado se retourne contre son homme, coupable d'afficher la satisfaction des benêts.
Obsédée par la colère de ne pas avoir
C'est la convoitise qui les fait régresser; elle est obsédée par le manque et surtout par la comparaison et la différence d'avec les autres, qui se transforment en un unique sentiment : la colère de ne pas avoir", indique Eric Guirado à l'AFP.
Pour ne pas déchoir face à elle, Bruno se convainc que oui, les Caron méritent de mourir.
Trapu, ramassé, les cheveux taillés à la serpe, serré dans un petit blouson qui le tasse, Jérémie Rénier passe d'une jovialité bonhomme, un peu soumise, à la rage instillée puis instrumentalisée par sa compagne qui le pousse au crime comme on excite les coqs ou les chiens avant un combat.
"C'est Jérémie qui tenait à prendre du poids; il se voyait perplexe, infantile face à la frustration et l'insatisfaction de cette femme", confie le réalisateur qui s'avoue "le premier surpris par la force d'engagement" de son acteur: "Il a travaillé sur le vêtement, la coiffure, la démarche jusqu'à trouver le ton juste : il s'est emparé du scénario et en a partagé la conviction".
Un réalisateur lui-même haut-savoyard
Lui-même fils de Haute-Savoie, Eric Guirado avait suivi l'affaire du Grand Bornand presque en voisin : en 2003, toute la famille du promoteur immobilier Xavier Flactif
disparaît - un couple et trois enfants - et bientôt la piste criminelle mène à un jeune couple, Xavier Hotyat et Alexandra Lefebvre, dont le procès aura lieu trois ans plus tard.
Ce qui marque Guirado, plus que le crime, c'est ce couple qui s'exprime sur toutes les antennes pour commenter les disparitions: "la haine, la rage, ce ressentiment qui les conduit à diaboliser les victimes".
Il est allé écouter la longue interview donnée à l'époque à l'émission "Sept à Huit": "Je l'ai entendue, elle, dire les pires horreurs sur cette famille, de la diffamation absolue, comme si le crime n'avait rien apaisé".
Plus que de recréer ce fait divers atroce, son film s'attache à ce sentiment de jalousie et de convoitise qui se fraie une voie enflammée jusqu'à l'intimité.
"Je m'intéresse à ce qui a pu arriver à ce couple, mon projet n'est en aucun cas de recréer la réalité du crime. Personne ne saura jamais pourquoi, comment on passe à l'acte", insiste-t-il.
>>> Ci contre le reportage de France 3 Alpes et un portrait du réalisateur Eric Guirado signé Julien Sauvadon