Un médecin se retrouve sans ressource pour avoir proposé de louer sa maison lyonnaise à Mohamed Achamlane
C'est un calvaire que vit un médecin, Mohamed Lahmar, soupçonné d'avoir joué un rôle actif au sein de Forsane Alizza, ce groupuscule salafiste dissous avant un vaste coup de filet en mars dernier :19 personnes avaient été arrêtées dont le chef de File Mohamed Achamlane.
Mohamed Lahmar n'est pas poursuivi dans l'enquête antiterroriste sur le groupe salafiste dissous Forsane Alizza mais il en serait "un soutien actif" selon Bercy qui a gelé ses avoirs, transformant la vie de cet anesthésiste d'Epinal en un "véritable calvaire".
Privé de sa carte de crédit et de l'essentiel de ses ressources, ce médecin de 40 ans, dont l'histoire a été révélée par Le Parisien, se dit broyé par une situation "absurde" et "humilié" de voir son nom publiquement associé par le gouvernement à un dossier antiterroriste.
Forsane Alizza (Cavaliers de la fierté) est un groupuscule dissous par décret en février dernier, avant un coup de filet très médiatisé par le précédent gouvernement, au cours duquel 19 personnes ont été arrêtées le 30 mars 2012, dont son chef de file Mohamed Achamlane.
Treize personnes ont été mises en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste et détention d'armes, et neuf écrouées.
C'est par les médias que Mohamed Lahmar apprend l'opération contre ce mouvement dont il consultait parfois le forum animé par M. Achamlane. "Je considérais ce site comme un média alternatif, où les échanges portaient sur l'actualité, le halal, le voile, ou encore les thématiques en lien avec l'islamophobie", explique-t-il.
Après la dissolution du mouvement, M. Achamlane, qui cherche à quitter la région nantaise avec sa famille, entre en contact avec Mohamed Lahmar, qui accepte de lui louer sa maison lyonnaise à compter du 1er avril. Le projet n'aboutira pas du fait de l'arrestation de M. Achamlane.
Le lendemain de l'arrestation du chef de file, M. Lahmar est contacté à l'issue de sa garde de nuit au centre hospitalier d'Epinal par un agent de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) qui lui demande de venir à Lyon pour interrogatoire.
"J'ai rencontré deux fois M. Achamlane et je ne considère pas que je le connaissais", explique M. Lahmar. "J'ai tout expliqué au policier, qui m'a dit qu'il n'y avait pas de problème."
Sa vie bascule cependant le 24 avril, quand Bercy gèle ses avoirs dans un arrêté qui le décrit comme "un soutien actif de Forsane Alizza".
Une décision "scandaleuse" selon son avocat, Me Philippe Missamou: "Mon client n'a ni été mis en examen, ni placé sous statut de témoin assisté par les juges et le soutien actif n'est pas caractérisé."
Du jour au lendemain, le médecin, qui exerce depuis 2001, se retrouve sans moyen de paiement. Dans l'impasse, il obtient en mai un dégel partiel de ses avoirs. Sa banque reprend le versement de la pension qu'il doit à son ex-épouse et leurs trois enfants et lui octroie jusqu'à 475 euros par mois, sur justificatifs.
"Je suis condamné à la précarité", dénonce M. Lahmar. "Je n'ai plus les moyens d'aller voir mes enfants à Lyon le week-end et je n'ai pas pu les emmener en vacances."
"J'ai même eu peur pour ma sécurité et celle de ma compagne quand mon nom et mon adresse ont été publiés par le ministère car l'islamophobie est forte", confie cet homme qui dit ne jurer que par une école de la République qui lui aurait "tout donné".
"Je passe mon temps à soigner et réconforter des patients", soupire M. Lahmar. "Si je suis un terroriste, qu'est-ce que je fais en liberté ?"
Me Missamou, qui défend quatre autres personnes visées par l'arrêté du 24 avril, a déposé un recours en annulation qui ne sera pas examiné avant la fin de l'été.
Dans un mémoire au tribunal administratif, Bercy a affirmé disposer "d'éléments permettant d'établir les faits imputés aux requérants de commettre ou tenter de commettre des actes terroristes", sans autre précision. Pour l'heure le ministère ne répond pas aux questions des journalistes.