Les députés ont adopté, ce mardi 8 décembre, le projet de loi pour autoriser, et parfois rendre obligatoire, la transmission d'informations entre la Justice et l'administration employant des personnes soupçonnées de pédophilie. Erwann Binet, député PS de Vienne, a été le rapporteur du texte.
Ce projet de loi fait notamment suite à l'affaire de Villefontaine (Isère), où un instituteur a été mis en examen pour le viol de onze enfants et est soupçonné de plusieurs dizaines d'agressions. Il avait été condamné en 2008 à de la prison avec sursis pour avoir téléchargé des images pornographiques, mais cette condamnation n'avait pas été communiquée à l'Éducation nationale, qui avait donc continué à l'employer.
Les ministres Christiane Taubira et Najat Vallaud-Belkacem avaient réagi en envoyant sur place une inspection commune qui avait révélé le manque de communication entre la Justice et l'Education nationale. Des mesures ont été prises depuis, comme l'installation d'un référent justice dans chaque académie et d'un référent éducation dans tous les parquets.
Il y avait une faille terrible dans notre droit"
"Mais il y avait une faille terrible dans notre droit qui mettait en danger les enfants. Nous y remédions par ce texte où nous avons réussi à concilier deux exigences difficilement conciliables: la meilleure protection possible pour les mineurs et le respect de la présomption d'innocence", a estimé la ministre de la Justice devant les députés.
Ces dispositions, qui doivent encore être votées au Sénat, avaient déjà été adoptées en juin, avant d'être annulées par le Conseil constitutionnel pour un vice de forme.
"Notre détermination à vous présenter rapidement un nouveau texte tenait à notre volonté commune d'en finir avec une situation insécurisante pour les magistrats, inconfortable pour les administrations et incompréhensible pour les familles", a déclaré Mme Vallaud-Belkacem.
Les obligations
Le texte donne obligation au procureur de la République d'informer l'administration des condamnations (même non définitives) et de certaines mesures de contrôle judiciaire prononcées à l'encontre des "personnes exerçant une activité les mettant en contact habituel avec les mineurs", notamment pour des infractions sexuelles ou commises contre les mineurs. Ces infractions incluent aussi l'exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel ou la cession de stupéfiants à un mineur.Les personnes concernées sont principalement celles exerçant "des activités, professionnelles ou bénévoles, dans des établissements d'enseignement, dans des lieux accueillant des mineurs et dans le cadre d'activités physiques, sportives ou socio-culturelles concernant des mineurs", selon le rapporteur Erwann Binet (PS).
Présomption d'innocence
Le ministère public pourra également, s'il le souhaite, diffuser des informations dès une garde à vue ou une audition libre "dès lors que les mises en cause résulteront d'indices graves et concordants". Par ailleurs, pour toutes les autres infractions, et s'agissant de personnes exerçant des activités soumises à un contrôle par l'administration, le procureur de la République pourra informer l'administration ou les organismes de tutelle des mises en examen ou poursuites engagées.Pour respecter la présomption d'innocence, les transmissions d'informations avant une condamnation devront être soumises à l'appréciation de l'autorité judiciaire, se faire via un support écrit et être confidentielles. Les personnes concernées seront informées de cette transmission, les infractions pouvant y donner lieu seront limitées, l'autorité destinataire sera informée de l'issue de la procédure et l'information sera effacée si la procédure se termine par une décision de non-culpabilité.
Interdiction d'exercer une profession en contact avec des mineurs
Un autre article du texte reprend une proposition de loi du député LR Claude de Ganay pour rendre automatique l'interdiction d'exercer une profession en contact avec des mineurs pour des personnes définitivement condamnées pour faits de pédophilie ou de détention d'images pédopornographiques. M. de Ganay s'est réjoui que le gouvernement reprenne une proposition de l'opposition car "l'école est un sanctuaire où la violence des hommes n'a pas sa place".Comme la nouvelle loi ne pourra pas s'appliquer aux procédures en cours, le gouvernement a pris un décret ce mardi pour "permettre aux administrations de consulter le bulletin numéro deux de casier judiciaire en cours de carrière" et pas seulement lors du recrutement, a annoncé Mme Taubira.