Lundi 23 mars, le Conseil d'Etat a rejeté le référé-liberté déposé par plusieurs syndicats qui appelaient entre autres au confinement total pour endiguer la propagation du coronavirus. Des internes de Chambéry et de Grenoble nous exposent les arguments de cette requête.
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L’Intersyndicale Nationale des internes (INSI),
le syndicat des Jeunes médecins et
l’ordre des médecins ont déposé vendredi 20 mars un
référé-liberté pour demander un durcissement des mesures de confinement afin d'enrayer la propagation du coronavirus. Les soignants requéraient entre autres la mise en place d'un "confinement total".
Dimanche 22 mars, cette demande a été rejetée par le Conseil d'Etat qui a tiré argument de la santé mentale des citoyens. Diane Meillier, interne en gériatrie et présidente de
l’Association des Internes en Médecine de Grenoble (AIMG) et Baptsite Caylar, interne actuellement en infectiologie au Centre hospitalier de Chambéry et responsable syndical de la subdivision grenobloise (référent local pour l'ISNI) nous exposent les raisons qui poussent, en cette période, les soignants à appeler au confinement total. Leurs réponses concerneront les hôpitaux de
Grenoble,
Chambéry et
Annecy.
Pourquoi appelez-vous à un confinement total ?
D.M. Le gouvernement a autorisé la population à sortir de chez elle pour faire des balades ou pratiquer des activités physiques. Mais les gens ne comprennent pas pourquoi, s'ils sont tout seul, ils ne peuvent pas aller courir autour du lac. En fait, ils vont sûrement croiser quelqu'un, la distance d'un mètre ne sera pas forcément respectée et ils vont peut-être s'arrêter pour discuter. Si eux le font une fois, effectivement, ce n'est pas forcément dramatique mais si tout le monde a le même raisonnement, ça multiplie les risques de contamination et ce n'est pas acceptable. Et puis les soignants sont déjà suffisamment exposés à l'hôpital. On ne veut pas qu'il y ait des facteurs de risque en plus quand on sort du travail. À Grenoble, on a des cas confirmés chez nos internes. Plusieurs d'entre eux sont en ce moment confinés à domicile.
Quel impact pourrait avoir la mise en place d'un confinement total sur la progression du virus ?
D.M. Ça a été prouvé en Chine et en Italie : quand le confinement total est appliqué, ça permet d'aplatir la courbe des contaminations et c'est ça qui permet de pouvoir gérer la crise. On n'arrivera pas à limiter le nombre de cas mais le but est d'étaler le nombre de cas graves dans le temps pour ne pas saturer les services de réanimation pour qu'il y ait toujours des lits disponibles et qu'il n'y ait pas de pic d'un coup. Sinon on s'expose à une saturation des lits de réanimation et un épuisement des professionnels de santé. Là, ils sont déjà en risque d'épuisement et le danger, c'est que la prise en charge soit dégradée.
Comment évolue la situation ?
B.C. À Chambéry, la situation a changé très récemment. Depuis jeudi [19 mars], on a plus de patients atteints de Covid dans nos services et on a de plus en plus de cas graves. La différence, c'est qu'avant, on n'avait pas besoin d'oxygène et maintenant on en a assez souvent besoin. Pour certains patients, on ignore comment ils ont été contaminés et ça commence à être un peu inquiétant même s'il faut rappeler que sur tous les tests qu'on fait par jour [une soixantaine, NDLR], il n’y en a environ que cinq qui sont positifs.
Y'a-t-il toujours assez de place pour accueillir les cas graves ?
D.M. On a encore des lits. Il y a encore la possibilité d'ouvrir des unités de réanimation mais il ne faut pas oublier qu'il y a aussi d'autres patients qui ne sont pas atteints du coronavirus mais qui doivent être intubés et qui ont besoin de respirateurs artificiels. On ne peut pas les mettre de côté sous prétexte qu'ils n'ont pas le Covid 19. Il y a encore des AVC, des infarctus, etc.
Comment s’organisent les hôpitaux de la région pour être en mesure d’accueillir tous les patients ?
D.M. On déménage des services dans d'autres antennes pour libérer des lits et mettre en place des unités Covid. Les soignants (internes, médecins, infirmières) qui sont déployés dans ces unités viennent d'autres services dont l'activité a été réduite grâce, notamment, à l'annulation des consultations non urgentes. Il n’y pas encore de réquisitions d’internes. Le but, c’est de les préserver pour la suite. S’il y a un autre pic plus tard, il faut qu’ils puissent être valides et solides. Mais il y a une grosse volonté d’aider, notamment de la part des internes qui sont en ambulatoire. Comme leur activité est largement diminuée en ce moment, il y en a beaucoup qui se portent volontaires pour faire tourner les unités Covid. Il y a aussi un gros travail du PGHM dans l'arc alpin pour éviter les sorties en montagne. Certes, quelqu'un qui fait du ski de randonnée tout seul ne va pas forcément contaminer quelqu'un mais s'il a besoin d'être secouru, il va mobiliser un bloc, du personnel soignant et du matériel qui pourrait être utilisé pour autre chose. Alors que, s'il était resté chez lui, il n'y aurait pas eu de problème.