Un syndicat de guide de haute montagne porte plainte pour "mise en danger de la vie d’autrui" contre les organisateurs de chasses commerciales dans une partie de la réserve des Hauts de Chartreuse. Cette zone naturelle fait l'objet de vives tensions entre le propriétaire des lieux, randonneurs et chasseurs depuis cet été.
"Ce n’est pas parce qu’on est chez soi, qu’on peut faire n’importe quoi". Yannick Vallençant, est président du syndicat interprofessionnel de la montagne SIM-CFDT. Il a récemment déposé plainte à l’encontre des organisateurs et encadrants de chasses commerciales sur le domaine de Marcieu, situé dans la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse.
Ces 750 hectares de terre font l’objet de vives tensions entre randonneurs et chasseurs, exacerbées depuis cet été par l’installation de panneaux rouges "Propriété privée – Défense d’entrer". Le propriétaire du domaine, le marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot loue depuis plusieurs années ses terres à des chasseurs, tout en restreignant de plus en plus l’accès aux randonneurs. Une situation qui indigne les amoureux de la nature, désireux d’approcher certaines merveilles naturelles comme la tour Percée. Une pétition demandant la liberté d’accès à tous à la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse a déjà récolté plus de 28 000 signatures.
De faux guides de haute montagne ?
Jusqu’ici rien d’illégal. Seulement, selon Yannick Vallençant, les chasses tarifées (jusqu’à 10 000 € le chamois de Chartreuse) organisées sur ces terres, sont encadrées par ce qu’on appelle des "guides marrons" dans le jargon montagnard, c’est-à-dire de faux guides de haute montagne.
"J’ai été alerté par des adhérents sur les interdictions qui seraient faites de circuler sur la réserve naturelle et sur les conditions dans lesquelles ces chasses pouvaient se passer", explique le président du SIM-CFDT. "J’ai commencé à m’intéresser à l’affaire et on m’a transmis des vidéos et des liens vers des sites internet commercialisant ou rendant compte de chasses commerciales organisées sur le fameux domaine du marquis", poursuit-il.
Ils ne sont pas guides de haute montagne, au mieux, ils sont moniteurs de ski.
Yannick Vallençant, président du SIM-CFDT
C’est en visionnant la vidéo ci-dessous, que Yannick Vallençant découvre que les encadrants et accompagnants de ces chasses commerciales, ne sont pas officiellement guides de haute montagne. Or, en France, pour encadrer et accompagner des personnes en montagne, moyennant rémunération, il est obligatoire de détenir le diplôme de guide de haute montagne, attestant d’une grande expérience sur le terrain : "J’ai regardé attentivement certaines vidéos et j’ai découvert les conditions dans lesquelles s’exerçaient ces chasses. On y voit des franchissements de falaises, à la montée et la descente, de l’escalade avec en hiver de fortes couches de neige, donc avec un risque d’avalanche. J’étais étonné de voir les techniques de ces prétendus guides, qui ne sont pas conformes aux règles qu’on utilise en tant que guide de haute montagne", assure Yannick Vallençant.
Mise en danger de la vie d’autrui
C’est pourquoi le syndicat SIM-CFDT a porté plainte pour le motif d’exercice illégal d’une activité réglementée, mais également pour mise en danger de la vie d’autrui, s’appuyant sur l’article 223-1 du Code pénal. "Quand on voit la difficulté du terrain et les techniques utilisées par les encadrants, ce n’est pas conforme par les règles de sécurité du métier de guide", assure le président du syndicat.
Yannick Vallençant questionne aussi la conformité de ces chasses tarifées, avec l’article 16 du règlement de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, prévoyant la location des droits de chasse, mais prohibant de façon générale les activités commerciales et industrielles.
Le marquis, propriétaire des terres n’est en revanche pas concerné par cette plainte : "À ce stade, la plainte n’est pas contre le marquis, car pour moi la convention passée entre le marquis et la société de chasse est parfaitement légale. Ce qui n’est pas légal, c'est l’organisation de chasses commerciales, de surcroit par des gens qui n’ont pas le diplôme et qui mettent les gens en danger".
Pourquoi maintenant ?
Le président du syndicat ne s’en cache pas, cette plainte est directement liée aux vives tensions qui existent depuis cet été : "Quand on identifie des gens qui effectuent une concurrence déloyale, on se doit d’agir. Mais c'est aussi lié à la levée de bouclier générale. Avant, il y avait une cohabitation entre différentes activités, ce qui n’incitait pas à aller enquêter sur ce que faisaient les autres".
Qu’on ait un titre de noblesse ou de l’argent, ou qu’on ait un fusil, on est tenu de respecter les lois comme n’importe quel citoyen et là en l’occurrence les lois sont enfreintes.
Yannick Vallençant, président du SIM-CFDT
Yannick Vallençant l’assure, sa plainte n’a pas pour objectif de mettre un énième coup de pied dans la fourmilière. Il souhaite plutôt que la situation conflictuelle en Chartreuse se résolve au plus vite : "Il faudrait dépassionner un peu ce débat, sortir de ce conflit et retrouver une manière de cohabiter en pleine intelligence".