"Ce n’est pas la République libre de Chartreuse" : une partie de la réserve naturelle interdite aux randonneurs ?

Une partie de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse risque de devenir interdite aux randonneurs. Des panneaux signalant l'interdiction d'accès ont été apposés par le propriétaire privé, soulevant une polémique chez les pratiquants de la montagne.

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Une double arche de 30 m, miracle géologique dominant le massif de la Chartreuse. La tour Percée — ou tour Isabelle, comme l'a nommée le propriétaire des terres — est désormais inaccessible aux randonneurs, tout comme certaines merveilles naturelles situées sur un domaine privé dont le propriétaire entend réguler l'accès.

"Depuis août 2023, il nous serait impossible de nous rendre sur ce territoire", regrette Clément Bonnet. Randonneur et trailer, il arpente le massif de la Chartreuse depuis l'enfance. Une partie de ce parc, pourtant situé au cœur de la réserve naturelle des Hauts de Chartreuse, est désormais encerclée de panneaux rouges "propriété privée — défense d'entrer" (voir la zone sur le site altituderando).

L'apparition de ces insignes au cours de l'été a soulevé une vague d'indignation, d'autant qu'une partie de ces terres sont louées depuis des années à des chasseurs autorisés à tirer le chamois ou le tétras lyre. "On assiste à de plus en plus de confrontations" entre chasseurs et randonneurs, assure Clément Bonnet. "Et tous les équipements de sécurité qui nous permettaient d'accéder à des endroits plus exigus ont été enlevés." Certaines voies d'escalade, situées en dehors des sentiers balisés, ont été déséquipées.

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Une partie de la réserve des Hauts de Chartreuse bientôt interdite aux randonneurs ? ©France Télévisions

Une décision assumée par le marquis Bruno de Quinsonas-Oudinot, propriétaire de ces 750 hectares de terres. Dans un entretien accordé au Dauphiné Libéré, il dit vouloir lutter contre la surfréquentation et fustige les "hordes déferlantes de curieux irrespectueux sans foi ni loi" venant arpenter son domaine à la recherche, notamment, de la tour Percée. Et d'affirmer que ses terres resteront accessibles aux chasseurs, "gardiens de l’équilibre sylvocynégétique".

Une loi qui sème le trouble

Mais que dit la législation sur la liberté de circulation dans les espaces naturels ? Si ce principe est inscrit dans le code de l’environnement, la loi "visant à limiter l'engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée" adoptée le 2 février 2023 vient fixer de nouvelles limites.

Le texte a pour objectif de limiter "l'implantation de clôtures dans le milieu naturel" pour ne pas entraver la circulation des animaux sauvages. Mais en limitant les frontières physiques, cette nouvelle loi renforce dans le même temps le droit de propriété, même signalé par un simple panneau.

Dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d'autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4e classe.

Journal Officiel

Cette restriction d'accès, même légale, d'une partie de la seconde plus grande réserve naturelle de l'Isère suscite la colère des pratiquants de la montagne. Une pétition qui récolte plus de 12 000 signatures a été lancée pour demander à l'État la "liberté d'accès" à ce territoire.

"Les propriétaires privés ont la légitimité chez eux. (...) Ils ont des droits sur leurs terres. Ce n'est pas la République libre de Chartreuse. On n'édicte pas des lois comme ça, on respecte celles de la France", tranche le président du parc naturel régional de la Chartreuse, Dominique Escaron, qui tient toutefois à rassurer les randonneurs.

"Les randonneurs ne doivent pas s'inquiéter"

"La réserve autorise un certain nombre d'accès principaux : la grande traversée de Marcieu, la montée de l'Aulp du Seuil… Ce sont des secteurs sur lesquels le passage des randonneurs est autorisé par l'arrêté qui crée la réserve naturelle, c'est écrit comme ça. Donc les randonneurs ne doivent pas s'inquiéter, ils peuvent traverser, accéder à cette réserve" par les sentiers balisés, fait-il savoir.

Pour autant, la modification de l'itinéraire du GR9, partant du Jura pour aller jusqu’à la Méditerranée, en passant par la Chartreuse, questionne également les randonneurs. Le sentier balisé ne passera plus par la réserve naturelle, mais dans "des secteurs plus urbanisés avec hébergements et commerces" à compter de mars 2024 afin de privilégier "des étapes moins longues et moins techniques".

"Aucun itinéraire n'a été supprimé, il y a simplement des appellations et des parcours qui ont été modifiés", assure Dominique Escaron selon qui cette modification est "indépendante" de la polémique autour des restrictions d'accès à la réserve naturelle. Un autre sentier, le GR de Pays Tour de Chartreuse, conservera bien son tracé passant par la réserve, indique la Fédération française de randonnée.

Reste l'incompréhension d'une partie du milieu de la montagne sur l'autorisation de la chasse et la limitation d'accès pour les randonneurs. "Si l'on demande aux randonneurs de ne pas sortir des sentiers 'autorisés' pour ne pas déranger la faune, il faudrait aussi le demander aux chasseurs qui, pour ne pas déranger les animaux, devraient logiquement leur tirer dessus seulement depuis ces sentiers autorisés", écrit Pascal Sombardier, alpiniste et auteur de livres de randonnée, sur son blog.

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