Affaire d'Outreau. "La justice peut faire beaucoup de dégâts" : 18 ans après, André Vallini revient sur une commission d'enquête parlementaire inédite

C’est un fiasco judiciaire aux conséquences dramatiques qui donna lieu à la mise en place d’une commission parlementaire inédite présidée par André Vallini. Aujourd’hui conseiller départemental de l’Isère, il revient sur l’affaire d’Outreau dans "Dimanche en Politique", une émission diffusée le 28 avril 2024 à 11h10 sur France 3 Alpes.

Quatre années de procédure, deux procès et l’acquittement de treize personnes, certaines innocentées après avoir fait jusqu’à trois ans de détention préventive. Plus de vingt ans après les faits, l’affaire d’Outreau est encore qualifiée de "fiasco judiciaire", ayant conduit à la création d’une commission d’enquête parlementaire inédite, en janvier 2006. André Vallini a présidé cette commission. Cet ancien ministre, sénateur et député aujourd’hui conseiller départemental de l’Isère, revient sur cette affaire.

Un véritable fiasco judiciaire

Tout commence le 5 décembre 2000 lorsque les enfants de Myriam Badaoui et Thierry Delay les accusent de les avoir abusés sexuellement. Au total, 14 adultes furent incarcérés, accusés d’actes de pédophilie et d’inceste. L’un d’entre eux est décédé en prison en 2002 et les 13 autres seront acquittés ; certains en première instance par la cour d’Assises de Saint-Omer et d’autres par la cour d’appel de Paris après quatre ans de procédure. Douze enfants seront reconnus victimes d’agressions sexuelles et quatre personnes reconnues coupables (deux couples, Myriam Badaoui et Thierry Delay ainsi qu’Aurélie Grenon et David Delplanque).

L’ancien chef de l’Etat de l’époque, Jacques Chirac, présentera même des excuses aux treize acquittés en 2005. Puis, une commission d’enquête parlementaire naîtra, présidée par l’Isérois André Vallini, à l’époque secrétaire du Parti Socialiste chargé de la Justice. "Je voulais absolument faire partie de cette commission d’enquête (…) car je pensais qu’à partir de cette affaire, on pouvait impulser des réformes de la Justice".

Cette commission était composée de 28 députés (18 de l’UMP, 8 du PS et 1 du PCF) et dont la moitié des membres était issue du monde de la Justice.

"Le principe sacro-saint de la présomption d’innocence"

"Cela a sans doute été le fait le plus marquant de ma carrière politique" affirme l’actuel conseiller départemental de l’Isère, "ce que je retiens, c’est que cela a donné une très bonne image, pour une fois, de la politique, des politiciens et parlementaires. Cela a montré à la France entière que la justice pouvait, non pas se tromper car à la fin les innocents ont été reconnus innocents, mais qu’elle pouvait faire beaucoup de dégâts dans beaucoup de vies".

Cela a surtout montré qu’il y a un principe sacro-saint en démocratie, c’est le principe de la présomption d’innocence.

André Vallini, ancien co-rapporteur de la Commission d'enquête parlementaire

"Tout ce qui peut porter atteinte à cette présomption d’innocence doit être écarté aussi souvent que nécessaire, ce qui n’a pas été le cas dans l’affaire d’Outreau" poursuit l’avocat de métier.

"La démocratie a besoin de transparence"

André Vallini explique avoir réussi à convaincre ses confrères de siéger "sous l’œil des caméras et devant les Français, à l’image des commissions d’enquête américaines". "La démocratie a besoin de transparence et quand il s’agit d’affaires de Justice qui brisent des vies de Français ordinaires, Il était important que les citoyens puissent voir les dégâts que pouvaient commettre la Justice quand on bafoue la présomption d’innocence" explique l’ancien président de la Commission dont l’un des moments marquants fut l’audition du juge d’instruction Fabrice Burgaud - retransmis en 2006 en direct à la télévision "devant 7 millions de téléspectateurs", accusé d’avoir mené une instruction à charge.

"Depuis l’enquête policière jusqu’aux acquittements, tout le monde a mal travaillé dans cette affaire. Il y a eu une série d’erreurs de fonctionnement, d’erreurs d’appréciation, et pas seulement du fameux juge Burgaud mais de toute la chaîne pénale" nuance André Vallini.

Le 18 janvier 2006, "le moment le plus fort du travail de la Commission d’enquête"

Le 18 janvier 2006, pendant dix heures, la Commission d’enquête parlementaire écoute les 13 acquittés d’Outreau. "C’est sans doute le moment le plus fort du travail de la Commission d’enquête" confirme André Vallini, "de 9 heures à 19 heures, nous avons assisté à quelque chose de très fort. Ils sont venus dire l’enfer judiciaire, l’enfer carcéral qu’ils avaient vécu en détention provisoire".

Puis le 7 juin 2006, la Commission d’enquête parlementaire remet son rapport devant les caméras. En février 2007, le Garde des Seaux de l’époque, Pascal Clément, présente une réforme de la Justice visant à éviter un nouvel Outreau : seules 8 des 60 propositions de la Commission d’enquête parlementaire sont finalement retenues.

Pour découvrir l’entretien d’André Vallini dans son intégralité, réalisé par Aurélie Massait et Jordan Guéant, rendez-vous dans "Dimanche en Politique", une émission exceptionnelle diffusée sur France 3 Alpes le 28 avril 2024 à partir de 11h10.

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