Affaire Luc Meunier : "Nous avons tous les jours des pressions pour faire sortir des gens", explique le Dr Pierre Murry

Le Dr Gujadhur a été condamné à 18 mois de prison avec sursis mardi 22 octobre dans l’affaire de l’assassinat de Luc Meunier. Le Dr Pierre Murry, qui présidait la Commission Médicale de l'Etablissement au moment du drame nous explique les conséquences de cette peine sur la profession.
 

Alors que la Cour de cassation a rejeté mardi le pourvoi formé par le Dr Gujadhur, condamné pour homicide involontaire à 18 mois de prison avec sursis dans l'affaire Meunier, les syndicats de psychiatres ont exprimé ce mercredi 23 octobre leur vive inquiétude. "Si cette décision devient une jurisprudence, on replonge au Moyen-âge", a résumé pour l'AFP Norbert Skurnik, de l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP). 

 La recherche d'un coupable absolument nous inquiète fortement,
Marc Bétrémieux, du Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH).
    

Rappel des faits

Le 12 novembre 2008, Luc Meunier, un étudiant de 26 ans, est mort poignardé par un patient schizophrène sorti de l’hôpital psychiatrique de Saint-Egrève près de Grenoble. 11 années après, le mardi 22 octobre 2019, la cour de cassation confirme la condamnation de son psychiatre, le Dr Gujadhur,  à 18 mois de prison avec sursis. Une décision qui, pour Hervé Gerbi, l'avocat de la famille Meunier, est "appelée à faire incontestablement jurisprudence". Pierre Murry, psychiatre depuis une trentaine d'années, chef de Pôle à l'hôpital psychiatrique de Saint-Egrève (aujourd'hui appelé Centre Hospitalier (CH) Alpes Isère) de 1994 à 2017, présidait la Commission Médicale de l'Etablissement (CME) en 2008 au moment de l'assassinat du jeune homme. Il nous explique les conséquences de cette décision sur le secteur de la psychiatrie.
  

Quelles sont les conséquences de ce jugement sur la pratique psychiatrique ?

PM : Ça va totalement changer la pratique des médecins et des jeunes médecins car la responsabilité donnée au médecin est énorme.

Que pensez-vous du fait que la responsabilité puisse être remise sur le médecin ?

PM : Le médecin peut faire des erreurs et c’est normal qu’il soit responsabilisé et éventuellement condamné. Mais il faut voir aussi dans quelles conditions il travaille. Ce qu’il faut prendre en compte, c’est la responsabilité collective.

Quelles sont les conditions sine qua non d'une bonne prise en charge ?

PM : Nous, notre « bloc opératoire », ce sont les lits. C'est à dire l’hospitalisation, le travail en équipe et le suivi. Si on n’a pas ces moyens là avec la possibilité d’hospitaliser au moindre problème et de garder suffisamment les patients, nous sommes en danger, tout comme le patient et son entourage. Il y a un risque très important.

Quelle est la problématique concernant ces hospitalisations ? 

PM : Nous avons tous les jours des pressions pour faire sortir des gens. Nous avons parfois un dilemme le week-end : "quel est le malade le moins dangereux" ? Il y a celui qui est arrivé et qui attend aux urgences, celui qui est chez lui, etc. Et puis il y a celui qui est hospitalisé et qui est un peu amélioré. On est donc contraint de le faire sortir bien avant la date souhaitée.

Qu’est-ce que cette responsabilisation du médecin a comme conséquences sur la profession ?

PM : Beaucoup d’hôpitaux ont maintenant 25 à 50% de postes vacants puisque les médecins, surtout les jeunes médecins, ne veulent plus de cette responsabilité. Ils ont peur d’être traînés en justice. Nous avons des incidents assez fréquents. Nous pouvons avoir des actions en justice à la fois pour avoir fait sortir un malade trop tôt et également pour avoir interné ou hospitalisé des patients alors qu’ils n’étaient pas d’accord.
 

 
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