Il y a trente ans, le 5 octobre 1994, 23 corps étaient découverts dans une ferme à Cheiry, en Suisse. S'ensuivent d'autres macabres découvertes au sud de la Suisse et au Canada. Les enquêteurs constatent alors qu'il s'agit de membres de la secte de l'Ordre du Temple Solaire.
Le 5 octobre 1994, 23 corps, ceux de dix hommes, douze femmes et un enfant de 10 ans, sont découverts dans une ferme à Cheiry, à une trentaine de kilomètres du village de Fribourg, en Suisse romande. C’est alors la chute d’une des plus grandes sectes de l’époque. Les victimes sont des membres de l'Ordre du Temple Solaire et parmi elles figurent deux personnes, considérées comme étant les "gourous" de la secte.
53 morts en un an
Dans la nuit du 4 au 5 octobre 1994, aux alentours de minuit, les pompiers sont alertés pour un violent incendie au sein de la ferme La Rochette, située à Cheiry. "Ils trouvent sur place, dans une chambre, le propriétaire de la ferme, un homme de 70 ans. Il est allongé au sol, la tête prise dans un sac plastique fermé par un cordon. L’homme est mort", raconte un journaliste présent sur place à l'époque, Antoine Cormery.
Le lendemain matin, les inspecteurs de police suspectent la présence d’autres personnes au sein de la ferme. Ils inspectent le sous-sol, épargné par les flammes. C’est là qu’ils découvrent une ouverture secrète.
"Tout à coup, un des policiers a poussé la porte sur une paroi et il y avait un couloir et un contour. C’est là que l’on a trouvé 22 personnes étendues en forme de rang dans la pièce qui semblait être l’église", confiait au lendemain du drame Serge Thierin, pompier à Cheiry, devant les caméras de France Télévisions.
La majorité des personnes retrouvées étaient vêtues de capes de couleur, le corps criblé de balles et la tête recouverte d'un sac plastique. Très vite, les enquêteurs s’orientent vers la thèse d’une secte, et notamment l’Ordre du Temple Solaire (OTS).
Dans le même temps, 25 cadavres sont découverts dans un chalet en feu à Salvan, près de Martigny, à 200 kilomètres de Cheiry. Dans les deux cas, la majorité des victimes portent des capes ou des robes symboliques et ont absorbé une substance, le flunitrazepam, produit hypnotique puissant susceptible de provoquer le sommeil ou un évanouissement.
Cinq jours plus tôt, le 30 septembre, cinq corps avaient également été découverts dans un chalet calciné de Morin-Heights, au Québec.
Suicide collectif
Les enquêteurs établissent que les deux incendies à la ferme de Cheiry et dans le chalet de Salvan ont été déclenchés par des systèmes d'allumage. Certains de ces dispositifs n'ont pas fonctionné, ce qui a permis à la police de mettre la main sur un grand nombre de documents, de livres et de cassettes vidéo de l'Ordre du Temple Solaire, une secte apocalyptique dont les membres semblent s'être volontairement donné la mort pour atteindre une autre dimension.
Grâce à ces éléments, le fonctionnement de la communauté ainsi que plusieurs de ses membres ont pu être identifiés. Ces documents révèlent que les deux responsables de la secte, Jo di Mambro et Luc Jouret, figurent parmi les victimes de l’incendie du chalet de Salvan.
Un an plus tard, le massacre du Vercors
Le 15 décembre 1995, plusieurs membres de la secte du Temple Solaire sont signalés disparus. Une semaine plus tard, dans une forêt à Saint-Pierre-de-Chérennes, la gendarmerie découvre, au milieu d'une clairière, 16 corps carbonisés, dont ceux de trois enfants. La plupart des corps étaient disposés en étoile dans une mise en scène macabre.
L'histoire se répétera une dernière fois en 1997, au Canada, avec la mort de cinq adeptes.
L'affaire devant la justice
L’enquête aura duré cinq ans, aboutissant au procès de Michel Tabachnik en 2001 à Grenoble, membre de l’Ordre du Temple Solaire et suspecté d'avoir été le "chef d’orchestre" de la secte en franco-suisse. En 2001, comme lors du procès en appel en 2006, l'homme est relaxé par la justice au bénéfice du doute.
Les massacres de l'Ordre du Temple Solaire marquent un tournant décisif dans la lutte contre les dérives sectaires en France. Jusque-là perçus comme des "doux rêveurs", les adeptes des sectes ont montré leur dangerosité. En 2002, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les sectes (Miviludes) est créée pour encadrer et prévenir de telles dérives.