Des écoles de Grenoble, de plus en plus nombreuses, sont occupées par des familles précaires, souvent issues de l'immigration. Le maire, Eric Piolle, a proposé de réquisitionner les logements vacants en pleine vague de froid. L'opposition assure que des propriétés de la ville peuvent être des alternatives.
C’est une action solidaire organisée à Grenoble. Mercredi 24 janvier, parents d’élèves et bénévoles se sont rassemblés devant l’école Malherbe. Objectif : faire une récolte de dons pour soutenir trois mères et leurs enfants hébergés dans l’établissement.
Elles viennent d’Angola, du Congo et du Cameroun. "Je suis arrivée, je ne connaissais personne ici, en France. Au départ, je dormais dans la rue", explique l’une d’elles. "On m’a fait comprendre qu’ils n’avaient pas de logement, on m’a juste donné un papier pour aller là où on peut manger".
Le 115 est le numéro qu’il faut appeler pour espérer trouver un hébergement d’urgence. Une mère de famille explique pourtant "avoir déjà appelé. Jamais on ne m’a proposé une place, on me dit à chaque fois : 'Bon courage madame'". L’école Malherbe est l’une des sept écoles de Grenoble où des familles sans abri sont hébergées.
La réquisition des logements vacants comme solution ?
Devant l’école Malherbe, des représentants de la Cimade (association d'aide aux migrants et demandeurs d'asile), de RESF (Réseau éducation sans frontière), de la FCPE et des parents d'élèves. Parmi eux également : l'association Droit au logement (DAL). Ces bénévoles proposent notamment la réquisition des logements vacants à Grenoble pour aider ces familles.
En pleine crise du logement, le constat est édifiant. Selon l’Insee, le nombre de logements vacants a augmenté de 60 % en trente ans. Le maire assure que la mise à disposition des écoles reste le gros problème dans la métropole, et "évidemment, un établissement scolaire n’est pas fait pour héberger des familles, mais en attente de solutions, on soutient ces mobilisations".
L’édile souhaite maintenant engager "un dialogue avec les propriétaires des logements vacants et là où il n’y a pas de bonne volonté, il faut pouvoir réquisitionner en échange, bien sûr, d’un loyer. L’idée n’est pas de faire une spoliation".
Expérimenter la réquisition, c'était déjà l'idée du conseil municipal. Le 27 juin 2022, les élus avaient voté en faveur de cette mesure, mais le projet est difficile à mettre en place au niveau juridique, étant donné le faible champ d'action de la municipalité face à la préfecture.
Une municipalité "démagogique" pour l'opposition
Selon la mairie, 250 enfants dormiraient encore à la rue ou dans un habitat de fortune et quelque 7 000 personnes demandent un logement social. "Les écoles occupées, la ghettoïsation des quartiers... C'est le résultat du bilan du maire", affirme Alain Carignon, conseiller municipal, membre du Groupe d'opposition (DVD).
"Il embête les propriétaires alors que la ville elle-même pourrait trouver des solutions temporaires qui pourraient servir aux familles réfugiées dans les écoles", estime-t-il. Selon l’ancien maire de Grenoble, des centaines de logements appartenant à la collectivité seraient vides.
Une estimation totalement fausse d'après Céline Deslattes, conseillère municipale déléguée à la grande précarité. "S'il écoutait les conseils municipaux, il saurait que nous proposons 241 places à différentes familles. Nous allons créer 100 places. La collectivité a des logements et nous en faisons profiter, c'est totalement faux", assure-t-elle.
"Le problème des écoles occupées ou pas résulte de sa politique. Il a toujours eu une démarche irresponsable et démagogique. Ce n'est plus tenable. Il appelle à traverser la frontière alors qu’il sait bien que nous n’avons pas une capacité d’accueil suffisante", ajoute Alain Carignon.
Je suis très fière d’être un territoire d’accueil.
Céline Deslattes, conseillère municipale déléguée à la grande précarité
Céline Deslattes renchérit : "C’est horrible de dire cela. Nous sommes dans le pays des droits de l’homme. Je suis très fière d’être un territoire d’accueil, même si nous devons trouver des solutions, comme pour les écoles occupées. Ce sont des personnes avec un parcours de vie chaotique et nous pouvons faire plus pour proposer des lieux adéquats."
Une proposition de loi a été déposée par le sénateur communiste Ian Brossat en vue d'élargir la marge de manœuvre des élus locaux. De quoi, peut-être, rassurer familles et militants associatifs qui luttent contre le mal-logement à Grenoble.