"Ça déménage", une association aide les femmes victimes de violences conjugales à partir de chez elles

En Isère, l'association "Ça déménage" intervient pour aider les femmes victimes de violences à récupérer leurs affaires au domicile conjugal. Les bénévoles fournissent également du mobilier pour permettre à ces personnes de démarrer une nouvelle vie.

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Ils interviennent au moment critique du départ, lorsque les femmes victimes de violences décident de quitter leur conjoint. Bien souvent, celles-ci se sauvent, les enfants sous le bras, dans la peur et le plus grand dénuement. Elles laissent derrière elles de mauvais souvenirs mais aussi des affaires, des papiers, des meubles.

Elles n'emportent, au mieux, que quelques sacs remplis à la hâte. Les travailleurs sociaux leur trouvent des hébergements d'urgence, meublés, pour qu'elles puissent se mettre à l'abri et se reconstruire.

Mais lorsque les mois passent et qu'elles doivent emménager dans un logement social, "elles n'ont rien". "Ce sont souvent des femmes qui ont des emplois très précaires, elles gagnent très peu d'argent et n'ont aucun moyen de mettre de l'argent de côté pour meubler un logement. Souvent, elles ont leurs enfants avec elles", confie Agnès Copin.

Déménagements d'urgence

Cette ancienne conseillère conjugale et familiale, aujourd'hui à la retraite, a co-fondé fin 2020 une association en Isère baptisée "Ça déménage", pour aider les femmes victimes de violences à partir, pour faciliter leur transition vers un avenir plus apaisé.  

"Souvent, ce n'est pas facile", poursuit Agnès Copin. "On dit qu'une femme, avant de quitter son mari violent, elle va faire 7 allers-retours en moyenne". Sept tentatives de fuite, sept départs avortés "parce que financièrement c'est difficile, parce que souvent elles sont sous emprise, parfois elles n'ont pas de compte bancaire, c'est très très compliqué".

Ça peut être beaucoup ou pas grand-chose mais on les aide à aller chercher au domicile ce dont elles ont besoin pour continuer

Agnès Copin

Co-fondatrice de Ça déménage

Avec Denis Laquaz, ils ont monté une armée de bénévoles prêts à donner un coup de main, littéralement. L'association vient avec sa camionnette et des bras pour emporter ce qui peut l'être.

"Ça peut être beaucoup ou pas grand-chose mais on les aide à aller chercher au domicile ce dont elles ont besoin pour continuer. Parfois, c'est aider à aller récupérer des papiers comme le livret de famille, récupérer des vêtements, les jouets des enfants, des affaires personnelles voire un frigidaire, des meubles, des choses qu'elles ont achetées ou qu'elles revendiquent", explique Agnès Copin.

Les renforts des forces de l'ordre, si besoin

La toute jeune association a effectué une vingtaine de déménagements en urgence pour l'instant.

"Certains ont été en présence du mari et cela ne s'est pas mal passé. La plupart du temps, ça a lieu hors de la présence du mari, ça peut être lors d'une garde à vue aussi, ça peut être pendant qu'il est au travail. Et cela se passe aussi parfois en présence des forces de l'ordre. On a fait tout un travail en amont avec la gendarmerie et la police nationale pour leur expliquer notre démarche et qu'ils viennent à notre demande, si on leur dit qu'on est en danger, qu'ils arrivent vite", témoigne Agnès Copin.

La retraitée se souvient des premières fois : découvrir un appartement saccagé, dont la porte a été fracturée. Le conjoint violent ne voulait pas quitter le logement alors qu'il n'en était pas officiellement locataire. 

On a eu très peur parce qu'on craignait qu'il arrive pendant qu'on était dans l'appartement

Agnès Copin

"On a récupéré le peu de ce qui pouvait être récupérable. La cuisine était jonchée de tout le contenu du frigidaire, il y en avait sur les murs. Dans ces cas-là, c'est assez glauque et stressant. Et il s'était attaqué aux affaires de son enfant. Le lit à barreaux était encore en état, il y avait des sacs de vêtements qu'on a pu déménager, mais là on a eu très peur parce qu'on craignait qu'il arrive pendant qu'on était dans l'appartement", témoigne-t-elle.

La jeune femme, elle, avait refusé de les accompagner. L'homme avec qui elle vivait l'avait laissée la tête en sang et le nez cassé un mois plus tôt. "La violence, on l'a touchée du doigt à travers l'état de l'appartement", raconte Agnès Copin.

Plus de 500 personnes accompagnées en 3 ans

Selon l'Observatoire national des violences faites aux femmes, "en moyenne, le nombre de femmes âgées de 18 à 74 ans qui, au cours d'une année, sont victimes de violences physiques, sexuelles et/ou psychologiques commises par leur conjoint ou ex-conjoint, est estimé à 321 000". Et l'observatoire de préciser qu'il s'agit "d'une estimation minimale".

L'association mesure, au nombre des demandes, l'ampleur du phénomène. En trois ans, Ça déménage a aidé 539 bénéficiaires, dont 263 enfants et embauché, à l'automne dernier, trois salariés. 

Des dons de particuliers pour les aider à se remeubler

Les bénévoles poursuivent leur accompagnement jusque dans les nouveaux logements, fournissant aux femmes tout ce qu'il manque, tout ce qu'elles n'ont pas. Ça déménage dispose de locaux où sont entreposés des meubles, de l'électroménager ou du linge de maison donnés par des particuliers. C'est d'ailleurs par cette mission que l'association a débuté son travail. 

"Elles viennent au local pour choisir les meubles, orientées par un travailleur social. C'est quelque chose à laquelle on tient, qu'elles aient la possibilité de choisir, on ne va pas leur imposer. C'est important pour leur reconstruction qu'elles puissent avoir le choix". 

Une centaine de bénévoles en 2023

"On fait les branchements parce qu'elles n'ont pas de boîte à outils, pas de tournevis, elles n'ont vraiment rien, c'est un grand dénuement. On monte les lits, on branche la cuisinière, etc. On fait tout ce qu'il y a à faire pour qu'elles puissent s'installer".

D'abord issus des cercles d'amis des co-fondateurs, les bénévoles ont désormais tous types de profils. Agnès Copin a mis en ligne un appel à bénévolat sur la plateforme du gouvernement Jeveuxaider.com. Une centaine de personnes s'est portée volontaire au total en 2023 et participé au moins à un déménagement.

Un maillon, jusque-là manquant, dans une chaîne de solidarité

C'est en regardant un reportage se déroulant au Québec sur la chaîne Brut que l'idée est venue à Denis Laquaz. En France, les associations de ce type sont encore rares. En lien avec la Fondation des femmes, la structure iséroise travaille pour monter un réseau fédérant les bonnes âmes qui font du déménagement en urgence.

Elle met en place également des formations pour ses équipes, pour les aider à gérer ces moments de vie traumatisants.

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Agnès Copin, co-fondatrice de l'association "Ça déménage" en Isère, invitée de France 3 Alpes ©France 3 Alpes / A. Blanc

"Prendre du recul"

"Ça nous affecte forcément. Quand vous raccompagnez une jeune femme, que vous êtes allés chercher ses affaires et que le soir elle n'a même pas un hébergement d'urgence, que vous la déposez à un hébergement de nuit, qu'elle est enceinte, on sait que le lendemain matin elle va être dehors, on a presque envie de la ramener chez soi", témoigne Agnès Copin.

"On essaye de prendre du recul en se disant qu'on est un maillon d'une chaîne de solidarité".

L'association financée à 67% par des fonds privés, travaille étroitement avec la Maison des Femmes et d'autres structures telles que Rialto issue de secours, à Grenoble.

Elle est constamment à la recherche de locaux pour entreposer les meubles donnés et pour stocker les affaires de celles qui attendent de pouvoir prendre un nouveau départ. 

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