Ce jeudi 30 janvier s’ouvrait, à la cour d’assises de la Gironde, la deuxième journée d’audience du procès de Mickaël Falou, accusé d’avoir assassiné son ex-compagne Sandra Pla, d’une cinquantaine de coups de couteau. Une deuxième journée consacrée aux derniers instants de la Bordelaise, dans une violence inouïe.
La violence, à l’état pur, “anarchique” et “multidirectionnelle”. Elle est au cœur des débats de cette seconde journée du procès de Mickaël Falou, à la Cour d’assises de la Gironde. Ce quadragénaire est accusé d’avoir tué d’une cinquantaine de coups de couteau son ex-compagne, Sandra Pla, le 2 juillet 2021. Au premier jour du procès, l’accusé avait reconnu avoir “commis le crime” mais nie l’intention de tuer celle qui était également mère d’une petite fille.
"Action intense et anarchique"
Le silence pour tenter d’encaisser les images qui s’affichent. À la barre, le docteur Larbi Benali décrit, au travers de son rapport, les derniers instants de Sandra Pla, dans une violence inouïe. Sur l’écran, la jeune Bordelaise apparaît le visage tuméfié, presque méconnaissable. Dans la salle, l’effroi fige les visages. Mickaël Falou, lui, reste impassible, les yeux rivés sur les clichés qui défilent.
Cette matinée du 2 juillet 2021, c’est une bagarre qui éclate au domicile de Sandra Pla, où la jeune femme vient de se faire agresser par son ex-mari, qui attendait depuis 4h30 du matin que la mère de famille emmène sa fille à l’école. “L’action est intense et anarchique, avec des coups qui partent dans tous les sens”, indique le médecin légiste. Aux mains, Sandra Pla présente des blessures et des déchirures. Dans la zone du visage et du cou, ce sont des entailles et des coups d’estoc, en “hyperconcentration”, certains profonds de 3,1 cm. Des fractures ouvertes sont également constatées, notamment au niveau des os des yeux.
La scène d’une extrême violence débute debout, face à face. Surprise par son agresseur, Sandra Pla s’est déjà armée d’un couteau désosseur pour tenir à distance son ex-compagnon, en vain. Ce dernier parvient à saisir ce qui deviendra l’arme de son crime. Les mains de Sandra Pla révèlent également que la victime a saisi le couteau par la lame, pour s’en défendre, au point de tordre la lame à 25 degrés. Une courbure “en virgule” visible sur la cinquantaine de plaies que présente son corps.
C'est un cas de vie ou de mort. On est sur des réflexes de survie. Tout est fait avec une énergie maximale.
Dr Larbi BenaliExpert légiste
Sandra Pla qui mesure 1,64 m et pèse alors 43 kilos ne résiste pas à Mickaël Falou, 1,82 m et 67 kg. Elle est projetée au sol, bloquée par son ex-conjoint qui la maintient à califourchon. “Sa seule protection sera de tourner sa tête à droite et gauche”, relate le Dr Larbi Benali. Sandra Pla succombera d’un coup porté à la partie droite de sa nuque. Pour ce coup fatal, le couteau viendra se loger dans la quatrième vertèbre de la victime. “Il n’y aura pas de coup post-mortem”, indique l’expert légiste.
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"Il a eu une prise de conscience"
Les conclusions de l’expert sont en totale contradiction avec la version livrée par Mickaël Falou. Dès ses premières auditions, l’accusé décrit une scène de violence où il désarme son ex-compagne, en jetant le couteau qu’elle tient entre ses mains. Une thèse difficile à comprendre au regard du nombre de coups portés à la victime, alors que les deux protagonistes étaient encore debout.
Au sol, Mickaël Falou maintient depuis le départ avoir eu “un trou noir”, ne se “réveillant” qu’après avoir porté le coup fatal, couvert de sang. Une thèse infirmée par les propos de l’expert légiste. “Il a eu une prise conscience ou alors, il s’est aperçu que le processus était terminé”, indique le Dr Larbi Benali, au sujet de ce dernier coup, émettant donc l’hypothèse que Mickaël Falou était “conscient” au moment de la mort de Sandra Pla.
"Il fallait que je lui parle"
Dans l'après-midi, Mickaël Falou a, à son tour, pris la parole. Durant 1 h 10, l'accusé est revenu sur cette nuit du 1ᵉʳ au 2 juillet 2021. La voix tremble, il sanglote par moments. "J'étais désespéré. La seule chose qui me préoccupait, c'était la garde de ma fille", chevrote-t-il. Ce soir-là, Mickaël Falou est chez lui. Il a bu : du vin, de l'alcool "et peut-être de l'alcool fort". Vers minuit, il tente d'aller se coucher avant de se réveiller vers 3h du matin.
Je ne sais pas ce qu'il me passe par la tête alors, mais il fallait que je lui parle.
Mickaël FalouAccusé de l'assassinat de Sandra Pla
Une obsession qui ne va plus lâcher l'accusé. Depuis son box, près de quatre ans après les faits, il reconnaît une "idée stupide". "Je voulais aller la confronter à ses mensonges. Dans les tentatives de médiation j'ai été lourd et con, sanglote-t-il. La seule solution pour régler ce problème de garde d'enfant, c'était d'aller voler des documents chez elle."
Une opération "instinctive" pourtant méthodiquement préparée. "Je me dis que je vais passer beaucoup de temps dans cette remise, alors, je prends mon téléphone, j'enlève la carte SIM comme tous ceux qui regardent des films, je prends des barres de céréales, celles du goûter d'Eva", précise-t-il. Des barres de céréales qui, pour lui, étaient une manière "d'emmener un petit bout d'elle avec moi". Dans sa préparation, l'accusé prend aussi des gants "par réflexe".
J'étais déconnecté. Je n'avais que cette obsession de lui parler.
Mickaël FalouAccusé de l'assassinat de Sandra Pa
Au domicile de son ex-compagne, Mickaël Falou se cache. Il enfile ses gants "pour ne pas laisser d'empreintes". "Comme ça, si elle appelle la police, ce sera parole contre parole", justifie-t-il. Vers 8h30, Sandra Pla rentre de l'école où elle vient d'emmener sa petite fille. Mickaël Falou "surgit" alors de la remise dans laquelle il était caché durant quatre heures. "Je l’ai vue surprise, pétrifiée peut-être. J’imagine qu’elle ne s’attendait pas à me voir. Mais comment peut-elle être surprise après tout ce qu’elle a dit, tout ce qu’elle a fait ?", lance l'accusé, entre pleurs et colère.
"Ne m'oblige pas à te frapper"
Dans la salle d'audience, le silence n'est brisé que par les éclats de voix de l'accusé. Sur les bancs, tous se préparent à entendre la suite, et à être plongés, une nouvelle fois, dans la violence. Depuis son box, Mickaël Falou explique avoir pris le téléphone de Sandra, puis tenté d'enfermer son ex-compagne à l'intérieur. "Elle se dirige vers la fenêtre, mais je la tire par les épaules ou la taille. On tombe au sol et je l'assaille de questions sans attendre qu'elle me réponde. Je lui parle de violences conjugales", se remémore l'accusé.
Plus elle répète qu'elle est désolée, plus je suis en colère.
Mickaël FalouAccusé de l'assassinat de Sandra Pa
Sandra crie, panique. "Je lui mets la main sur la bouche pour la faire taire mais elle me mord avec insistance", relate-t-il. Un geste qui va lui "faire mal" à l'accusé qui la menace à demi-mot. "Ne m'oblige pas à te frapper", lui lance-t-il, en desserrant son étreinte jusqu'à mettre les mains en l'air. Sandra Pla en profite pour s'échapper vers la cuisine et saisir le couteau. "Elle n'avait pas l'air très convaincante, souligne Mickaël Falou. Peut-être qu'elle avait simplement peur."
Il raconte ensuite une chute causée par leurs "pieds qui s'entremêlent". Le couteau est au sol, chacun tente de s'en saisir, Mickaël Falou sera plus rapide. Sandra Pla tente alors de désamorcer la situation. "Elle dit qu'elle est d'accord pour parler. "On va dans le salon, on va parler calmement" me dit-elle. Je ne la crois pas et en même temps j'ai envie de la croire", dit-il.
Selon Mickaël Falou, Sandra Pla tente de nouveau de s'échapper avant de se retrouver plaquée au sol. "Je suis sur elle, en colère. Je la tiens par le col de sa robe et je continue mes questions. Elle regarde à droite et j'ai l'intuition qu'elle va faire quelque chose, se remémore l'accusé qui s'inquiète alors que la police soit prévenue. Elle me dit que c'est trop tard, qu'elle ne peut pas, que je ne lui pardonnerai jamais." Le récit détaillé s'arrête brutalement. "Après, je ne sais plus", achève Mickaël Falou, qui maintient depuis le départ avoir eu "un trou noir" au moment de son passage à l'acte. "Il a des amnésies qui sont géniales, il a des amnésies quand ça l'arrange. Il voit ce qu'il a envie de voir, réagit Me Elsa Crozatier. Il est psychorigide et il ne peut pas accepter qu'on aille dans une autre voie que la sienne."
À quelques minutes de la fin de cette deuxième journée d'audience, Mickaël Fallou s'adresse enfin à la famille de Sandra Pla. "Je suis vraiment désolé. J'imagine ce que c'est pour vous de ne plus la voir, concède-t-il, les yeux secs. Ce que j’ai fait est irréparable."
"Elle était terrorisée"
En fin d’après-midi, deux experts psychiatres et psychologue ont à leur tour rendu leurs conclusions, unanimes. “Mickaël Fallou a une personnalité narcissique, paranoïaque, incapable de se remettre en question”, explique le psychiatre. Un résumé corroboré par son confrère psychologue. “Il est incapable d’empathie et intolérant à la séparation et à la frustration”, ajoute ce dernier.
Des arguments analysés comme un début de réponse pour les avocates de la défense. “Ces éléments de personnalité nous permettent de commencer à expliquer le passage à l’acte, que Monsieur Falou reconnaît”, indique Anaïs Divot, l’une des deux avocates de Mickaël Falou.
Dès l'ouverture du procès, les témoignages prêtaient d'ailleurs un visage similaire à Mickaël Falou. Une personnalité agressive qu'avait dénoncée, au travers de nombreuses plaintes, son ex-compagne. À la barre, Cécile, une amie de Sandra Pla décrit une femme "tendre et attachante" qu'elle avait rencontrée quelques mois plus tôt, aux alentours de janvier 2021. Malgré leur récente relation, la victime lui avait confié ses craintes. "Elle avait peur, très peur. Elle était terrorisée, se souvient-elle. Il la harcelait jour et nuit. Je l'avais vu plusieurs fois dans le quartier." Des visites nocturnes, à proximité du domicile de Sandra Pla durant lesquelles Mickaël Falou, selon les confessions de son ex-compagne, relevait les stores mal fixés.
Ce harcèlement, deux amants de Sandra Pla l'avaient également constaté. L'un d'eux, rencontré lors d'une formation professionnelle explique que la victime lui avait confié ne pas être rassurée malgré l'injonction d'éloignement qu'elle venait d'obtenir. Le second, prénommé Guillaume est un voisin de la victime. Lui a vécu directement les menaces de Mickaël Falou qui le suspectait d'être "le nouveau copain" de Sandra Pla, qui venait tout juste d'emménager. "Tous les voisins étaient au courant et ont tenté de la protéger. Elle se sentait menacée tous les jours", explique Guillaume, qui avait, lui aussi, déposé une main courante contre l'accusé.
Dans cette salle d'audience, seule la voix de Francine, la mère de Mickaël Falou semble soutenir celui qui se trouve dans le box des accusés. "Il a toujours été un fils aimant qui n'a jamais eu de problème de violence. Je ne comprends ce qu'il est arrivé", regrette cette retraitée de 63 ans. Loin des scènes de violences, elle décrit un "couple uni", qu'elle a longuement côtoyé lors du confinement. "Ça ne correspond pas à ce que j'ai vécu avec eux. J'ai aimé Sandra tout de suite, je la considérais comme ma fille", explique-t-elle.
Dans son récit, la mère de famille revient sur la "guerre déclarée" pour obtenir la garde de la petite Eva, qui avait alors quatre ans. Un témoignage bien solitaire, ce mercredi soir, loin des horreurs qui seront affichées le lendemain matin.
Avocates des parties civiles, avocate générale, présidente, ses conseils, toutes ont essayé de faire parler Mickaël Falou. Pressé, bousculé, acculé, l’accusé ne parviendra pas à expliquer son passage à l’acte. Le point de bascule reste inconnu. Tout juste concède-t-il être "dans le déni de ce qui s’est passé". Selon ses dires, celui qui est accusé d'avoir tué son ex-compagne n'aurait eu le courage de regarder les photos de la scène de crime "il y a trois jours, lors de son transfèrement".