Coronavirus. "Je n'ai pas attrapé le Covid mais la rage de me battre", martèle une infirmière du CHU de Grenoble

De la reconnaissance et des moyens, c'est ce que demandent les soignants après avoir été en première ligne durant la crise sanitaire du coronavirus. A Grenoble, l'AFP a recueilli leurs témoignages. 

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De Paris à Grenoble, de Rennes à Marseille, des soignants "en colère", dont beaucoup d'infirmières, ont raconté mardi leur quotidien. Eprouvés après plusieurs mois de crise sanitaire, ils ne veulent "pas une médaille" mais la reconnaissance du travail fourni et plus de moyens, selon des témoignages recueillis par l'AFP. Ils ont manifesté partout en France ce mardi 16 juin pour exprimer cette colère.

 

Pas de médaille ni de prime

"Je n'ai pas attrapé le Covid mais la rage de me battre", témoigne à Grenoble, Latifa, infirmière en psycho-gériatrie au CHU Grenoble Alpes. Cette femme de 50 ans, qui gagne 1.565 euros par mois, se dit "en colère": "On nous a fait passer pour des super-héros parce qu'on a cumulé les heures, travaillé avec peu de matériel, protégé nos patients... On nous a promis des recrutements et des moyens mais on n'a rien vu venir."

Elle ne demande "pas de médailles, pas de primes, pas de défilé sur les Champs-Elysées, mais des embauches et des revalorisations de salaires".

"Dans mon service, on a dû gérer le Covid à six personnes le matin et quatre l'après-midi pour 65 patients, de plus de 65 ans. Des patients qui ont besoin de temps et d'écoute. Et du temps, on n'en a plus", se lamente-t-elle.

 

"La boule au ventre"

 "J'avais la boule au ventre chaque jour de ramener le virus à la maison", raconte Amélie Membanda, 31 ans, mère d'un garçonnet de 3 ans. Aide à domicile dans une structure grenobloise depuis 4 ans, elle a travaillé "matin et soir pendant le confinement". 

 

On a répondu présent pour nos patients. Même si on n'avait pas de masques, pas de gants, pas de blouses. Pour les personnes âgées qui n'avaient plus de visites ou pas de famille, on était tout

Amélia Membanda, 31 ans, aide à domicile dans une structure grenobloise

 

Cette trentenaire, qui touche entre 1.000 et 1.200 euros par mois, s'interroge : "On parle de prime pour les Ehpad mais pas pour nous. Pourquoi notre métier n'est pas reconnu comme les autres ?". Et elle ajoute : "Je voudrais que le gouvernement revalorise l'aide à la personne, c'est un métier physique, ingrat, mais tellement beau."

"Tellement besoin de lits"

"En psychiatrie, c'est un désastre", se désole Michel Soulié, infirmier en secteur psychiatrique au Centre hospitalier Alpes Isère. "On a tellement besoin de lits qu'on récupère ceux des patients partis en permission (à l'extérieur). Le lundi, les médecins se grattent la tête pour savoir lesquels des moins fous on laisse sortir pour récupérer leur lit", ajoute ce quinquagénaire qui exerce depuis 25 ans. Selon lui, 65.000 lits ont été fermés en 40 ans en psychiatrie alors même que "les chiffres de la santé mentale, ces gens abîmés par le chômage, un divorce, la précarité, explosent".

Las de faire "un travail de merde", il réclame "des moyens pour embaucher, rouvrir des lits, revaloriser des salaires gelés depuis 10 ans". Pour lui, "ce n'est plus possible de continuer comme ça, il y a une vraie radicalisation qui s'installe chez les soignants".

 

"Reconnaissance"

Fatou, aide-soignante en Ehpad, aimerait "une reconnaissance à durée indéterminée", plutôt que la prime ponctuelle annoncée par le gouvernement. "C'est malheureux d'attendre qu'il y ait une épidémie pour que les politiques aient un peu de reconnaissance", explique cette Parisienne de 46 ans, qui a contracté le Covid-19.

"Plus jamais ça"

"Ca fait quatre mois qu'on soigne des patients atteints du Covid-19, et c'est toujours aussi difficile", relate dans la manifestation parisienne Valentine Audibert, infirmière en service de réanimation à l'hôpital Foch de Suresnes (Hauts-de-Seine). Son service est passé pendant la crise de 22 lits à 60, "mais cela ne nous a pas empêché de prendre la vague en pleine face. C'était violent", ajoute-t-elle, se remémorant "la mort, la détresse des patients, des familles".

Pendant cette période, elle a eu l'impression "d'être envoyée au front sans équipement". "Alors c'était important d'être là aujourd'hui pour témoigner et dire +plus jamais ça+", poursuit-elle.

 

"Pouvoir aux médecins"

"L'hôpital est sclérosé", estime dans la manifestation parisienne Julie Bruneau, médecin à l'hôpital Necker, demandant qu'on "redonne le pouvoir de décision aux médecins". Selon elle, "il n'y a pas forcément besoin d'injecter beaucoup d'argent dans le système (de santé)".

"Il faut surtout le réorganiser pour éliminer les strates administratives", demande cette femme de 42 ans, se disant "épuisée" après la pandémie.

 

"Ségur de la Santé"

"On attend beaucoup du Ségur de la santé, on attend d'être enfin entendus", témoigne Ludivine Crocq, infirmière aux urgences du CHU de Rennes et membre du collectif inter-hôpitaux. "Cela fait plus d'un an qu'on demande des moyens financiers, matériels, et des lits pour arrêter d'avoir des patients qui passent plus de 24 heures sur des brancards".

"Notre revendication, c'est 300 euros nets mensuels" en plus, ajoute la soignante qui touche 1.780 euros par mois "après 12 ans aux urgences".

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