Le gouvernement se dit favorable à une extension du délai pour recourir à un avortement, afin d'éviter un trop grand nombre de demandes simultannées à la fin du confinement. Le planning familial de l'Isère souligne que les IVG peuvent toujours êtres pratiquées dans le département.
Le droit à l'IVG est-il menacé par l'épidémie de Covid-19 en France ? Le report des opérations médicales non-urgentes pour permettre la priorité au traitement du coronavirus fait craindre une perturbation de la pratique des avortements dans le pays.
"Avec la saturation des hopitaux qu'il va y avoir, on craint que l'IVG puisse devenir une activité non urgente", explique Pauline Coiffard, chargée de communication au planning familial de l'Isère.
Cette inquiétude confirme une tribune publiée dans Le Monde le 31 mars signée par une centaine de professionnels de l'IVG. Le texte constate trois problèmes majeurs : la réduction du nombre de soignants, la limitation des déplacements des femmes et les environnements violents dans lesquelles certaines femmes doivent rester confinées.
Une baisse des recours à l'IVG
En conséquence, les signataires estiment que "ces difficultés vont obliger nombre de femmes à conserver leur grossesse contre leur gré, mettant en danger leur autonomie et l’avenir des enfants nés dans ces conditions."
Un constat partagé sur le terrain. Ce mercredi 1er avril devant le Sénat, le ministre de la Santé Olivier Véran a témoigné d'une "réduction inquiétante du recours à l'IVG" depuis quelques semaines.
"On est inquiètes parce qu'on voit bien qu'on a moins d'appels depuis le confinement", abonde Pauline Coiffard du planning familial 38, qui y voit plusieurs raisons : "c'est pas facile pour plein de femmes de faire une consultation téléphonique sur un sujet aussi tabou quand elles sont confinées avec leurs conjoints, leurs enfants ou leurs parents".
Mais au-delà de ce problème, la peur a également fait des dégats selon la confédération du planning familial. "La peur de sortir et la peur de ne pas trouver une prise en charge médicale" seraient également à prendre en compte selon Pauline Coiffard.
Prolonger de deux semaines le délai pour pratiquer une IVG
Résultat attendu : la fin du confinement venu, de nombreuses femmes en attente d'un IVG, ou en ayant dépassé le délai légal, se présenteront pour un avortement. Un embouteillage que souhaitent éviter les professionnels, alors que 220 000 avortements sont réalisés chaque année dans le pays.
La tribune du Monde réclame ainsi que les avortements puissent être autorisés pendant deux semaines de grossesses de plus pendant toute la durée du confinement, faisant passer le délai pour une IVG médicamenteuse de cinq à sept semaines, et pour une IVG par aspiration de douze à quatorze semaines.
L'objectif sera alors d'étaler dans le temps les demandes d'IVG dès la fin du confinement, et de permettre à des femmes ayant dépassé le délai de malgré tout bénéficier de leur droit à l'avortement.
En réponse à la tribune, Olivier Véran a affirmé ne pas avoir "d'opposition de principe" à l'allongement de 5 à 7 semaines pour les IVG médicamenteuses, sans pour autant préciser le calendrier de potentielles futures mesures.
Le 19 mars, la sénatrice PS Laurence Rossignol avait déposé un amendement proposant l'allongement du délai pour les IVG médicamenteuses et par aspiration de deux semaines, amendement qui avait alors été rejeté après avis défavorable du gouvernement.
"En Isère, on est en capacité de gérer les IVG"
L'exécutif et les instances médicales encouragent pour le moment les soignants à privilégier les IVG médicamenteuses, qui peuvent être réalisées en centre médical jusqu'à 7 semaines après le début de la grossesse.
Une bonne initiative, mais qui reste insuffisante selon Pauline Coiffard :
On pratique des IVG médicamenteuses dans nos centres, mais on a dû les fermer parce que nos soignantes et soignées n'ont pas de protection ou de gel hydroalcoolique. Et les soignants peuvent être réquisitionnés par des CHU de la région.
La chargée de communication du planning familial de l'Isère se veut malgré tout rassurante : "En Isère, on est en capacité de gérer les IVG. Les soignants des CHU de Grenoble et de Bourgoin-Jallieu ont réorganisé leurs activités pour que les IVG soient toujours des actes urgents."
Les femmes souhaitant avorter peuvent donc continuer d'appeler le planning familial, pour éviter un trop grand nombre de demandes d'avortements ou des dépassements du délai légal à la fin du confinement. D'autant qu'il est impossible de prévoir l'évolution de l'épidémie, et que le pic en Auvergne-Rhône-Alpes n'est pas encore atteint.
Au planning familal de l'Isère, une permanence est mise en place du lundi au vendredi de 9h à 16h30 au 09 52 12 76 97. Un numéro vert national est également joignable au 0 800 08 11 11.
Le planning familial s'est par ailleurs fait l'écho d'une pétition, lancée par le collectif "Avortement en Europe les femmes décident". Le texte, adressé au gouvernement, réclame notamment l'allongement du délai pour recourir à une IVG et récolte ce jeudi 2 mars près de 50 000 signatures.