Des chercheurs grenoblois étudient les effets du port du masque dans les échanges entre les tous petits et les professionnels dans les crèches. "Moins de sourires, donc moins d'interactions" selon Anna Tcherkassof, Maîtresse de conférence en psychologie à l'Université Grenoble Alpes.
Dès l'annonce du port du masque obligatoire, une équipe de chercheurs spécialisés de l'Université Grenoble Alpes a lancé une étude pour observer les effets que peut engendrer le port du masque dans les échanges avec les tous petits, particulièrement avec les professionnels qui les accueillent dans les crèches.
Depuis septembre 2020 en effet, le port du masque est obligatoire pour le personnel de ces structures qui accueillent, jusqu'à 50 heures par semaine, les enfants âgés de moins de 3 ans
Ecoutez le point de vue de quelques parents rencontrés au Jardin de Ville à Grenoble
Une enquête auprès de 600 professionnels dans les crèches
Anna Tcherkassof, chercheure en psychologie sociale sur la communication émotionnelle non verbale au laboratoire LIP/PC2S de l’université Grenoble- Alpes, Monique Busquet, psychomotricienne – formatrice, Marie Hélène Hurtig puéricultrice – formatrice, Marie Paule Thollon Behar, psychologue et docteur en psychologie du développement ont mené l'enquête en décembre 2020 auprès de 600 professionnels de la petite enfance.
Ces derniers ont consigné les réactions observées chez les enfants lors du port du masque et de son retrait. A partir de cette enquête, les conclusions des chercheuses sont claires : "il y a vraiment des conséquences sur l'échange affectif entre les enfants et les adultes" affirme Anna Tcherkassof.
Moins de sourires, moins d'interactions
"Les trois quarts des professionnels consultés évoquent des conséquences très visibles, des réactions de crainte devant des visages qui ne sont pas habituels" ajoute-t-elle.
"On nous décrit des enfants moins expressifs, plus impassibles, nettement moins souriants que d'habitude". "Mais dès que l'adulte retire son masque, le visage de l'enfant s'illumine immédiatement, et l'échange reprend".
"A l'inverse, les tout petits qui ont été accueillis par des professionnels à visage masqué ont très peur quand ils découvrent le visage dé-masqué, parce qu'ils ne le connaisssent pas !"
Des effets sur l'acquisition du langage
Anna Tcherkassof poursuit : "les enfants sont moins attentifs. Quand on acquiert le langage, on ne fait pas qu'écouter le langage, on le regarde aussi. Les petits apprennent énormément en observant nos lèvres, la façon dont on prononce les sons. Le masque les prive de ces informations."
"Et les adultes éprouvent du mal à se faire comprendre. Souvent les enfants ne savent pas qui parle parmi les adultes. Du coup les professionnels parlent plus fort, mettent en place tout un tas de stratégies pour compenser. Beaucoup ressentent d'ailleurs le besoin d'enlever le masque régulièrement pour établir le contact au moment de l'accueil par exemple. Ou pour sécuriser un enfant en pleurs, ou encore pour rompre son impassibilité".
Anna Tcherkassof conclut en dédramatisant : "les enfants ont des capacités d'adaptation extraordinaires. Pour l'instant, il est encore trop tôt pour dire si les conséquences de ce port du masque seront négatives."
Ecoutez l'entretien d'Anna Tcherkassof avec Marie Michellier sur France 3 Alpes ce 2 mars 2021