Grenoble : des astronomes découvrent une usine de composés organiques derrière de la poussière cosmique

Des scientifiques de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble sont parvenus à observer une fabrique de molécules organiques cachée par de la poussière autour d'une étoile en formation. Cela pourrait signifier que ces briques du vivant sont plus fréquentes que prévu dans l'univers.

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Et si les origines de la vie terrestre venaient, non pas de la Terre directement, mais de proto-étoiles ?

Une proto-étoile, c'est une énorme masse de gaz brillante et chaude qui se contracte sur elle-même, et qui émet de la lumière par frottement des particules qui la composent. En plusieurs milliers d'années (100 000 pour une étoile de la masse du Soleil), cet objet va commencer à émettre de la lumière par fusion nucléaire, et devenir une véritable étoile.

Autour de certaines de ces proto-étoiles, des astronomes sont parvenus à détecter la formation en très grandes quantités de composés organiques (ou COM pour complex organic molecule), des molécules à base de carbone qui entrent dans la composition du vivant sur terre. Ainsi, le carbone représente 18% de la masse d'un corps humain, alors qu'il ne compose que 0,5% de la masse de notre galaxie.

 

Seulement une douzaine découverte en vingt ans

Ces zones de formation de COM sont appelés hot corinos, ce qui signifique étymologiquement "petit noyau chaud". Et en une vingtaine d'années de recherche, les astronomes du monde entier en ont découvert en tout et pour tout... une douzaine.

Un chiffre qui n'a pas plu du tout à une équipe de scientifiques de l'Institut de planétologie et d'astrophysique de Grenoble (Ipag). Celle-ci s'est mis en tête d'expliquer pourquoi ces hot corinos sont si rares, ou tout du moins si difficiles à trouver.

Pour ce faire, les astronomes se sont intéressés à IRAS 4A un système binaire situé à 1 000 années lumières de la Terre. Il s'agit de deux proto-étoiles tournant autour d'un même centre de gravité et formées à partir d'une masse de poussières et de gaz commune. 

"Étant donné que les deux étoiles se forment à partir du même nuage moléculaire et en même temps, il semblait étrange que l'une soit entourée d'une région dense de molécules organiques complexes et l'autre non", explique Cécilia Ceccarelli de l'Ipag dans un communiqué de l'université Grenoble-Alpes

 

Etudier l'empreinte digitale des molécules

Pourtant, une étude réalisée en 2017 a pu constater que seule l'une des deux proto-étoiles possède un hot corino. Ou peut-être le deuxième est-il invisible ? Les astronome de l'Ipag ont testé l'hypothèse suivante : de la poussière cosmique masque le hot corino de la deuxième proto-étoile.

Pour identifier des éléments chimiques situés à des années-lumière de nous, les astronomes étudient les émissions de lumière de ces molécules, qui parviennent jusqu'aux lentilles de nos télescopes. Car chaque type de composé émet de la lumière à certaines longueurs d'ondes très précises, qui constituent "l'empreinte digitale" de la molécule.

Afin de détecter le premier hot corino en 2017, les scientifiques n'avaient cherché que les éléments chimiques dont les émissions ont des longueurs d'onde de quelques millimètres.

"Nous savons que la poussière bloque ces longueurs d'onde, nous avons donc décidé de rechercher des traces de ces produits chimiques à des longueurs d'onde plus longues qui peuvent facilement passer à travers la poussière", précise de son côté Claire Chandler de l'Observatoire national de radioastronomie, situé aux Etats-Unis et qui a servi pour cette nouvelle étude.

 

Les hot corinos, bien plus nombreux qu'on ne le pensait ?

Les astronomes ont préféré concentrer leurs recherches sur des molécules de méthanol, composés d'un atome de carbone, d'un atome d'oxygène et de quatre d'hydrogène. Les longueurs d'onde de vibration du méthanol sont en effet de l'ordre du centimètre et non plus du millimètre, et la lumière n'est plus autant absorbée par la poussière.

Résultat : des COM ont pu être détectés en grand nombre autour de la deuxième proto-étoile du système IRAS 4A, qui est donc elle-aussi entourée d'un hot corino.

Cela veut-il dire que la recherche de ces usines à composés organiques doit être repensée ? Que les hot corinos sont beaucoup plus fréquents qu'on ne l'envisageait, et simplement cachés par de la poussière ? Que des astéroïdes venus de lointaines proto-étoiles ont pu amener des composés organiques sur Terre ? Voire que la vie a pu apparaître un peu partout dans l'univers grâce à ces briques élémentaires ?

Comme toujours, une réponse apporte son lot de nouvelles questions, mais aussi un bon espoir de trouver plus de preuves que nous ne sommes définitivement pas le centre de l'univers. L'étude des astronomes grenoblois est disponible en entier (article payant) sur The Astrophysical Journal Letters.

 

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