La municipalité grenobloise est sous le feu des critiques depuis que la Papothèque, lieu d'accueil solidaire, a été assignée en justice pour des loyers impayés. L'association qui vient en aide aux habitants des quartiers populaires connaît des difficultés financières depuis le premier confinement.
La Papothèque, structure d'accueil qui tisse du lien social auprès de centaines d'habitants des quartiers populaires à Grenoble, se trouve en difficulté à cause de la crise sanitaire. Le bailleur social Actis, propriétaire des locaux, a convoqué l'association devant le tribunal pour quatre mois d'impayés de loyers. Une décision qui fait polémique car la présidente d'Actis est également la première adjointe d'Eric Piolle, possible candidat écologiste pour 2022.
La secrétaire d'Etat chargée de l'économie sociale, solidaire et responsable Olivia Grégoire s'est fendue sur Twitter d'une lettre ouverte au maire de Grenoble vendredi 29 janvier. Dans ce texte, elle "s'étonne de la dureté de la décision" et lui demande de "soutenir" cette structure, la Papothèque, "afin de trouver une solution rapidement".
Talent des cités 2019, la #Papotheque ce sont 300m2 pour favoriser la solidarité intergénérationnelle et lutter contre toutes formes de discrimination.
— Olivia Gregoire (@oliviagregoire) January 29, 2021
Elle est aujourd’hui menacée par son bailleur public qui menace de l’expulser. Je veux croire qu'@EricPiolle va se mobiliser. pic.twitter.com/a90lMt3MqN
Créée il y a deux ans, cette structure ressource distribue des colis alimentaires à près de 200 bénéficiaires depuis la pandémie. A l'origine, elle a été créée pour tisser du lien entre les générations des quartiers Lys Rouge et Mistral. "C'est un lieu d'accueil où on donne et on reçoit. Je pense qu'on reçoit beaucoup plus qu'on ne donne. La convivialité qu'il y a ici, je ne l'ai trouvée nulle part ailleurs", assure Françoise Fort, bénévole.
Dès le premier confinement, les difficultés financières sont apparues. Avec la fermeture du café solidaire, impossible de payer les 1 800 euros de loyer. Actis accorde alors un report de paiement. Mais le projet de restaurant, gelé par le second confinement, finit de plomber les comptes de l'association. Cette fois, Actis assigne l'association au tribunal. Elle se retrouve aujourd'hui menacée d'expulsion.
"Notre loyer, on va le payer"
"Nous sommes en première ligne. Il faut qu'ils nous prennent comme un allié et qu'ils viennent nous aider, qu'ils déploient le côté social, le côté humain avec nous pour qu'on se mette ensemble pour accompagner ces gens, estime la fondatrice de la Papothèque Anoushka Michard. Il ne faut pas nous envoyer les huissiers pour l'instant. Je sais que nous avons une dette à payer. On ne va pas se défiler. Notre loyer, on va le payer. Mais dans la conjoncture actuelle, notre trésorerie ne nous permet pas de payer cette dette."
L'association n'a pas apporté suffisamment de garanties, selon le bailleur social Actis, précisant qu'il n'est pas une société philanthrope. "La solidarité ne peut pas porter sur tout. Le bailleur ne peut pas tout faire et cet aspect doit être pris en compte. Le bailleur ne peut pas répondre aux difficultés de personnes physiques ou de personnes morales", affirme le directeur général d'Actis Stéphane Duport-Rosand.
Mme la secrétaire d'Etat à l'économie "sociale et responsable" de #Macron devrait faire confiance aux bailleurs sociaux et, face aux crises, agir pour sauver le logement social, pour le retour des emplois aidés au lieu d'entrer dans une polémique inutile aux airs d'ancien régime pic.twitter.com/xruiO0dgyi
— Éric Piolle (@EricPiolle) January 29, 2021
Mais la polémique enfle et l'opposition tire à boulet rouge sur la municipalité. "En pleine crise sanitaire, la structure devrait-elle alors aller jusqu'à l'illégalité pour démontrer sa bonne foi pour rembourser ses dettes ? Devrait-elle peut-être reprendre son activité de restauration, sur laquelle son modèle économique repose, pour régler auprès d'Actis les loyers et charges qu'elle n'a pas pu payer ?", questionne la conseillère municipale d'opposition Emilie Chalas dans un communiqué, fustigeant le manque de "courage" de la présidente d'Actis, Elisa Martin.
"Attaque organisée"
Le maire écologiste, dans une lettre ouverte à Olivia Grégoire, accuse la secrétaire d'Etat d'"ingérence" dans les affaires de Grenoble et assure que "la Papothèque est toujours en attente, depuis près d'un an, de l'aide financière que doit lui verser l'Etat". "L'engagement des professionnels du logement social est amplement suffisant pour apporter une réponse, juste et adaptée concernant cette dette", ajoute Eric Piolle, sans plus de précision sur cette "procédure contentieuse". Cette figure des Verts, potentiel candidat d'EELV à la présidentielle 2022, demande ensuite au gouvernement d'agir davantage sur les emplois aidés, le plan pauvreté et l'investissement dans le logement social "en réponse à la casse opérée ces dernières années".
Accusée de se "cacher" derrière le directeur général d'Actis, sa présidente Elisa Martin s'est adressée à la presse vendredi. "La Papothèque, dans son projet d'utilité sociale, a tout notre soutien malgré ses fragilités, a-t-elle assuré. Ce dont on débat, c'est une attaque organisée contre le bailleur Actis. Je crois que cette affaire de Papothèque est une instrumentalisation toute simple et fort courante dans nos milieux." Si le dialogue renoué entre Actis et la structure solidaire n'aboutit pas, l'avenir de la Papothèque se décidera devant le tribunal de Grenoble le 17 février.