Parmi les 72 personnes, illustres ou inconnues du grand public, promues au grade d’Officier de la Légion d'honneur ce 1er janvier, la Grenobloise Eva Thomas, fondatrice de SOS inceste. Elle a appris la nouvelle de façon très particulière mais se réjouit de cette "reconnaissance".
"Entre un parent et un enfant, il n’y a pas d’inceste heureux. En tout cas pour l’enfant. L’enfant subit toujours une violence". Si cela semble évident aujourd'hui, cela ne l'a pas toujours été. Dans les années 1970, la pédophilie n'était pas considérée comme un crime. Celle qui a permis une prise de conscience de la population, c'est Eva Thomas. Déjà décorée de la Légion d'honneur en 2002, elle vient donc d'être promue au rang d'Officier sur proposition du ministère des Solidarités et de la Santé. Une nouvelle reconnaissance pour tout le travail réalisé avec l'association SOS Inceste qu'elle a créée à Grenoble en 1985 et tout le travail qu'elle poursuit aujourd'hui au sein de la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants).
Une véritable "surprise", une "reconnaissance"
"J'ai appris la nouvelle de façon très bizarre", raconte Eva Thomas, amusée. Elle a reçu un mail de bonne année d'une victime d'inceste qui la félicitait par ailleurs pour sa distinction. "J'ai été vérifier sur la liste du Journal Officiel", nous confie-t-elle. Pas de lettre officielle pour le moment. Probablement en raison de problèmes de distribution du courrier à Grenoble qui durent depuis une dizaine de jours.
Mais peu importe, son nom est bien sur la liste des nouveaux promus et Eva Thomas ne boude pas son plaisir. "C'est une reconnaissance. Et je la partage avec toutes les personnes qui ont travaillé à libérer la parole".
Briser le silence
La Grenobloise a été la première femme, victime d'inceste, à témoigner à visage découvert. C'était en 1986, dans l’émission les dossiers de l’écran. Eva venait d’écrire son livre Le viol du silence pour dénoncer le viol de son père lorsqu'elle avait 15 ans et le traumatisme qu'elle a vécu. Au milieu d'un groupe d'hommes assez dubitatifs, elle avait débuté son intervention avec ces mots : "J’ai envie de sortir de la honte."
Libérer la parole et protéger les enfants
Pour permettre aux victimes de s'exprimer. A la parole de se libérer, Éva Thomas fonde dès 1985 l'association SOS inceste à Grenoble. Et elle lutte, avec notamment l'avocate de l'association, pour faire changer la loi et inscrire le non consentement d'une personne de moins de 15 ans.
Le 21 avril 2021, la loi de protection des mineurs passe enfin. "On ne pourra plus jamais penser qu'un enfant puisse être complice de son viol", se réjouit Eva. A près de 80 ans, elle n'abandonne pas le combat. "Je travaille avec plaisir, énergie, dynamisme et bonheur", confie-t-elle parce que les choses changent même s'il y a encore beaucoup à faire en matière, notamment, de formation pour les personnes qui accueillent la parole des victimes.
Aujourd'hui, c'est au sein de la Ciivise, où elle siège depuis la création de la commission en mars 2021, qu'Eva poursuit le combat "pour que l'on passe d'une culture du déni à une culture de protection de l'enfant."