Sexisme, racisme et injustice : l'artiste Vin’s casse les codes du rap avec des textes engagés et incisifs

A 28 ans, le rappeur Vin’s s’est fait connaître avec ses textes percutants. Passé par Grenoble au début de sa carrière, il dénonce sans langue de bois le sexisme et le racisme, y compris dans le milieu du rap. Portrait d’un artiste militant qui aime tordre les clichés.

"Puis un viol ça reste un viol ça dépend pas d'la taille de sa robe. Et toi qui cries que c'est toutes les mêmes t'as rien compris. Ouais la salope dans cette histoire c'est surtout toi et ta connerie".

Les mots sont crus, incisifs et on ne peut plus imagés. A travers cette écriture violente, Vin’s veut choquer et faire réagir. Dans sa chanson "#MeToo" sortie en novembre 2018, il dénonce les violences faites aux femmes mais aussi les loupés de la justice française. 

"Il faut que son corps tombe à terre pour qu'on voie la gravité. C'est la victime qu'on interne, les coupables sont acquittés" assène-t-il dans un clip tourné à Grenoble, quartier Saint-Bruno.

"J’ai habité dans ce quartier et c’était important pour moi de tourner ce clip en prenant le cliché des jeunes en bas d’un immeuble, raconte le jeune homme. Si on enlève le son, on pourrait se dire qu’on parle d’armes et de drogue. Mais en fait, on dénonce le sexisme. J’aime utiliser cette image du rappeur et en jouer pour casser les clichés".

Repéré par l’humoriste Malik Bentalha, Vin’s tape dans le mille avec ce morceau et attire l’attention de médias généralistes comme Le Huffington Post, Le Figaro ou encore Brut. "Quand j’entends qu’on dit que le rap est sexiste, ça me donne envie d’aller sur le terrain pour défendre les femmes" confie-t-il. 

 

Un début de carrière à Grenoble

Né à Avignon, Vin’s, qui doit son nom de scène au personnage de Vincent Cassel dans le film "La Haine", a vécu à Montpellier, Marseille, Lyon mais aussi à Grenoble. Il est arrivé dans la capitale des Alpes à 18 ans, et c’est là qu’il a trouvé son identité artistique.

"C’est à Grenoble que j’ai développé ma carrière, explique-t-il. Une amie manageuse m’a amené dans cette ville au moment où je voulais me lancer dans la musique alors que mes parents voulaient me voir faire des études. C’est vraiment à ce moment-là que j’ai développé mon rap et que j’ai commencé à faire beaucoup de scènes".

Avec le Waza Crew, un collectif d’artistes grenoblois, Vin’s enchaîne les scènes ouvertes et les concerts dans les salles locales comme l’Ampérage, la Bobine ou encore le Drak-Art. "J’ai fait des représentations dans tous les quartiers de Grenoble, c’est ça qui m’a forgé" raconte-t-il.

Artiste accompli, il a fait de sa plume acérée sa marque de fabrique. Dans "Fraternité", l’un des trois morceaux qui composent un triptyque avec "Egalité" et "Liberté", il s’attaque aux discriminations vécues par les personnes de confession musulmane et dénonce la surmédiatisation de leur foi. "Ils parlent d'insécurité, ils parlent d'immigration. Et les contrôles de papiers tournent à l'humiliation. Des contrôles au faciès y'en a bien trop hélas (ouais). On parle que d'islam dans la presse, ça c'est le contrôle des masse" rappe-t-il. 

Les faits ils minimisent Écart de salaire entre hommes et femmes Mais pour interdire le voile, là tout le monde est féministe C'est pas à cause du voile si nos valeurs sont abîmées Au nom de la liberté, ils te diront comment faut t'habiller Bienvenue dans une France hypocrite où peu raisonnent C'est pas le voile qui paye les femmes moins que les hommes

Vin's - Fraternité

En écrivant sur ces thèmes, le rappeur craint parfois que ces propos soient "mal interprétés" et reconnaît "écrire avec précaution". Mais pour lui, aucun sujet de société n’est tabou : "L’art est fait pour bousculer sans enfoncer des portes ouvertes. J’ai été touché par le combat des musulmans. Une partie de ma famille est morte pendant la Shoah donc je ne peux qu’être touché quand je vois des minorités mises sur le banc des accusés". "L’extrémisme existe, poursuit-il. Je connais des gens qui sont morts en Syrie. Mais il y a une incompréhension dans cette époque où on juge plus vite que l’on ne comprend. Je ne défends pas l’islam mais la liberté de culte".

Grâce au rap, qu’il pratique depuis l’âge de 16 ans, Vin’s peut dire ouvertement ce qu’il pense sans trop risquer de heurter les sensibilités. "Quand on rappe, on a plus de pieds, on peut mettre plus de mots, plus de débit. Alors que dans la variété, il faut synthétiser les propos pour accompagner la mélodie. Mes morceaux ne sont pas faits pour passer à la radio, c’est presque une dissertation. Le rap permet cette liberté : on n’est pas là pour avoir un but politiquement correct et c’est accepté parce que c’est du rap".

 

66 000 abonnés sur Youtube

Inspiré dans sa jeunesse par les textes engagés de Psy 4 de la Rime ou Sinik, l’artiste s’est reconnu dans cette "vision alternative" de la musique urbaine qui permet de "ne pas raconter la même chose que tous les autres".

Désormais installé à Montpellier, Vin’s partage chaque mois un nouveau morceau aux 66 000 abonnés de sa chaîne Youtube.

En attendant de remonter sur scène, il prépare un nouvel album dans lequel il abordera d’autres enjeux de société. Nul doute que l’actualité de l’année 2021 saura l’inspirer.

 

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