Il a été le premier tétraplégique à se rendre en Antarctique. Samuel Marie continue de repousser les limites du handicap, cette fois dans les airs. Il élabore avec une équipe de bénévoles une nacelle adaptée pour permettre aux personnes à mobilité réduite de piloter une montgolfière.
Ne dites pas à Samuel Marie qu'il est dans une impasse. Il ne sait pas ce que c'est. Pour lui, le chemin a juste besoin d'être construit, quitte à abattre des murs de préjugés.
Depuis deux ans, il s'attelle à créer une flotte de montgolfières adaptées, pilotables par des personnes à mobilité réduite.
Dans le hangar à dirigeables d'Ecausseville, dans la Manche, il participe à la création d'une nacelle prototype dans laquelle il prend place pour faire des essais de vol.
"C'est le côté pionnier qui est sympa, d'ouvrir les portes et de déblayer le terrain pour les autres et de pouvoir gérer toutes les étapes de contrôle, les étapes de vol et les étapes de pilotage. On est vraiment autonome", explique-t-il.
Il ne s'agit pas seulement pour Samuel Marie de décoller, et de prendre l'air, mais de prendre les commandes. Il se forme pour passer son brevet de pilote.
Une idée née d'une frustration
A 34 ans, le Grenoblois n'en est pas à son premier défi. En 2017, il mettait au point un fourgon aménagé pour sillonner l'Amérique du Nord en toute autonomie. L'année suivante, il ralliait Paris, Istanbul et Pékin. Et c'est lors de ce voyage que ses envies de vol ont vu le jour.
"En Turquie, j'ai dû rester à cinq heures du matin, en bas d'une montgolfière qui n'était pas adaptée parce qu'on m'a dit que pour des questions de sécurité, ça n'allait pas être possible. Donc, regarder tous les copains qui partent et voir ça d'en bas, ça a créé une sorte de frustration", indique le trentenaire.
"En parlant de cela, avec des gens sur un salon de véhicules d'aventure, ça les a surpris. L'un d'eux m'a dit : 'moi, ça fait 30 ans que je vole, que je pilote et que je suis instructeur. Pas de problème, faut qu'on réfléchisse à ça. On va le faire'".
Dans le hangar à dirigeables, Philippe Lusley est à la manœuvre du cockpit prototype. Le pilote et instructeur de montgolfière détaille les aménagements réalisés : "les bouteilles sont au milieu pour que le pilote ou l'élève puisse avoir accès aux commandes et lire les cadrans. Ce projet nous permet aussi de connaître ce monde et de prendre en considération tous les types de problématiques que nous, valides, on ne peut pas deviner", indique-t-il.
Une équipe de bénévoles à la recherche de sponsors
Le projet baptisé "Side Fly", est mené par les bénévoles de l'association "Audace Handi évasion".
"Pourquoi il ne pourrait pas voler au même titre que d'autres ? Il suffit d'adapter le matériel. De fil en aiguille, tout un tas de pilotes ont rejoint le projet, parce que cela leur permet de sortir de leur zone de confort en tant que pilote, ils sont obligés de trouver des solutions pour les handis, qui resservent ensuite pour les valides", estime Pascal Huar, pilote membre de l'association.
Les bénévoles, Samuel Marie et d'autres apprentis-pilotes aimeraient créer une flotte de ballons adaptés, appelés "enveloppes". "L'idée, c'est un peu comme la patrouille de France donc avec trois enveloppes. Ce sont des dirigeables ultra-légers", précise le Grenoblois.
L'équipe cherche des sponsors pour développer le projet. "Pour le moment, on a un partenariat avec OCI Informatique qui permet de créer la première enveloppe. Mais on veut avancer pour créer une formation. Cela n'a jamais été fait et on veut être les pionniers dans ce domaine-là".
Repenser les images du handicap
Samuel Marie se bat depuis plus de quinze ans pour battre en brèche les stéréotypes sur le handicap.
Samuel avait 20 ans lorsqu'un accident de travail a changé sa vie. Après une chute de six mètres, il est devenu tétraplégique. L'ancien cordiste professionnel a subi une trentaine d'opérations pour retrouver un peu de mobilité dans les épaules et les avant-bras.
"J'ai essayé de faire ce qu'il fallait pour ne jamais retourner à l'hôpital et pour essayer de retrouver une vie jolie derrière", dit-il. Porte-drapeau de la mobilité, il veut repousser plus loin et plus haut le monde des possibles. En 2020, il devenait le premier tétraplégique à poser ses roues en Antarctique.
"Cela permet de redéfinir les images d'une personne handicapée. Dans notre tête, on n'imagine pas une personne tétraplégique en Antarctique. Du coup, ça retourne tout, ça oblige à reconcevoir notre notion du handicap dans la société", ajoute-t-il.
Dans son livre "Avance, bordel !", publié en 2019 aux éditions Dunod, Samuel Marie parlait aussi de son envie de piloter un jour un hélicoptère. Il s'est d'ailleurs rendu récemment à l'aéroport de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, dans le nord-Isère pour se familiariser avec le monde du contrôle aérien.
En attendant, son premier vol en montgolfière devrait avoir lieu au mois de juillet.