Une conférence réunissant deux imams controversés devrait avoir lieu ce dimanche 29 janvier, à Echirolles, en Isère. La polémique, née sur les réseaux sociaux, enfle à l’approche de l’évènement dont le lieu est toujours tenu secret, "par mesure de précaution".
L’évènement fait déjà débat sur les réseaux sociaux. Ce dimanche 29 janvier à 13 heures, une conférence, organisée par l’association D’Clic, réunira les imams Ismail et Nader Abou Anas, à Grenoble, en Isère. "La véritable crainte d’Allah" et "Je ne ressens plus rien dans mes adorations" sont les thèmes prévus par les deux conférenciers.
Leur visite en Isère suscite de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux. Pourtant, l’un des membres de l’association assure avoir déjà organisé ce type de conférence "à deux reprises" dans le département, "sans aucun problème".
Une conférence déjà annulée à Avignon
L’UNI, un syndicat étudiant se présentant comme "défendant les valeurs de la droite dans l’enseignement supérieur" milite contre la tenue de cette conférence, à coups de tracts et sur les réseaux sociaux. Sur son compte Twitter, le mouvement écrit : "Des islamistes liés à l’association dissoute Baraka City s’apprêtent à donner une conférence à Grenoble".
Si le mouvement parle de l’association BarakaCity, c’est parce qu’il y a quelques semaines, cette même conférence devait avoir lieu près d'Avignon, provoquant déjà une vive polémique. L'évènement avait fini par être annulé à la demande de la préfecture en raison de la présence sur l'affiche, du logo de l’association Barakacity. Cette association, décrite par le ministre de l’Intérieur comme une "officine islamiste" œuvrant "contre la République" a été dissoute par décret en Conseil des ministres le 28 octobre 2020 suite à l’assassinat de Samuel Paty.
Sur son compte Facebook, l’association D'Clic, basée à Valence, dénonçait "une pression des pouvoirs publics". La présence de ce logo a été qualifiée d’"erreur" de la part du graphiste de l’association "qui n’a pas mis à jour cette dernière en reprenant une ancienne affiche du temps où l’ONG était encore en activité".
Nouvelle tentative à Echirolles dans un lieu tenu secret
En raison de cette annulation près d'Avignon, l’association, qui organise la conférence, garde pour l’instant secret le lieu de la réunion qui sera dévoilé presque au dernier moment, "le samedi 28 janvier" sur le réseau social de l’association, "par mesure de précaution".
Un lieu tenu secret, ou presque. "On vient de trouver le nom de la salle" affirme le membre du parti Reconquête, Damien Rieu à France 3 Alpes. Selon lui, la conférence aurait lieu dans une salle privée d’Echirolles. Une information confirmée par le maire de la commune, Renzo Sulli (PCF), qui ajoute : "Je n’ai aucun moyen de l’interdire".
Nous allons appeler le gérant pour qu’il soit conscient qu’il y a une limite de jauge à ne pas dépasser.
Renzo Sulli, maire d'Echirollesà France 3 Alpes.
Ce vendredi 27 janvier, l’association D’Clic publie, partiellement, une lettre du préfet de l’Isère, dans laquelle ce dernier affirme : "Je ne compte pas engager, à ce stade, de procédure d’interdiction administrative". Le représentant de l'Etat met néanmoins l’organisateur de la conférence en garde : "S’il venait à ma connaissance que des propos contraires aux principes de la République, à caractère haineux, ou contraires aux principes d’égalité entre les femmes et les hommes y auront été proférés, je les signalerais immédiatement au Procureur de la République de Grenoble".
Toujours sur son compte Facebook, l’association, qui remercie le préfet de l’Isère, affirme que "face à l’engouement suscité, l’évènement affiche complet" et qu’elle n’est "plus en mesure d’enregistrer de nouvelles inscriptions".
La polémique enfle à l’approche de l’évènement
"On pense que les deux prédicateurs annoncés sont radicaux, on s’appuie sur des citations et des vidéos" ajoute Damien Rieu, "ce ne sont pas des gens que l’on peut laisser s’exprimer".
Le membre du parti Reconquête affirme également à France 3 Alpes avoir saisi le préfet de l’Isère "avec la liste des éléments compromettants" concernant les deux imams attendus dans le département. Contactés le jeudi 26 janvier, les services de la préfecture n’ont toujours pas répondu à nos sollicitations.
"Il cherche le buzz"
"Il cherche le buzz" réagit le membre de l’association D’Clic. "L’évènement suscite des réactions d’opportunistes, comme Damien Rieu. C’est une incitation à la haine, de la calomnie" confie l’association qui envisagerait de porter plainte.
De son côté, Yvenn Le Coz, le président de l’UNI, s’oppose également à la tenue de cette conférence et "espère qu’elle ne sera pas maintenue". "Si le préfet ne fait pas son travail, nous organiserons une nouvelle opération de tractage pour alerter les gens sur le danger que représente cette réunion".
Nader Abou Anas, "le prédicateur néo-salafiste français le plus connu"
"Je connais bien les discours et le parcours de Nader Abou Anas" explique l'écrivain Naëm Bestandji. Son livre, "Le linceul du féminisme – Caresser l’islamisme dans le sens du voile" accorde d’ailleurs une large part à l’imam présenté comme "le prédicateur néo-salafiste français le plus connu".
Comme tous les islamistes, il est obsédé par la sexualité dont les femmes seraient responsables. Il est donc, évidemment, un promoteur acharné du sexisme du voile.
Naëm Bestandji, écrivainà France 3 Alpes.
"Il est ultra rétrograde et archaïque dans ses pensées, mais ultra moderne dans sa communication" précise l’écrivain, laïque et féministe engagé, qui affirme que Nader Abou Anas "s’est fait connaître du grand public par l’extrait d’une de ses conférences où il défend le viol conjugal."
L’idée est de faire du prosélytisme.
Naëm Bestandji, écrivainà France 3 Alpes.
"Le but premier des islamistes est de "réislamiser" les musulmans car ils considèrent qu’ils ne pratiquent pas correctement leur religion. Le voile est leur étendard identitaire, politique et prosélyte" précise l’essayiste.
"Je ne suis pas pour l’interdiction de la conférence si elle ne transgresse pas la loi" prévient Naëm Bestandji. "Les propos qui y seront tenus seront peut-être inoffensifs, mais cela participera à la notoriété locale des intervenants dont les propos dangereux tenus ailleurs seront banalisés" complète-t-il.
Une notoriété locale mais aussi nationale car "les conférences et discours de l’imam sont la plupart du temps retransmises sur les réseaux sociaux, ayant plus de 700 000 abonnés sur YouTube, plus de 582 000 sur Facebook et plus de 308 000 sur TikTok. Nader Abou Anas et les autres prédicateurs islamistes 2.0 sont de vrais influenceurs" constate Naëm Bestandji.