Après un quart de siècle à la tête de la troisième ville de l'Isère, Renzo Sulli a passé la main à sa première adjointe ce samedi 28 octobre. Amandine Demore, 46 ans, a été élue maire de la commune du sud de l'agglomération grenobloise, lors d'un Conseil municipal extraordinaire.
Le suspense n'aura pas duré très longtemps. Il n'aura fallu qu'un seul tour de scrutin pour qu'Amandine Demore soit élue à la tête de la ville d'Échirolles. Jusqu'ici première adjointe de Renzo Sulli, le maire communiste de la ville, cette militante de gauche de 46 ans a recueilli 26 voix sur 39. Deux autres candidats, Alban Rosa (La France Insoumise) et Fabienne Sarrat (groupe Changer Echirolles C'est possible) ont cumulé 8 voix au total.
A l'annonce des résultats proclamés par le maire sortant, la salle s'est levée pour l'applaudir.
"Je mettrai tout en œuvre pour me montrer digne de la confiance que mes collègues m'ont apportée", a-t-elle réagi.
"Pour la première fois dans l'histoire d'Échirolles, c'est une femme qui en est maire. C'est avec une grande fierté que je peux dire aujourd'hui qu'Échirolles devient la plus grande commune de l'Isère avec une femme à sa tête".
Dans son discours qui a duré une vingtaine de minutes, Amandine Demore s'est inscrite dans les pas de son mentor, Renzo Sulli, 74 ans, en poste depuis 1999. Ce dernier avait annoncé son retrait le 13 octobre dernier, présentant sa démission au préfet.
Les deux militants communistes s'étaient rencontrés, par hasard, au milieu des années 2000, "au détour d'un panneau de collage", a raconté cette Ardéchoise, arrivée à Échirolles au milieu des années 1990 pour ses études.
"De cette main tendue ce soir-là, tout a découlé", a-t-elle ajouté, retraçant son parcours. Amandine Demore est entrée au conseil municipal en 2009. Elle est devenue, en 2014, adjointe à la vie associative, aux affaires générales et à l'égalité entre les femmes et les hommes, "sa boussole politique", puis première adjointe en 2020.
"Mr le maire, cher Renzo, c'est avec une grande fierté et une immense émotion que je prends aujourd'hui ce flambeau que tu me tends", a déclaré l'élue, saluant un "homme intègre, volontaire et d'une infinie sincérité dans son engagement pour sa ville, un homme qui ne baisse pas la tête face aux injustices, au déterminisme".
"Une grande émotion tempérée par de la fierté"
Renzo Sulli avait lui pris la parole avant le scrutin, formulant un au revoir plus que des adieux puisque le maire sortant reste conseiller municipal de la ville.
"En tant que maire pendant que 24 ans dans cette ville, c'est une ville que j'aime beaucoup, par-dessus beaucoup de choses, et je n'ai ni envie de la quitter, ni comme le dit la rumeur, d'aller construire une maison à Meylan, à Corenc ou ailleurs", a-t-il dit dans un sourire.
"Aujourd'hui, grande est mon émotion", n'a-t-il pas caché, "émotion de transmettre cette belle écharpe de maire à ma collègue et amie, Amandine Demore, parce qu'on ne quitte pas de telles fonctions sans nostalgie, tant cette vie publique est prenante. Cette émotion est tempérée en même temps par la fierté que j'ai de confier les reines à une jeune femme dont chacun connaît la compétence et l'engagement", a ajouté Renzo Sulli.
"Une dauphine formatée pour perpétuer une monarchie"
Une passation de pouvoir que n'a pas manqué de fustiger l'opposition.
S'adressant à Renzo Sulli, Alban Rosa, de La France Insoumise, a estimé que "la démocratie locale à Échirolles [avait] été abîmée. Dès 2020, nous avions prévenu que ce mandat était un mandat de trop, qu'en tout état de cause vous n'iriez pas au bout car votre objectif était de choisir un ou une candidate parmi le Parti communiste pour vous succéder. Ce faisant, à nos yeux, vous privez les électeurs et les électrices de notre ville de choisir leur maire", a déclaré le conseiller municipal.
"Votre dauphine désignée a été formatée pour perpétuer une monarchie qui, pour rappel, est présente depuis bientôt 80 ans à la tête de notre ville", a estimé Fabienne Sarrat, conseillière municipale du groupe "Changer Echirolles C'est possible" alors que quelques huées se faisaient entendre dans la salle.
Le quatrième maire depuis 1945
Depuis la Libération, Échirolles n'a connu que trois maires, Amandine Demore devenant la quatrième.
Et si l'opposition a également profité de la séance pour dénoncer la gestion de la ville, "les rapports gratinés de la chambre régionale des comptes", "l'insécurité, le trafic de drogues" ou "le chômage et la pauvreté qui restent élevés", tous ont cependant fait la démonstration de leur respect envers Renzo Sulli. Les uns, comme Fabienne Sarrat, saluant sa "pugnacité", d'autres comme le RN Alexandre Moulin-Comte, "des échanges musclés mais dignes et une envergure qui manque dans la politique aujourd'hui".
Alors qu'une banderole avec la mention "merci monsieur le maire" était déployée dans le public, le maire emblématique d'Échirolles a dit avouer "avec humilité" avoir fait "le maximum" de ce qu'il pouvait faire.
"Peut-être que d'autres auraient fait mieux, mais moi j'ai donné le maximum de ce que je pouvais donner à cette ville et à ses habitants. Et que je suis fier, fils d'ouvrier immigré clandestin anti-fasciste d'être devenu le maire d'Échirolles pendant 24 ans. Je ne l'oublierai jamais", a conclut Renzo Sulli.