En vallée, les hôpitaux craignent le pire avec l'ouverture des stations de ski et leur lot d'accidents quotidiens. Des médecins s'alertent et tentent de trouver des solutions pour que le système n'implose pas alors que la pandémie de Covid-19 bat son plein.
L'accidentologie en stations de ski risque t'elle de saturer les hôpitaux de vallée ? Plus que jamais, des médecins montent au créneau pour alerter sur les risques de saturation des hôpitaux avec l'ouverture des stations de ski. Selon eux, l'hôpital est à l'agonie et la traumatologie liée aux sports d'hiver risque d'achever le malade.
Du côté des cabinets médicaux de station, on rappelle haut et fort que "plus de 9 blessés sur 10 sont totalement traités au sein des cabinets de Médecins de Montagne." À Tignes en Savoie, sur les 135 jours de saison d'hiver, la moyenne est de 25 traumatismes traités par jour, soient environ 3 500 accidentés par saison.
"Cela va d'une entorse du pouce à des atteintes du rachis beaucoup plus graves, mais seulement 4 % des blessés sont envoyés dans les hôpitaux de Tarentaise ou de Grenoble", précise le docteur Christophe Nardin qui officie dans la station savoyarde depuis les années 80.
Des services déjà saturés
Difficile de chiffrer le nombre de victimes au total sur les 325 stations de ski que compte le pays. Mais on peut l'estimer à plusieurs milliers par hiver sans se tromper. Mais pour les hôpitaux déjà saturés en période de rebond épidémique, l'addition risque d'être salée.
On demande aux médecins de montagne de faire du dépistage et de faire passer des tests Covid en plus de leur travail quotidien.
Docteur Didier Legeais, président du syndicat des médecins de l'Isère.
Les lits d'hôpitaux disponibles valent de l'or et le matériel médical est insuffisant dans beaucoup de services, sans parler du personnel en chute libre depuis le début de la crise Covid-19. "On demande aux médecins de montagne de faire du dépistage et de faire passer des tests Covid en plus de leur travail quotidien. L'arrivée du variant Omicron ne va pas arranger la situation", martèle le docteur Legeais, président du syndicat des médecins de l'Isère.
Pour ce chirurgien en urologie, le problème est complexe et multiple. Les solutions seront longues à mettre en place. "Les infirmières démissionnent en bloc de l'hôpital. Pour vous donner un exemple, elles gagnent 1 600 euros par mois dans nos établissements alors que dans un centre de dépistage, c'est le double." Et c'est la même chose pour les urgentistes qui gagnent deux fois plus dans les centres de vaccination. "Il faut impérativement trouver du personnel soignant dans les hôpitaux."
Plusieurs solutions envisagées
Le praticien, ne s'en cache pas, la situation est critique. Les urgences, qui font face à un manque de personnel et de moyens dans certains hôpitaux, sont extrêmement tendues. Pour lui, il va falloir trouver des solutions urgentes si on ne veut pas "aller dans le mur".
Parmi ces solutions à l'étude avec l'ARS (Agence Régionale de Santé) : l'amélioration de la classification des accidents de ski, une meilleure répartition des patients dans les hôpitaux disponibles, l'acquisition de matériel médical supplémentaire dans certains hôpitaux ou encore la création d'une plateforme de contact direct entre médecins et orthodontistes. Autre proposition, l'évacuation des patients blessés dans leur région d'origine pour ne pas saturer les hôpitaux alpins.
La situation au CHU Grenoble-Alpes
Proche des stations de sports d’hiver, le CHU Grenoble-Alpes reçoit de nombreux traumatisés du ski, pendant la période d’ouverture des stations (décembre à avril). Sur cette période, on note une hausse importante des besoins en soins non programmés toutes spécialités confondues mais surtout en traumatologie, et ortho traumatologie. Comme chaque année, la traumatologie hivernale entraîne une augmentation des prises en charge en traumatologie et orthopédie (+20% sur le mois de mars 2019).
Le CHU appelle les personnes à la prudence et la vigilance, à bien porter un casque et à respecter les consignes données en station. Sur le territoire, un important travail est réalisé pour coordonner les soins médicaux en station, les hôpitaux proches et le CHU qui reste un établissement de recours pour les prises en charge les plus graves. Tous les acteurs sont mobilisés, notamment les médecins de ville des stations.
Les services d'urgence sont déjà pleins. 80 % des malades critiques ne sont pas vaccinés, et la situation va s'empirer avec l'arrivée d'Omicron.
Docteur Didier Legeais
À l'heure des vacances de Noël, les hôpitaux sont sous la menace d'une asphyxie que la traumatologie inhérente aux vacances d'hiver ne va pas arranger. L'an passé, les stations de ski ont dû fermer leurs remontées mécaniques en raison du brassage de population qu'elles représentent, mais aussi du risque d'une hausse des hospitalisations due à l'accidentologie. Un an après un hiver blanc, le contexte est le même et la pandémie redouble avec l'arrivée imminente du variant Omicron.
Et le docteur Legeais de conclure : "Les services d'urgence sont déjà pleins. 80 % des malades critiques ne sont pas vaccinés, et la situation va s'empirer avec l'arrivée d'Omicron. On est dans le mur !" Une phrase qui résonne mal en montagne où l'économie des stations de ski ne tient plus que par un fil.